[Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Vos critiques de longs-métrages

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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Alegas » Jeu 28 Mar 2024, 17:18

Je garantis pas que je verrais beaucoup de choses, mais ça fait des années que je repousse la vision de Paris Texas donc ça serait l'occasion idéale de m'y mettre enfin.
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar pabelbaba » Jeu 28 Mar 2024, 17:25

Banco, j'ai aussi de vieux stocks.
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar osorojo » Jeu 28 Mar 2024, 19:01

Ça motive plus que Lambinou c'est clair.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar lvri » Jeu 28 Mar 2024, 19:12

Il y a pas mal de films/docs de Wenders sur OCS en ce moment pour info.

Buena Vista Social Club
L'ami américain
La lettre écarlate
Pina
The million dollar Hotel
Alice dans les villes
Tokyo-Ga
Faux mouvement
Lisbonne Story
L'angoisse du gardien de but...
Carnets de notes sur vêtements et villes
Si loin si proche
Nick's movie
Au fil du temps
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Tokyo-Ga - 6,5/10

Messagepar Olrik » Mar 02 Avr 2024, 09:03

Wim Wenders challenge
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Tokyo-Ga
Wim Wenders – 1985


Vouant à l’œuvre de Yasujiro Ozu une admiration sans bornes, c’est tout naturellement que Wim Wenders avait espéré retrouver le Japon des films de son idole lors de son premier séjour là-bas. Las, débarquer en 1983, en pleine bulle économique, n’était peut-être pas la meilleure idée pour cela.

Qu’à cela ne tienne, Wenders traitera les images de son séjour sous l’angle du moderne, du fake (il y a par exemple un segment consacré aux reproductions culinaires en plastiques que les restaurants arborent souvent dans leur vitrine), pour bien faire comprendre que le Japon d’Ozu, c’est terminé, à moins de se rendre à la source, c’est-à-dire en interviewant certains de ses collaborateurs encore vivant (l’acteur Ryu Chishû et le directeur de la photographie Yûharu Atsuta, tout deux octogénaires, le temps de deux scènes intéressantes mais un rien naphtalinées), ou bien en se rendant au cimetière où se trouve sa tombe, ou encore, tout simplement, en se contentant de voir ses films. C’est d’ailleurs un peu le message de ce film puisqu’il s’ouvre sur le début du Voyage à Tokyo, avec ce vieux couple qui s’apprête à faire ses valises pour monter à Tokyo, et se termine avec la fin du même film, avec le retour du même couple chez eux. Entre les deux, c’est-à-dire le voyage à Tokyo, Ozu n’est nulle part, son Japon est bel et bien révolu.


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Wenders et Herzog au Japon. L’un est classieux, l’autre pas.


Démonstration un rien lapidaire et agaçante, surtout lorsque Wenders fait intervenir Herzog le temps d’une scène, Herzog qui affirme que le monde actuel (et encore moins le Tokyo moderne) ne permet plus de retrouver la pureté originelle des images. Pour cela, il faut lutter, prendre des risques. Mais Wenders conclura l’échange en voix off que lui, ses images, il se contentera de les trouver « en bas » (précisons que les deux hommes se rencontrent en haut de la Tokyo Tower), et non pas au milieu d’une guerre ou dans une capsule spatiale Skylab (Herzog affirmant qu’il serait prêt à se porter candidat afin d’y embarquer). Et quelques minutes plus tard, autre rencontre avec un réalisateur, cette fois-ci français. Le temps d’une soirée, Wenders débarque en effet dans la Golden Gai, précisément dans le bar « La Jetée » dédié à l’univers de Chris Marker. Ça tombe bien d’ailleurs, Marker himself s’y trouve :


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Et Wenders de commenter :

« Quelques jours plus tard, je devais voir son dernier film, le magnifique Sans Soleil, dans lequel il montre des images de Tokyo inaccessibles à la caméra d’un étranger comme moi »

Et là, on se dit : « Mais il ne tient qu’à toi d’aller chercher ce Tokyo inaccessible, mon grand, plutôt que de collecter des images de ce Japon moderne et américanisé ad nauseam. »

