[Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

[Mark Chopper]

Le Sakuragi du cinéma.

[Olrik]

Bien vu !
Il a de la "génialité" à revendre ! (une de ses répliques dans Le Deuxième Acte va dans ce sens).

[Olrik]

Le Deuxième Acte
Quentin Dupieux - 2024

Troisième Dupieux d’affilée. Je craignais de faire le film de trop et de fait, les dix premières minutes se sont déroulées comme lors de Daaaaaali !, c’est-à-dire avec l’impression que le film allait peut-être me gonfler. Je pensais naïvement que ça allait se passer comme le pitch officiel, à savoir :

Florence veut présenter David, l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part.

Mais voir de soudaines ruptures méta, avec les acteurs qui oublient leurs personnages pour évoquer leur quotidien m’est apparu un peu gratuit, en tout cas redondant par rapport à Daaaaaali ! et Yannick. Mais une fois encore, Dupieux a fini par m’avoir. En fait, Dupieux, je le vois un peu comme le Fabcaro du cinéma. Même art du décalage, de la réplique qui tue, de la situation inattendue. Et quand le tout est porté par des comédiens qui sont totalement dans ce qu’ils font, ça fait mouche. Je les ai tous trouvés également bons, avec pour ma part une préférence pour le duo Quenard / Lindon. Voir ce dernier en mode Joe Pesci avant de trouver une forme de complicité avec le mec en doudoune et au phrasé irritant en face de lui, tandis que le serveur essaye de… (vous verrez bien, c’est tout con mais c’est le running gag qui m’a achevé) a fait ma soirée (tout comme les répliques hallucinantes autour d’Arnold et Willy).
Comme pour Yannick, ce qui devait être l’histoire principale (un imbroglio amoureux réunissant quatre personnages) part en lambeaux pour livrer la véritable histoire, le résultats d’une mise en abîme montrant les véritables personnalités des acteurs ainsi que leurs soucis et leurs joies du moment (cf. le personnage de Lindon qui l’a tout à coup bien dure parce qu’il apprend que Paul Thomas Anderson l’a choisi pour son premier film). Mais comme si tout cela était encore trop simple pour Dupieux, le film, par un effet de poupée gigogne, réserve encore une surprise lors du dernier quart d’heure, et c’est là qu’on se rend compte d’un travail d’écriture assez poussé concernant la structure du film. Il y a presque un côté oulipesque, comme si Dupieux s’était imposé comme contrainte de terminer de manière symétrique. Là aussi, n’en révélons pas trop, disons simplement que si au début on assiste à l’arrivée d’un personnage qui ouvre une boutique, on assiste à la fin à une « fermeture de boutique », mais plus métaphorique et montrant que Dupieux n’est pas insensible à une thématique sociale (c’était le cas dans Daaaaaali ! et Yannick).
J’ignore si Dupieux va enchaîner encore longtemps avec ce genre de petites perles inventives, mais ça fait du bien de voir des comédies françaises sortant de la vulgarité et des sentiers battus. En attendant le prochain, direction pour ma part vers le début de sa filmo, avec le fameux Rubber.

[Alegas]

Je connais mal le début de sa filmo mais j'avais détesté Rubber. Curieux de te lire dessus.

Perso, je te conseille Le daim et Au poste, qui ont des chances de te plaire vu tes dernières critiques.

[Olrik]

Je note tout cela Franchement, je sais pas comment j'ai fait pour passer à côté de Dupieux durant toutes ces années. Je vais peut-être finir par tomber de haut mais je suis plutôt confiant pour Rubber.

