The Fall of the Roman Empire (La Chute de l'Empire Romain) de Anthony Mann
(1964)
Gros péplum de fin de carrière pour Anthony Mann, et un film dont l’objectif était très probablement de réitérer le succès de El Cid, sorti trois ans auparavant et signé par le même réalisateur. C’est malheureusement un film qui est entré dans l’histoire du cinéma pour avoir été le dernier clou du cercueil pour le péplum, genre qui ne retrouvera la grâce du public que des décennies plus tard, et c’est d’ailleurs super intéressant de noter que le film de Mann entretient des rapports évidents avec le film qui redonnera ses lettres de noblesse au genre, à savoir Gladiator. Car bon, si on a vu le Scott, il est tout simplement impossible de ne pas avoir des sensations de déjà-vu en regardant le film de Mann : toute la première moitié du métrage c’est grosso modo les 45 premières minutes de Gladiator, avec Marc Aurèle, Commode, Lucilla, l’invasion des terres barbares enneigées, la mort trouble de l’Empereur, Commode arrive sur le trône et tranche avec le règne de son père, un haut gradé qui aurait dû prendre la place de Commode mais qui va être mis à l’écart, la love story entre ce héros et la fille de l’Empereur, franchement quasiment tout y est.
C’est pas spécialement gênant car les deux films ont ensuite des directions radicalement différentes, le film de Mann veut traiter de la chute d’un Empire, pendant que Scott raconte une histoire dramatiquement plus étoffée pour conter un renouveau, mais c’est amusant de constater que Scott a finalement repris plein d’éléments du film qui a soi-disant tué le péplum pour le faire renaître. Concernant le Mann, c’est un film qui a deux parties bien distinctes : une première qui pose les bases à venir (du coup c’est une gigantesque introduction d’une heure et demie, mais c’est néanmoins passionnant à suivre), et une seconde où Mann va raconter petit à petit tout ce qui a mené à la chute de Rome. Alors bon, les libertés historiques sont légions, mais c’est pas gênant dans le sens où ça semble assez assumé, personnellement je prends plus le film comme l’histoire du début de la chute, avec la fin de la Pax Romana, plutôt que l’effondrement final de l’Empire, et en ce sens ça fait narrativement bien le taf.
Ceci dit, à ma grande surprise, la seconde partie a finalement été celle que j’ai le moins apprécié : alors que Mann a pris son temps pour la première moitié, il semble constamment vouloir rattraper son retard dans la deuxième, où les évènements s’enchaînent rapidement, au détriment de l’évolution des personnages, de certaines révélations (le twist concernant la paternité de Commode, ça sort vraiment de nulle part et on pourrait finalement le virer sans que ça gêne le reste) ou de la précision du contexte (la famine à Rome qui débarque d’une séquence à l’autre). Du coup, on y croit moyen à cette chute où on passe rapidement d’un extrême à l’autre, et où l’écriture des personnages n’aide pas vraiment à accompagner tout ça. Globalement, passé le passage où Livius accepte que Commode prenne le pouvoir, il y a une vraie perte dans l’écriture des personnages avec un côté manichéen très prononcé, où il y a d’un côté le mal absolu en la personne de Commode, et l’homme bon personnifié par Timonides. Je pense que c’est ce manque en écriture qui vient rendre la seconde moitié assez fade : l’histoire d’amour entre Boyd et Loren ne fonctionne pas (pas aidé par la piètre prestation de Boyd, dans un rôle prévu pour Heston à la base, son interprétation dénote avec le reste du casting), idem pour la relation fraternelle entre Livius et Commode (relation complètement reprise sur celle de Ben Hur d’ailleurs, scène homo érotique à l’appui) et globalement on a du mal à se passionner pour le destin de ces personnages.
Formellement, même si le film jouit d’un paquet de scènes mémorables (tout le début, le final en 1 VS 1 qui sera aussi repris dans Gladiator, la vision de Rome où le peuple se lâche complètement dans les rues, la reconstitution du Forum), il a aussi beaucoup de défauts, à commencer par une tendance à rajouter du spectaculaire là où ce n’est pas nécessaire (le duel de chars, qui semble être ici juste pour surfer sur la hype de Ben Hur), un rythme inégal (comme souvent dans les péplums de cette longueur, ça allonge des scènes d’exposition juste pour montrer le fric à l’écran, en témoigne l’arrivée de Commode à Rome), et des batailles sacrément brouillonnes (celle avec les Perses c’est tellement mal foutu qu’on a du mal à discerner qui fait quoi, qui gagne, qui rejoint qui). Bon après, même si je souligne beaucoup les défauts, c’est aussi un film qui se tient bien, et qui est supérieur à beaucoup de productions similaires de l’époque : à choisir, je crois que je préfère revoir celui-ci à Cleopatra ou Ben Hur qui sont pourtant nettement plus réputés. Une grosse bobine qui a ses limites donc, mais qui arrive tout de même à livrer la marchandise.
6,5/10