En fait, je me demande dans quelle mesure le visionnage de Sans Soleil a pu jouer sur le montage de Tokyo-ga. Rappelons ici que Sans Soleil est un documentaire hybride, alternant images du Japon et de Guinée-Bissau. À la fois exigeant et envoûtant, il a pu indiquer à Wenders une voie à suivre dans le traitement de la collecte d’images récoltées lors de son séjour au Japon. Car Tokyo-ga a lui aussi une hybridité un peu arty qui en font un objet tout de même recommandable (notamment pour l’impeccable photographie qui est un véritable plaisir pour les yeux). Mais au bout du compte, la démonstration devient un rien monotone, alors que parfois, on a le sentiment que Wenders touche du doigt enfin son sujet, par exemple lorsqu’il rencontre le gamin capricieux dans le métro ou les autres gamins jouant au baseball dans le cimetière, sorte d’avatars de certains sales gosses des films d’Ozu (Wenders en a d’ailleurs conscience lui-même).

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Rare moment ozuesque du film.


On touchait là à un Japon de la sphère davantage privée, plus joyeuse, qui permettait d’entrouvrir une voie pour retrouver Ozu. Au lieu de cela, Wenders nous inflige dix minutes de fabrication d’aliments en plastique ou toute une scène avec les membres du Rockabilly Tokyo Club à Harajuku (sympa, mais bon…).

D’une certaine manière, Tokyo-ga est un beau documentaire. Mais, pour retrouver Ozu, on lui préférera le visionnage des films de ce dernier et, pour le côté plongée photographique dans le Japon contemporain, on fera davantage ses délices des sections sur le Japon de Sans Soleil. Car de soleil, il en a justement manqué un peu pour illuminer les rushs pluvieux et un peu trop plombés par le dark jazz de la B.O.
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Carnets de notes sur vêtements et villes - 6/10

Messagepar Olrik » Sam 06 Avr 2024, 09:06

Challenge Wim Wenders (aka I'm the only one here ?)
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Carnet de notes sur vêtements et villes
Wim Wenders - 1989



Carnet de notes sur vêtements et villes est assurément un film pour les complétistes de Wenders. À l’origine une commande du centre Georges Pompidou pour illustrer le monde la mode auquel le cinéaste ne connaît rien, le documentaire a en apparence tout de de l’objet filmique prétentieux et abscons. Mais voilà, le titre annonce de côté parfaitement la couleur : il s’agit avant tout d’un « carnets de notes », autrement dit d’un brouillon, d’une esquisse sans plan préétabli, d’un essai. Un terrain réflexif et expérimental dans lequel Wenders va essayer de comprendre la mode à travers un maître, Yohji Yamamoto – arrivant alors à la fin d’une décennie qui l’a vu éclore sur la scène internationale –, mais aussi réfléchir sur l’évolution de son art dans son passage de l’image argentique à l’image numérique, de la praticité d’un caméscope par rapport à une caméra 30mm, de son adéquation pour filmer des gens de manière discrète ou pour filmer une ville comme Tokyo, etc. Et au milieu de tout cela, Wenders filme donc Yamamoto en plein travail, l’interviewe en jouant au billard, se questionne tout en donnant à voir des séquences baveuses prises en caméscope de paysages tokyoïtes, le tout avec une musique qu’il faut bien qualifier « de merde », surtout lorsque l’on a en tête la B.O. de Ry Cooder pour Paris, Texas.

Ça donne envie, hein ?


Eh bien malgré tout cela, et malgré le relatif ennui que m’ont procuré les 80 minutes de ce documentaire, difficile de lui nier une intelligence et une originalité certaines. On trouvera peut-être cette dernière datée, mais d’un autre côté, qu’est-ce qui permettrait de dire que celle d’un Chris Marker serait plus moderne, plus profonde, plus atemporelle ? Le format choisi est tellement débraillé (cocasse pour un documentaire sur la mode telle que la conçoit un Yamamoto), tellement cousu de fils de provenance variée qu’une curiosité teintée de plaisir, pour peu que l’on ne soit pas totalement hermétique à l’art moderne tel qu’il peut être montré à Beaubourg, peut finir par poindre.

