Hitcher
Robert Harmon (1986)
Au moment de lancer le visionnage de Hitcher, je n’étais pas trop sûr de l’avoir déjà vu, mais la scène finale avec Jennifer Jason Leigh m’a fait comprendre qu’en fait, si. Cette incertitude et l’absence relative de souvenirs est finalement assez symptomatique de l’effet mitigé que j’ai dû ressentir la première fois, probablement lors d’une de ses premières diffusions sur une chaîne française. En soit, Hitcher rejoint la bande des bons films coup de poing des 80’s et se laisse voir sans déplaisir. Il zyeute du côté de Terminator, avec un Rutger Hauer increvable (dans tous les sens du terme) et impressionnant, mais aussi du côté de Rambo (avec ses flics clownesques aux commandes d’une grosse armada), le tout sur les rails bien sûr du Duel de Spielberg, l’adversaire ayant cette fois-ci un visage mais gardant aussi une bonne part de mystère.
Hitcher fait donc preuve d’ambition dans ses influences et, encore une fois, parvient à rendre assez prenantes ses 87 minutes… sans pour autant atteindre à la même dimension des films précités. La faute il me semble à un défaut d’écriture qui permet d’enfiler les invraisemblances comme des perles. Je suis pourtant le premier à faire preuve d’indulgence envers ce genre de film mais là, certaines couleuvres ont eu du mal à passer. Ainsi l’arrestation de Jim Hasley devant le snack où travaille Nash, le personnage de Jennifer Jason Leigh. On rappelle qu’il en sort précipitamment parce qu’il est tombé sur un doigt au milieu de son menu burger-frites, ce qui signifie que l’autre maniaque est peut-être planqué dans le resto. Jim commence d’ailleurs à protester mais il suffit d’une menace verbale pour qu’il la ferme et qu’il entre docilement dans la voiture des flics, observant par sa fenêtre la jolie petite serveuse qui s’en va retourner dans son snack… là où l’attend peut-être un serial killer. Mais bon, on ne va pas le dire, les flics sont si intimidants ! Et au commissariat, c’est le même topo : le p’tit Jim se laisse prendre en photo et envoyer en cellule, il ne dit rien ! Vexé comme un pou, Jimounet ! Là, on se dit qu’un coup de téléphone va quand même retentir, qu’un gus va leur dire qu’on a retrouvé Nash zigouillée dans son resto ou alors, si elle est toujours vivante, qu'elle va les informer qu’elle a retrouvé un doigt humain sur un plateau, mais non. Apparemment, elle a dû foutre les restes du menu à la poubelle sans trop regarder (ou alors elle est très myope).
Et des invraisemblances comme cela, il y en a à la pelle. Rematez Duel autant de fois que vous voulez, vous ne ressentirez jamais cette gêne d’une grosse couleuvre qu’on vous demande d’avaler, la plus grosse venant sans doute des capacités d’omnipotence du personnage de Rutger Hauer. Quel que soit l’endroit où se trouve Jim, il a l’assurance de tomber sur ce bon vieux John. À se demander si en plus de Duel, Rambo et Terminator, Harmon n’était pas fan aussi de Bib bip et le coyote. Après, on pourra arguer que cet aspect peut donner une touche surnaturelle au film pas déplaisante. Sans doute, mais cela n’empêchait pas de coudre cet aspect avec du fil délicat plutôt qu’avec du gros fil de toile de jute. Ainsi l’arrivée quasi fantômatique de John dans le motel où se trouvent Jim et Nash. Le pire c’est qu’on n’est même pas surpris. La caméra nous montre Jennifer sur le lit et son mouvement panoramique est à peine initié que l’on sait déjà sur qui on va tomber.
Gros sabots que tout cela, et c’est dommage car juste après, voir John s’allonger à côté de Nash pour se faire passer pour Jim est une bonne idée. Il se colle gentiment à elle, lui met la main sur l’épaule et la jeune femme répond en lui caressant la main, pensant évidemment qu’il s’agit de Jim. Ho ! ho ! qu’on se dit. Jusqu’où cela va-t-il aller ? ces jeunes, alors ! Naughty, naughty ! Apparemment, être poursuivie par un serial killer n’empêche pas certains besoins naturels dans un motel crasseux. Mais ça ne va pas plus loin qu’un simple effleurement de mimine puisqu’elle s’aperçoit que les doigts qu’elle caresse ne sont pas de la bonne taille (finalement très Petit Chaperon Rouge, la situation). Scène intéressante en ce qu’elle montre le personnage du méchant se mettre dans la peau de celle du gentil (pour mieux pénétrer celle de la gentille), tandis que le même gentil va avoir tendance à s’endurcir, à jouer au dur, l’objectif inconscient étant d’acquérir suffisamment de vice pour buter John. Aspect d’ailleurs intéressant que cette volonté lors de certaines scènes de jouer sur la dualité entre Jim et John. On le comprend assez vite, John ne tue pas Jim, il veut jouer au chat et à la souris, le pousser dans ses derniers retranchements afin d’être tué par lui. Autrement dit, il veut faire de Jim ce qu’il est, c’est-à-dire un tueur. Il aurait été intéressant de pousser plus loin cet aspect, de montrer par exemple un american way of life dans lequel les instincts primitifs se libèrent peu à peu de la carapace gentillette d’un post ado américain. On l’a par intermittences, comme lorsque Nash, excédée par le comportement d’un flic, se saisit d’un flingue pour le sommer d’arrêter son numéro, avant de faire basculer le couple dans une cavale très Bonnie and Clyde. Oui, durcir le trait concernant les deux jeunes de l’histoire, parvenir à les rendre antipathiques et à rendre presque touchant le serial killer aurait peut-être permis à Hitcher de passer à un tout autre statut.
N’oublions pas que Rutger Hauer est quand même le type qui a su rendre touchant un robot tueur à la fin d’un film qui s’appelle Blade Runner...
6,5/10