Scarlet Street (La rue rouge) de Fritz Lang
(1945)
On qualifie souvent Scarlet Street de film jumeau du précédent film de Lang, à savoir The woman in the window, et après avoir découvert les deux films à quelques mois d'intervalle je comprend aisément pourquoi : outre le fait que les deux films partagent les mêmes têtes d’affiche (le trio Robinson/Bennett/Duryea), les acteurs jouent des rôles aux fonctions quasiment identiques (une victime, une femme fatale, et un charlatan), le directeur photo est le même, le récit tourne autour d’un tableau important, et globalement ce sont les mêmes thématiques qui sont retrouvées. Ceci dit, et c’est sans doute le plus important, cela ne rend pas Scarlet Street moins intéressant parce qu’on a vu son jumeau, et au contraire je trouve que Lang arrive à créer finalement deux films très différents, et à choisir je dirais même que je préfère celui-ci, quand bien même ça ne se joue à pas grand chose.
Le film est un remake d’un film réputé de Renoir avec Michel Simon, La Chienne, et faut avouer que ça donne envie de le découvrir pour savoir comment Lang et son scénariste ont géré l’adaptation. Le récit est un pur film noir, avec un monsieur tout le monde qui rêve d’une vie meilleure sans s’en donner les moyens (il peint mais ne se dit pas qu’il pourrait vivre de son art, et il est marié avec la pire femme possible), et qui va tomber amoureux d’une jeune femme qui va profiter de lui, notamment en vendant sans lui dire ses tableaux par l’intermédiaire de son mac (les notions de prostituée et de mac ne sont jamais explicitées, mais on s’en doute vite). Sans en dire trop sur la suite de l’histoire qui réserve plusieurs surprises (c’est la grande qualité du film, tout semble narrativement logique et pourtant c’est difficile de prédire ce qui va arriver), mais ça va dégénérer avec chacun des membres du trio qui vont en vouloir plus : l’un voudra l’argent, l’une voudra l’indépendance (même si elle se fait mener par le bout du nez), et le dernier l’amour qu’il n’aura jamais).
Le récit va assez loin dans la noirceur et la violence (il y a un meurtre au pic à glace qui préfigure Basic Instinct), on peut même dire que c’est sans concessions tant chaque personnage atteint le fond du fond, mais là encore je ne vais pas trop en dévoiler de peur de gâcher la surprise, je vais juste dire que la fin est, pour le coup, bien plus satisfaisante que le précédent film de Lang. Formellement, c’est top sans être tape à l’œil, Lang est décidément assez sage côté réal en comparaison de ce qu’il a pu faire en Allemagne, mais ça ne l’empêche pas de signer quelques séquences brillantes (la fin) et d’avoir des plans très inspirés (celui avec l’ombre d’un pendu me reste clairement en tête, d’autant que c’est une idée qui a été reprise plusieurs fois depuis). Le casting est exemplaire, rien à redire là-dessus, Bennett joue un personnage beaucoup plus détestable que dans The Woman in the window, et Robinson est décidément très bon en victime malgré lui. Un très bon Fritz Lang, doublé d’un film noir très recommandable.
7,5/10