Pour ma part, j’ai finalement apprécié de voir un maître en action, tout simplement. Ignare pour tout ce qui concerne le domaine de la mode, voir Yamamoto scruter ses modèles, procéder encore et encore à des retouches ou encore parler de son art avec ce faciès de sage fatigué mais confiant, a plutôt été source d’intérêt, à défaut de profonde fascination. Il manquait peut-être ici une capacité à rendre compte de l’aspect tactile du métier, aspect que le format d’image choisi ne permettait pas de bien saisir. D’ailleurs, pour ce qui est des remarques de Wenders sur « l’image électronique » ou sur les bienfaits des images filmées avec un caméscope, il faut avouer qu’elles sont parfois dures à admettre pour le spectateur de 2024 pour qui ces images sont simplement atroces à regarder. Après, Wenders ne manque pas d’intuition quand il se demande si plus tard l’image électronique aura tellement d’importance que ce seront les concepteurs de jeux vidéo qui seront les nouveaux créateurs d’image. Mais il y a encore un peu de marge, si l’industrie du jeu vidéo écrase celle du cinéma, trente-quatre ans après Carnet de notes sur vêtements et villes, il y a encore un Wim Wenders pour réaliser un Perfect Days, fiction qui est bien du niveau de Paris, Texas. Exit cependant le 35mm, place à la rolls des caméras numériques, la Sony Venice. Autre temps, autre alchimie cinématographique, mais finalement, toujours, même capacité, au milieu de l’aspect fourre-tout de sa filmographie, à créer une fiction universelle. Pas mal pour un réalisateur de 78 ans. Et alors que Yamamoto a atteint les quatre-vingt, on se dit qu’il pourrait être intéressant, à un époque où l’on croule sous les suites, d’avoir un malicieux Carnet de notes sur vêtements et villes II.


6/10

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Voyage à Tokyo - 9/10

Messagepar Olrik » Mar 09 Avr 2024, 07:09

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Voyage à Tokyo
Yasujiro Ozu - 1953


L’histoire : un vieux couple décide d’aller voir leurs enfants et leurs petits-enfants vivant à Tokyo. Après des retrouvailles chaleureuses, l’alchimie familiale ne prend pas vraiment, les enfants étant trop pris par leur travail pour perdre du temps à faire la visite de la capitale. Le couple finit par écourter son séjour et rentre dans sa maison provinciale. La mère décède. Les enfants rappliquent pour les funérailles et retournent chez eux.

On le voit, serait bien sot celui qui irait chercher chez Ozu un film proposant une intrigue ciselée, truffée d’ingénieux rebondissements. On est là dans ce qui constitue une sorte de banalité universelle, ici le détachement inévitable que les enfants finissent par avoir vis-à-vis de leurs parents, détachement qu’un des compagnons de beuverie du vieux père résume en ces termes, exactement au milieu du film :

Quand on perd ses enfants, on est malheureux. Mais quand ils vivent, ils deviennent lointains. Il n’y a pas de solution au problème. Buvons plutôt.

Scène triste et gaie à la fois durant laquelle le vieux père se laisse aller à un de ses vices d’avant, la boisson. Il le peut bien puisqu’il n’a certes pas l’occasion de boire avec ses enfants, surtout occupés à trouver un moyen pour donner le change, c’est-à-dire donner l’impression qu’ils sont aux petits soins pour leurs parents alors qu’en fait, il s’agit surtout de faire le minimum pour ne pas être dérangés dans leur quotidien tokyoïte.

Du coup, ce voyage à Tokyo a tout de la tragédie familiale. Mais une tragédie étouffée à fond les ballons par le tatemae, c’est-à-dire par le sauvetage des apparences pour ne pas perdre la face. Car assez vite, les deux aïeuls sont perçus comme un poids et sans doute le comprennent-ils. Mais plutôt que de céder à la tentation du persiflage, ils préfèrent se dire au bout d’une poignée de journées que c’est bon, ils ont vu Tokyo, ils ont revu leurs enfants et leurs petits-enfants, ils peuvent donc s’estimer heureux et retourner chez eux. Le spectateur, lui, comprendra parfaitement l’injustice de leur sort et estimera leurs enfants (Koichi, un pédiatre, et Shige, patronne d’un salon de coiffure) à leur juste valeur, c’est-à-dire celle d’enfants assez indignes.

