par Scalp » Dim 25 Fév 2024, 06:48
8/10
Judgment at Nuremberg de Stanley Kramer - 1961
Avant de le lancer je pensais que le film s'intéressait aux "stars" nazis alors que non c'est le procès de 4 grands magistrats allemands accusés de complaisance avec le régime nazi (et plus même). Et on se retrouve devant un film tout sauf manichéen, ça aurait été facile de simplifier tout ça et d'avoir les méchants nazis contre les gentils américains voulant rendre justice, surtout que le film se déroule finalement pas très longtemps avec ces évènements.
On se retrouve donc devant un long, très long film de procès, la durée peut faire peur, 3h c'est pas rien c'est la durée de Oppenheimer, mais ici ça passe tout seul car c'est servit pas des grands acteurs (ben ouais Burt Lancaster c'est autre chose que Cilian Murphy et Richard Widmark c'est pas Downey Jr) mais surtout c'est passionnant dans le fond avec toutes les questions que ça pose et comment Kramer les traite, comment on a pu banaliser le mal à ce point, en tant que juge doit on faire respecter les lois de son pays même si ces lois sont extrêmes...
Comme j'ai dis c'est pas manichéen, ici limite le personnage le plus antipathique ce serait celui de Richard Widmark mais c'est plus par sa façon de faire qu'autre chose car dans le fond c'est un homme droit qui veut vraiment rendre justice, peut être un peu trop avec son coté trop sûr de lui (et sa dernière ligne de dialogue dit tout, ses supérieurs lui font comprendre que ce serait une bonne chose d'être clément avec ces magistrats allemands car les EU vont avoir besoin de l'Allemagne dans cette guerre froide qui s'est installé, et oui le pragmatisme passe avant le désir de justice). L'avocat de la défense joué par un excellent Maximilian Schell (oscar mérité pour le coup) et il pose les questions qui fâche lors de sa dernière intervention, mais des questions qui ont du sens qu'on pourrait résumer en tout le monde est coupable de ce qui est arrivé, il n'y a pas que ces magistrats qui ont fermés les yeux et il met une cartouche à tout le monde dans son long monologue, bon il oublie de parler de la ségrégation car ça reste toujours quelque chose d'ironique de voir les américains venir jouer les donneurs de leçons avec ce qui se passait chez eux à cette époque.
Et on peut pas tenir 3h si on a pas de la réalisation, et ça commence par une idée qui sera reprise par McT plus tard, en effet tout le monde va parler anglais mais on a droit à une petite astuce pour qu'on accepte ça, en effet dans la première scène ça parle allemand et vu que c'est un procès où tout le monde ne parle pas la même langue on a des interprètes mais le film aurait été rébarbatif si on avait du avoir un respect des langues pour le coup car ça aurait ralenti le truc vu que tout était traduit, du coup d'un coup ça switch et tout le monde parle anglais mais on a donc l'astuce du casque utilisé dès que ça parle allemand, alors c'est tout con mais c'est vraiment le genre de truc qui fait qu'on accepte qu'on ait pas un respect des langues.
Tenir 3h dans un quasi huis clos (on sort un peu quand Spencer Tracy se mêle à la vie Allemande) et on peut penser au chef d'oeuvre de Lumet tant on sent la maitrise technique. On a souvent des longs plans séquences qui laisse la place à l'acteur (Burt Lancaster on l'entend pas pendant 2h30 et quand il prend la parole c'est hypnotique) mais c'est bourré de mouvements de caméra, alors des fois pas trop subtile comme les zooms (mais ça passe) et la caméra est jamais statique, on sent vraiment un mec qui ne veut pas faire du théâtre et qu'il sait filmer des dialogues (ben ouais c'est pas Nolan) et on a aussi un chouette travail sur les transitions avec toujours des petites idées de montage. Tout ça dynamise une histoire forcément un peu austère.
Le casting est prestigieux, évidemment quand on a Burt Lancaster et Richard Widmark y a de quoi faire mais c'est même pas les meilleurs dans le film ici, bon Lancaster impose sa présence silencieuse pendant près de 2h30, et clairement c'est le charisme de l'acteur qui fait que sans parler il en impose, Widmark en procureur vindicatif fait du Widmark donc c'est bien, Spencer Tracy a le personnage le plus intéressant dans celui du vieux juge un peu désabusé mais qui veut être juste et ses petites sorties nocturne dans cette Allemagne détruite sont vraiment intéressantes surtout qu'il se retrouve face à la grande Marlène Dietrich, et puis j'aime bien le pied de nez de la fin avec sa sentence. Et on a donc Schell oscarisé pour ce rôle d'avocat de la défense qui est à la fois détestable mais impressionnant dans sa conviction, il a clairement le rôle plus casse gueule car il doit défendre des nazis sans excusé leurs exactions et sa plaidoirie est un bijou.
Un film intelligent sur la responsabilité et la culpabilité en temps de guerre, un propos qui ne vieillit pas et dont finalement le propos reste tristement d'actualité. En tout cas Kramer était vraiment un cinéaste intéressant un peu trop oublié (La Chaine est un petit bijou aussi).