[Olrik]

Rubber
Quentin Dupieux - 2010

Vu avant mes trois précédents films chroniqués, j’aurais peut-être adoré. Là, sans aller jusqu’à dire que je me suis ennuyé, j’y ai moins trouvé mon compte. Pourtant, quand je vois que Dupieux est né en 1974, je me dis qu’il a forcément apprécié, ado, les facéties de Topor à la TV, avec son Téléchat. Car franchement, cette histoire de pneu qui se met à buter des gens, c’est du Téléchat. Du Téléchat sanglant, plus pour adultes, mais du Téléchat quand même (certain d’ailleurs qu’il y a eu un ou plusieurs sketches présentant des objets assassins). Très client de cette émission (quand on y songe, c’est fou que ce genre d’ovni télévisuel ait pu être proposé dans une émission pour mômes !), je me suis d’abord frotté les mains mais, passé l’amusement des premières scènes surréalistes, il faut bien avouer que l’histoire est devenue un brin monotone. Quand on le voit après Daaaaaaali !, Yannick et Le Deuxième Acte, Rubber est moins verbeux, plus arty (tous ces plans contemplatifs d’objets, de scènes désertiques, le tout bourré de flares et rappelant que Dupieux a apparemment été marqué par Massacre à la tronçonneuse) et c’est sans doute pourquoi le film a moins marché avec moi. C’est amusant, oui. Mais sans plus, j’ai trouvé.
Alors il y a bien les personnages des spectateurs armés de leurs jumelles et ceux des flics comédiens prisonniers dans un espace où ils ne savent plus très bien dissocier fiction et réalité. Espace pirandellien surréaliste où l’on cause davantage, avec notamment un personnage de shérif qui m’a fait penser à Twin Peaks, une sorte de mélange de Dale Cooper et de femme à la bûche (cf. son discours WTF en ouverture). Et c’est peut-être dans cet aspect du film que j’ai senti plus d’intérêt. Mais là aussi, après avoir vu trois films dans lesquels les acteurs montraient un certain brio, l’amusement, l’implication ont été plus mesurés — et pourtant j'ai bien aimé le jeu d'acteur du pneu, mais ce n'était pas suffisant.
Content malgré tout d’avoir vu ce fameux Rubber. Je vais continuer d’explorer la filmo de Dupieux, mais après une petite pause. Tiens, se plonger dans Téléchat pour revoir quelques épisodes de Léguman, ça peut être sympa.

[pabelbaba]

J'ai pas tenu jusqu'au bout. Pourtant Téléchat me foutait les chocotes.

[Olrik]

De fait, mon petit frère se dépêchait de sortir du salon quand arrivait un épisode de Léguman.
Tiens, tout cela me donne une idée de film pour la séance de ce soir

[Mark Chopper]

Le blues du dimanche soir n'a jamais aussi bien été rendu que dans la séquence finale de Téléchat.

[Olrik]

Tout était parfait dans ce programme.

[Olrik]

Marquis
Henri Xhonneux & Roland Topor

Téléchat, dans les 80’s, ça décoiffait. Mais Marquis, réalisé par Henri Xhonneux et avec Topor en directeur artistique, ça décoiffait encore plus. C’est bien simple, parmi tous les films traitant le sujet du Marquis de Sade ou de certaines de ses œuvres (en particulier Les Malheurs de la vertu), Marquis se situe clairement au top dans ce qui a été fait de plus bizarre (cela dit, je m’avance peut-être). Certainement moins dérangeant que le Salo de Pasolini, mais quand même, pour celui qui s’y aventure bien content de retrouver l’esthétique de Téléchat, oui, ça déconcerte. On est plongé en 1789, dans une cellule de la Bastille où le Marquis (un avatar de Sade) écrit clandestinement des récits pornographiques tout en débattant avec Colin, son sexe doué de parole et qui exige d'être satisfait.

Et on le comprend car il doit bien faire ses 50cm, à la longue ça doit être bien douloureux pour le Marquis !

