N’allons pas par quatre chemins : Blue Giant est l'un des meilleurs seinens actuels, un des meilleurs mangas sur la musique et le meilleur manga sur la passion du jazz (étonnamment d’ailleurs, pour une terre de jazz comme le Japon, il semble qu’il y ait bien peu de mangas sur ce thème). Avec, comme pour Beck (sur le rock), cette difficulté : comment donner à entendre ce qui ne peut être entendu dans le feuilletage feutré d’un livre ?
Qui a lu Blue Giant le sait, le fait d’être plongé dans un monde du silence n’est pas un problème : l’imagination, porté par les planches spectaculaires de Shinichi Ishizuka, supplée au silence et, pour peu qu’on lise avec un bon Charlie Parker en guise d’ambiance musicale, la lecture devient très vite jubilatoire. Cependant, à la fin de chaque tome, j’en venais malgré tout à souhaiter ardemment que des producteurs se décident un jour à en faire un anime, histoire que le spectacle soit complet.
Finalement, on n’a pas eu une série mais un film d’animation de deux heures correspondant aux pérégrinations de Dai Miyamoto dans Tokyo afin de constituer son premier groupe. Très vite, on comprend que le métrage, sans bénéficier d’un réalisme aussi poussé que pour un film de Shinkai, va être très agréable à regarder. Le générique défile et, ô surprise ! on découvre que l’on a confié la musique à la pianiste Hiromi Uehara. Bon choix. Il se trouve que j’ai eu la chance d’assister à un concert de la musicienne, et la voir ne faire qu’un avec son instrument, le visage irradiant de plaisir, de passion, avait été un spectacle dans le spectacle. Parfait pour accompagner un saxophoniste justement supposé incarner la passion musicale absolue.
Et de fait, les séquences musicales sont assez prodigieuses. Il y avait déjà eu, il y a quelques années, l’anime Kids on the Slope (adapté aussi en version live) qui avait su ménager quelques excellentes scènes d’improvisation. Avec Blue Giant, on est un cran nettement au-dessus. Utilisant le modèle archétypal du trio (piano, batterie et saxo) les séquences tombent dans une frénésie, un dynamisme teinté de psychédélisme qui est un pur plaisir pour les yeux… et les oreilles. Goûtées sur mon home cinema, le volume des enceintes raisonnablement poussé, ç’a été un délice de me sentir projeté au milieu du trio avec tout un tas d’effets visuels poétiques et enveloppé par la musique d’Hiromi Uehara (secondée par Tomoaki Baba au saxophone et Shun Ishikawa à la batterie). À tel point qu’à la fin, j’étais à deux doigts de communier avec le public et de l’imiter en tapant dans mes petites mains pour applaudir chaleureusement.
On arguera peut-être qu’on ne fait pas un film avec juste de telles séquences. Certes, mais comme le film reprend de près l’intrigue du manga (à savoir la constitution d’un groupe, l’accord entre différente personnalité et le dépassement de soi, le sacrifice. Ah ! le film reprend aussi le gimmick de la prolepse qui fait comprendre que Dai finira bien par devenir une légende du jazz), j’ai envie de dire que toutes les séquences parlées ne devaient être que des formalités et que bien plus cruciales étaient les séquences jouées. Et là, le défi a été largement relevé. Si l’animation reste sage, peu poussée dans les scènes de la vie ordinaire, c’est dans les scènes de concert qu’elle se réveille pour prendre possession des corps des musiciens (alors que le public, lui, est figé de stupeur et de plaisir). Clairement, une nette partie du budget a dû être consacrée à ces séquences.
Et le plaisir est donc tel qu’inévitablement, on se prend à rêver d’une version anime de Blue Giant Supreme, se passant en Europe, quittant le trio pour le quatuor, avec une touche féminine en plus à travers le personnage de Hannah, la contrebassiste allemande. En attendant cela, plongeons-nous dans la lecture de Blue Giant Challenger (se passant aux Etats-Unis) avec, en fond sonore, la B.O. d’Hiromi chan.
J'avais eu du bol : j'avais pu voir une expo consacrée au mangaka une fois où j'étais allé au musée du manga de Kyoto. Son trait a une gueule certaine. Comme son manga d'ailleurs.
L'Ours et la Poupée (Michel Deville - 1970) J'entame mon coffret Michel Deville avec ce film que je supposais être léger et facile d'accès et en fait, s'il l'est d'une certaine manière, il surprend aussi par son parti pris de mélanger screwball comedy et Tex Avery (pour le côté prise de têtes entre deux personnages qui donne lieu à pas mal de gags visuels). Et du coup, au milieu de ce canevas classique du vieil ours et de la jolie poupée qui se détestent et en même temps se cherchent pour mieux s'aimer, je suis bien en peine de dire si le film est réussi ou raté. En tout cas courageux et original, ça oui. Et mélomane aussi, puisque la B.O. est uniquement constitué d'ouvertures d'opéras de Rossini, instituant au rythme du film une certaine élégance ainsi qu'une certaine folie. Ceux qui sont imperméables à Bardot auront probablement du mal avec ce film, même si certains plans ne sont pas désagréables à la vue et qu'on ne peut nier à B.B. d'y aller comme le script du film, c'est-à-dire franchement. Sans doute pas un chef-d'oeuvre comique mais oui, une comédie élégante dans son genre et qui a au moins le mérite de sortir de l'ordinaire. 6/10 La bande annonce donne une bonne idée de la douce hystérie dans laquelle baigne (il pleut d'ailleurs énormément tout le long du film) le film :