Tragédie humaine qui se joue donc, mais tragédie camouflée, sans cris, sans excès, et finalement rien ne pouvait mieux convenir à cela que le jeu des acteurs d’Ozu, dont le visage peut d’abord faire penser aux masques des tragédies grecques en ce qu’ils semblent figés en une poignée d’expressions. Mais il suffit d’être un peu attentif pour comprendre que non, le jeu de ces acteurs est loin d’être simpliste. Ce qui est passionnant, c’est de remarquer les failles du tatemae, les instants où le masque est percé pour laisser apparaître le honne accompagné d’une expression sincère. Ainsi Noriko la belle-fille, jouée par Setsuko Hara, avec son visage toujours marqué par une souriante politesse sociale mais qui, à la fin, laissera percevoir la honte, le poids d’être une veuve torturée par son égoïsme (elle avoue à son beau-père qu’il lui arrive fréquemment de ne plus penser à son défunt mari). Ainsi Kyoko, la fille cadette maîtresse d’école qui, après les funérailles, laisse éclater sa rancœur envers sa sœur et ses deux frères à qui elle reproche leur insensibilité, leur rapatriement un peu rapide vers les souvenirs heureux de leur mère laissant entendre que, pour eux, la tristesse n’était qu’une comédie, un sentiment de façade pour sauver les apparences.

Mais est-ce si simple ? Certes, Shige qui demande de récupérer « en souvenir » le précieux kimono de sa mère est bien suspecte. Mais pourquoi ses larmes ne seraient-elles pas sincères ? Et alors que Noriko, son malaise passé, reprend en face de Kyoko un visage tout en tatemae, ne finit-on pas par se demander si sa douleur n’était pas aussi sincère que l’on pouvait le croire au premier abord ?

À vrai dire, tout cela n’a guère d’importance. Alors que le père regarde à la fin le paysage de sa petite ville en s’éventant, seul subsiste le sentiment d’une de ces lois de l’existence qu’Ozu n’a eu de cesse d’illustrer tout de long de sa filmographie. Ici, ce serait l’égoïsme filial et la nécessité de l’accepter et de l’excuser. Veuf, désormais seul, le père n’est plus qu’un souvenir en devenir. S’éventant à côté d’un bâtonnet d’encens en train de se consumer, il observe de sa maison une péniche s’éloigner, autant symbole de vie qui continue que métaphore d’un autre type de voyage qui attend le père. C’est triste, oui, mais, alors que retentissent les notes du dernier air de Takanobu Saito, les ultimes plans de Voyage à Tokyo ont alors l’élégance et la simplicité d’un haïku, de celle qui chante la beauté de l’impermanence de la vie.


9/10
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Note: 3/10
Auteur: Alegas

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Pina - 6,5/10

Messagepar Olrik » Mer 10 Avr 2024, 15:24

Challenge Wim Wenders

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Pina
Wim Wenders - 2011


Danse contemporaine façon fast-food

Intéressant de voir Pina juste après Carnet de notes sur vêtements et villes tant les deux approches documentaristes sur deux personnalités artistiques s’opposent. Carnet était assurément personnel et original dans sa forme, et en même temps un rien fatigant avec ses images dégueulasses filmées en caméscope. Aussi me suis-je plongé dans Pina avec une certaine hâte, celle de d’admirer de magnifiques tableaux illustrant et exaltant l’art de Pina Bausch. Cette beauté plastique, je l’ai eue, et j’imagine que voir Pina à sa sortie en 3D avait dû être une belle expérience, même si on était réfractaire à ce type de projection.