Peut-être le sera-t-il avec Justine, une jeune femme enceinte d'un enfant bâtard du roi et que l’on vient d’incarcérer non loin de lui ? Pas impossible car, afin d'éviter le scandale que cette naissance causerait, un prêtre corrompu imagine qu’il serait adroit de faire croire que le Marquis est le père du bébé…
Marquis est la réponse aux esprits déviants, après chaque séquence post-générique de Téléchat, se demandaient si Groucha allait finir la soirée en se tapant Lola. Sans ambiguïtés, Topor donne à ces mêmes esprits de quoi satisfaire leurs penchants zoophiles :

Cha alors ! (comme dirait Groucha)

Mais limiter Marquis à une curiosité libidineuse et arty, avec l’usage de ces masques animatroniques fabriqués par Topor, serait trop simple. Si tout n’a pas bien vieilli et si l’on peut ressentir ici et là quelques longueurs, l’intérêt principal est tout de même d’avoir fait feu de tout bois pour restituer plusieurs aspects de cette époque, à savoir une ambiance pré-révolutionnaire, le quotidien de Sade embastillé, le sort incertain de certains de ses manuscrits lors de son emprisonnement, l’esthétique de ses écrits, la réception à cette époque de la littérature pornographique ainsi qu’un goût pour la dissertation philosophique à laquelle Sade n’a eu de cesse de s’adonner.
Mine de rien, Topor et Xhonneux, tous deux aux manettes du scénario, ont cherché à fournir un ovni cinématographique ambitieux sur un tel sujet et donnant une idée assez nette sur ce qui se trame dans les romans du divin Marquis. On y fout, certes, mais pas que. L’amateur y trouvera quelques clins d’œil à son œuvre. Celui qui ne l’est pas aura peut-être la curiosité de s’y plonger, intrigué de s'apercevoir qu'elle ne peut être réduite au simple adjectif « sadique ».

[Alegas]

Le Daim
Quentin Dupieux - 2019

S’enquiller plein de films d’un réalisateur comme Dupieux, c’est un peu comme s’envoyer plusieurs épisodes du Monty Python’s Flying Circus. Comparer les épisodes entre eux, les dissocier par des notes n’a pas beaucoup de sens. Dans les deux cas, on utilise l’humour absurde et, dans les deux cas aussi, on y excelle, notamment pour varier, trouver de nouveaux sujets.

Dès lors, avec ce cinquième film de Dupieux (après en avoir vu quatre autres en autant de jours), sans aller jusqu’à dire que je sature, me voilà bien en peine de dire si Le Daim est meilleur ou moins bon que les autres. On est simplement en terre Dupieuzienne, c’est-à-dire au milieu d’un pitch minimaliste (un homme tombe amoureux de sa veste en daim et s’enfonce dans plusieurs obsessions) propice à créer des décalages dans un monde où l’illogisme se rencontre à chaque coin de rue (ça commence fort avec le personnage de Dujardin qui s’achète cette foutue veste pour 7500 €). De nouveau j’y ai pris du plaisir, je me suis amusé à certaines répliques. N’étant pas fan de Dujardin à la base, j’ai finalement apprécié son personnage même si, comme pour Rubber, je me suis aperçu que je préférais le brio dialogal de Daaaaaali !, Yannick et Le Second Acte. Le personnage de Dujardin est passablement abruti, parle peu, ce qui nous évite un cabotinage à la Brice de Nice. Et comme on est plongé dans une bourgade un rien glauque, son côté Deschien est raccord (tout comme l’usage d’une colorimétrie bien terne).

Mais ouais, l’esquisse absurde m’a moins emporté que les autres. Les dialogues entre Dujardin et Haenel sont amusants, mais cela fait peu au milieu d’un film où l’on assiste a beaucoup d’errances silencieuses. Reste l’impression que le film est largement capable de supporter des revisionnages. Avec sa manière de calibrer des films ne dépassant pas les 1H20, Dupieux propose un spectacle dense avec des allures de conte, genre s’accommodant fort bien des répétitions mais aussi où le moindre mot peut être doté d’un poids, d’une résonnance susceptible d’orienter l’interprétation. À ce titre, j’ai le sentiment que revoir le film en se focalisant sur le personnage d’Haenel pourrait être fructueux.

[pabelbaba]

Va falloir laisser passer du temps avant que je ne le revoie...

[Olrik]

Dis pas ça, j'ai vu ta note : dis-toi que tu es parti de rien et que ça ne peut que s'améliorer pour un deuxième visionnage.

[pabelbaba]