Et pourtant, après la fascination du premier quart d’heure consacré au Sacre du Printemps, je n’ai pu empêcher un certain ennui s’installer, à deux doigts même de me dire que finalement, Carnet de notes était plus intéressant. Pourquoi ? D’abord peut-être parce que Pina Bausch n’est perçue qu’à travers des images d’archives et par le témoignage de ses « anges gardiens », pour reprendre une expression concluant Carnet de notes, c’est-à-dire ses danseurs. Or, dans Carnet, Yohji Yamamoto était directement questionné par Wenders, tissant peu à peu avec lui une familiarité qui permettait au couturier de se livrer. Et le voir s’activer sous l’œil de la caméra du réalisateur, plongé dans un processus créatif et aidé par ses anges gardiens, n’était pas non plus sans susciter une certaine fascination. Seulement, voilà, Pina Bausch est donc morte en 2009, ce film hommage doit donc se contenter d’images d’archives et du témoignage de ceux qui l’ont connue. Or, entendre dire en continu « elle était ceci », « elle m’a appris cela » est clairement moins édifiant que de voir la bête en action, sous nos yeux.

À cela s’ajoute un effet kaléidoscopique qui, à la longue, peut saouler. On comprend que sa pièce Café Muller est un sacré chef-d’œuvre, mais la voir par petits bouts, fragmentée par des inserts de témoignages, ne permet pas de saisir pleinement sa richesse. On arguera que le film a le grand mérite de proposer un vaste échantillon pour faire découvrir l’art de Bausch. C’est vrai. Mais j’aurais justement préféré qu’il y en ait moins, que Wenders se contente de trois pièces (par exemple Le Sacre du Printemps, Café Muller et une autre) mais filmées in extenso, et surtout sans ces témoignages annihilant toute émotion (franchement, on s’en fout un peu, de leurs commentaires, c’est du niveau de certains bonus de DVD). Wenders donnant sa vision de l’art de Pina Bausch, et de la même manière lui rendant hommage. C’était le meilleur moyen je pense de la rencontrer et, surtout, de ressentir le rythme très particulier ainsi que les émotions d’un spectacle de danse contemporaine.
Critiques similaires
Film: Pina
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Auteur: Alegas

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Crépuscule à Tokyo - 8/10

Messagepar Olrik » Dim 14 Avr 2024, 10:43

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Crépuscule à Tokyo
Yasujiro Ozu – 1957


Pour celui qui s’imagine que les films d’Ozu sont tous les mêmes en ce qu’ils exaltent la cellule familiale et qu’ils sont pétris de bons sentiments, le visionnage de Crépuscule à Tokyo a de quoi surprendre. Et en même temps pas tant que cela puisque le titre annonce la couleur.

Car ce Tokyo de 1957 est effectivement bien crépusculaire dans le petit échantillon d’humanité qu’il nous propose et pour lequel on serait bien en peine de trouver un spécimen pleinement lumineux. Précisons ici que l’histoire est centrée sur deux sœurs. L’une, la sœur aînée, Takako, fuit son mari violent et alcoolique ; elle a décidé d’habiter avec sa petite fille chez son père (évidemment joué par Ryu Chishu). L’autre, Akiko, a été mise enceinte par son amant, amant qui fait tout depuis pour l’éviter. À cela s’ajoute le fait que leur mère les a autrefois abandonnées et que le hasard a permis une rencontre entre elle et Akiko. Rencontre qui ne se passe pas très bien : alors qu’Akiko est allée voir en secret une clinique pour se faire avorter, la jeune femme se dit que du sang mauvais coule en elle, sang qu’elle tient forcément de sa mère et que son père n’est pas celui qu’elle croit.


Tout le long du film, forcément, on a de la peine pour Akiko (Takako, jouée par Satsuko Hara, semblant plus solide et davantage armée pour surmonter son sort ; elle est surtout accompagnée d’une adorable petite fille de deux ans qui lui permet d’adoucir son sort) et on espère que la jeune fille saura au moins opérer une réconciliation, d’abord avec elle-même, ensuite avec son petit-ami (même si on comprend assez rapidement le genre de connard il est), son propre père (père ici loin d’être aussi indulgent que le père joué par Chishu dans Voyage à Tokyo : il est très autoritaire, peu compréhensif et soucieux du qu’en dira-t-on), enfin avec sa propre mère. Car on a aussi de la peine pour cette femme qui a abandonné ses enfants, certes, mais pas totalement non plus puisqu’elle a laissé ses filles sous la garde d’un père dont la bonne situation leur permettait de suivre une bonne éducation. Mère en tout cas très curieuse et heureuse de retrouver ses filles, mère qui semble être en vérité une bonne femme. Eh bien cette mère sera méprisée de manière égale par les deux filles et cela m’a paru surprenant. Voir le personnage de la sœur aînée, sœur attentive aux malheurs d’Akiko, sœur intelligente pleine de compassion, qui plus est avec le lumineux physique de Setsuko Hara, eh bien voir cette sœur se montrer odieuse envers cette mère peut sembler incompréhensible.


Mais voilà, incompréhensible pour qui ? Pour le spectateur occidental de 2024 ? Ou également pour le spectateur japonais de 1957 ? S’il ne fait aucun doute que se retrouver enceinte pour une jeune Japonaise de l’époque alors qu’elle n’est pas mariée représente une tache, une honte absolue, je me suis demandé ce qu’Ozu a voulu entreprendre avec ce personnage de la mère jouée par Isuzu Yamada et comment ses premiers spectateurs l’ont perçue. Comme une mauvaise femme ? ou bien comme une femme ayant commis une faute mais pour laquelle l’eau a eu le temps de couleur sous les ponts ? Surtout, quand on voit le père un rien cassant joué par Chishu, et quand on le compare avec l’homme moins fortuné mais plus coulant avec lequel elle partage sa vie, on se dit qu’elle avait finalement toutes ses raisons de quitter sa maison.

Dans tous les cas, pas un seul personnage n’échappe à la grisaille crépusculaire de Tokyo (même le personnage enjoué de la tante, interprété par Haruko Sugimura, est malheureux puisque son bavardage est suivi de conséquences qui ne permettent pas d’améliorer la situation) et ce ne sont pas les cinq dernières minutes, pourvoyeuses d’un désolant coup de théâtre, qui permettent d’y remédier.

Détail ironique : Isuzu Yamada et Ryu Chishu ont déjà joué un couple, mais sous la caméra de Noboru Nakamura. Le film s’intitule Le Plaisir en famille. Crépuscule à Tokyo aurait pu s’intituler, lui, Le Déplaisir en famille. Sans doute le film le plus sombre de la filmographie d’Ozu.
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Mal n'existe pas (Le) - 9/10

Messagepar Olrik » Lun 15 Avr 2024, 09:25

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Le Mal n'existe pas
Ryusuke Hamaguchi - 2023


Après la claque Drive My Car, j’étais prêt à tendre l’autre joue pour m’en prendre une deuxième car depuis Asako I & II, j’avoue faire partie de ceux qui voient en Ryusuke Hamaguchi, 45 ans seulement, un maître capable de faire de l’ombre à l’aura d’un Kore-eda. Tous deux ont la capacité de bâtir une filmographie cohérente dans leurs thématiques, susceptible de plaire aussi bien au grand public qu’aux critiques les plus exigeants, leurs films étant assez riches pour supporter plusieurs revisionnages. À cela s'ajoute une capacité  à se  renouveler  (ainsi Kore-eda et son dernier film, L'Innocence).

Cela pour dire que je n’ai pas été déçu par son nouveau film Le Mal n’existe pas, à l’origine simple court-métrage (pour illustrer un concert) en collaboration avec sa compositrice Eiko Ishibashi avant de se voir transformé en long. La claque a bien eu lieu et je sens que le deuxième visionnage sera sans doute plus riche que le premier. Pourtant, rien de bien original a priori dans l’histoire. À Mizubiki, petit village près de Tokyo perdu dans la nature, des habitants voient l’équilibre précaire de leur existence mis en péril par le projet de la construction d’un « glamping » (contraction de glamour et de camping, sorte de camping tout confort pour les pauvres citadins ayant besoin de déstresser). Parmi eux, Takumi et sa fille de huit ans, Hana. Il n’a pas vraiment de métier, on devine qu’il est veuf (ou bien simplement divorcé) et qu’il est un peu l’homme à tout faire dans le village, ayant une connaissance absolue de l’univers naturel dans lequel il vit. Quant à sa fille, Hana, elle ne semble pas gênée le moins du monde par cette existence éloignée des séductions urbaines, et les longs kilomètres en pleine nature qu’elle doit affronter pour rentrer de l’école ne l’effraie pas, au contraire, son prénom semblant la prédestiner à cette existence rythmée par les saisons.

Le film ne fait qu’une heure quarante-cinq et ne raconte finalement que peu de choses. La première demi-heure montre quelques scènes illustrant l’existence modeste de Takumi et d’autres villageois. Puis vient une longue scène (vingt minutes) d’une présentation par deux employés du projet de glambimp, présentation qui sera suivie d’une discussion avec les villageois un rien houleuse. Les quarante minutes qui suivent sont consacrées aux tentatives des deux employés pour essayer de mieux comprendre les villageois et essayer de trouver des compromis. Arrive enfin le dernier quart d’heure et là, mieux vaut ne rien en dire.

On le voit donc, il ne se passe pas grand-chose, et cela est accentué par les nombreux plans contemplatifs de la nature. Nous sommes plongés dans un univers qui possède son propre rythme, loin de celui propre aux villes. Bien sûr, on peut être agacé et tenté de regarder sa montre. Mais si on est sensible à la beauté visuelle des plans et à la beauté épurée de la musique d’Eiko Ishibashi (qui avait déjà composé la musique pour Drive My Car), le film passe en vérité assez vite (même sentiment avec le précédent film, qui durait pourtant trois heures). Et il est probable qu’il passe encore plus vite lors du deuxième visionnage, c’est-à-dire en ayant pleinement conscience de ce qu’il va se passer dans les cinq dernières minutes.

J’ai pu lire que certains critiques avaient évoqué David Lynch en évoquant cette fin. En effet, il y a un peu de ça. Sans déflorer, il se passe quelque chose d’assez inattendu et mystérieux qui vous fait froncer les sourcils et vous fait quitter la séance, à la fois séduit et contrarié, en quête désespérée d’indices pour comprendre ce qu’a voulu signifier le réalisateur. Et comme pour beaucoup de films de Lynch, on se lance donc dans de nouveaux visionnages pour essayer de mieux interpréter, de mieux repérer des indices signifiants.

Dès lors le film n’apparaît-il plus comme une simple collection de jolies vignettes picturales mais comme une histoire tenant bien gardé un secret, et l’on se met à réfléchir sur des scènes, anodines en apparence mais n’attendant que notre imagination pour se voir vectrice d’une interprétation amenant à l’explication du mystère final. En y réfléchissant, je me dis ainsi que je jetterais bien un sort à la scène où l’on voit Takumi faire un dessin au crayon où sont représentés les deux employés, mais aussi à celle où ces mêmes employés discutent de manière anodine dans leur voiture les menant à Mizubiki, ou encore à cette institutrice tout sourire qui laisse partir les petites filles toutes seule pour rentrer chez elle, enfin à l’employé qui demande à Takumi la permission de couper du bois façon Charles Ingalls.

Quant au titre, il est évidemment retors et, associé, à la scène finale, pourra lui aussi donner envie de retourner au film, en pensée seulement ou par le biais d’un deuxième visionnage. Pour ma part, j’ai une certitude : vivement la prochaine mornifle de Hamaguchi !
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Alegas » Lun 15 Avr 2024, 10:16

N'hésite pas à le noter dans le classement. :wink:
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Lun 15 Avr 2024, 10:40

Effectivement, j'oublie toujours.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Lun 15 Avr 2024, 18:13

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Le meilleur anime de sport ? Très clairement Ping Pong : The Animation. Il est certains mangas qui ont été touchés par la grâce en ce que leur histoire est tellement géniale que la moindre de leur adaptation se transforme automatiquement en réussite. Ainsi le manga de Taiyo Matsumoto, déjà brillamment adapté en film live (en 2002) avant de remettre le couvert en 2014 avec Masaaki Yuasa à la réalisation. Et à une heure où franchement, il faut de plus en plus se lever de bonne heure pour trouver une chouette série à se mater, ça fait du bien de se replonger dans cette série folle qui, non contente de reprendre le graphisme de Matsumoto, restitue parfaitement son esprit shonen mâtiné de seinen, avec cet humour si particulier misant davantage sur les dialogues, les situations, plutôt que les habituelles "SD faces". Drôle, épique, poétique et touchant. Une pure merveille.
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Anselm (Le bruit du temps) - 8/10

Messagepar Olrik » Mer 17 Avr 2024, 08:02

challenge Wim Wenders
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Anselm : Le Bruit du temps
Wim Wenders - 2023


Après le grand couturier, après la chorégraphe, place maintenant au plasticien. Et là je dis : banco !

Carnet de notes avait le mérite de montrer le créateur en action mais avec des moyens datés, accompagnés d’un discours un peu hors de propos sur l’image électronique remplaçant l’image argentique. Avec Pina, pas de problème d’image mais un souci de restitution de la personnalité de Pina à travers de lénifiants commentaires de ses interprètes.
Avec Anselm, tout le positif est réuni : moyens photographiques à tomber par terre (là aussi, la 3D était apparemment quelque chose), pas de commentaires parasites, enfin le créateur est là, en action, ouvrant ses portes à ses gigantesques ateliers, matérialisations dantesques de son monde intérieur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça en envoie plein les mirettes. Là, l’argument habituel anti-art contemporain du type « ouais, super, mon gosse de huit ans ferait la même chose ! » n’est pas valable. Il faut voir ce type monter sur un monte-charge pour atteindre la partie supérieure d’une toile haute de dix mètres. Il faut le voir attaquer une autre au lance-flamme ou demandant à un de ses collaborateurs de verser à un endroit on ne sait quel liquide corrosif, avec à chaque fois le résultat étonnant d’une toile qui a utilisé le temps comme ingrédient à sa composition. Il faut le voir enfin envoyer à gros pinceaux des jets de peinture. Simple barbouillage ? Il suffit de voir la gigantesque toile dans son ensemble pour comprendre que si barbouillage il y a, c’est un barbouillage pensé, maîtrisé.

Enfin, il y a les sculptures et les créations architecturales. Hélas, la vision du maître en action se limite aux œuvres picturales, on ne verra pas Kiefer en train de modeler une de ses déesses de l’Antiquité sans tête (après, vu que le « modelage » fait partie de la création de ses toiles, on peut dire que ces dernières sont autant peintes que sculptées). Pas grave, la caméra de Wenders suppléera à cette déception en sublimant ces lieux, en les suspendant hors du temps et surtout en proposant au spectateur une visite méditative qu’il ne pourrait pas nécessairement connaître « en vrai ». Certes, son atelier de Barjac est ouvert au public depuis peu. Mais c’est uniquement en présence d’un guide, accompagné d’autres visiteurs, sans possibilité de flâner et de méditer. Ici, c’est d’une certaine manière Wenders qui fait office de guide, qui nous impose ses cadrages, ses angles de vue, mais au moins est-il un guide discret et habile dans sa capacité à rendre compte des beautés, à faire sentir ce temps suspendu. Et l’on frissonne à l’idée que ces quarante hectares sont autant un lieu de création qu’un lieu de vie à ce créateur démiurge. Bon sang ! S’imaginer… je ne sais pas moi, en train de prendre son bol de corn-flakes matinal ou en train de lire un bon bouquin au milieu d’un tel écrin, ça doit être quelque chose, ça doit vous développer des facultés hors du commun !

D’où sans doute l’absence de questions posées directement à Kiefer, comme pour ne pas troubler l’atmosphère du lieu et du documentaire. Et du coup, plutôt que de le faire parler sur son enfance, sur ses débuts, Wenders choisira de le représenter dans des scènes jouées soit par le propre fils de Kiefer, soit par son fils, Anton Wenders. Et même là, guère de voix off didactiques, juste la musique de Leonard Küßner (pas mal mais il y avait peut-être encore plus contemplatif à utiliser) et des chuchotis de voix féminines. Probablement celles des déesses de l’Antiquité sans tête, les muses personnelles de Kiefer dans son Olympe du Barjac, seul « bruit du temps » digne de troubler la quiétude atemporelle de l’endroit.


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Olrik
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar osorojo » Mer 17 Avr 2024, 11:00

J'vais le tenter celui là :super:
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osorojo
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