Olrik a écrit:Je pense que vous êtes niqués, vous serez incapables d'apprécier dorénavant le moindre film de Fincher, vous êtes trop fixés sur ses précédents films et vous perdez de vue qu'un cinéaste vieillit et cherche au bout d'un moment à dire les choses autrement. Il n'y a qu'à voir le dernier Scorsese (que je n'ai pas encore vu) qui, apparemment, est très éloigné dans son rythme de Casino et Goodfellas. Peut-être que Fincher devient mollasson, je ne sais pas. Mais si tous les cinéastes étaient mollassons comme lui, ce serait le pied.
100% d'accord avec ça. J'ai lu les avis et j'ai l'impression que les avis mitigés ne sont pas content de ne pas avoir eu ce qu'ils pensaient avoir en regardant le film. Je n'ai pas beaucoup lu d'interprétations sur le film à proprement parler, en dehors de Logan qui soulève le propos solitude vs. grands groupes qu'il trouve un peu minimaliste, pour le dire gentiment.
J'ai aussi entendu ailleurs que le film était programmatique. Froid.
A mon sens Fincher fait un film très Fincherien mais pas avec le même esprit punk qu'il avait en 99 avec Fight Club. Il tourne autour du même sujet que dans Gone Girl où c'était la manipulation de manière générale et notamment celle des médias qui était visée. Mais il parle toujours de la même chose, du mode de vie contemporain. Et pour moi The Killer est un film très très intelligent et très fin là dessus. Sur la solitude et sur le mode de vie des gens. Sa mise en scène est au service, comme d'habitude, de son propos, c'est même virtuose par moment, son style ne change pas vraiment (à mon avis son acmé niveau mise en scène c'est Zodiac / Mindhunter saison 1, deux faces de la même pièce). Mais jamais je n'ai "senti" aussi fort un de ses films. Personne n'a parlé du travail sur le son de ce film qui à mon sens est primordial et est la véritable porte d'entrée ou piste de lecture. L'approche de Fincher sur The Killer est profondément matérialiste. On ressent absolument tout par le son. C'est un vrai film sensoriel. Il y a un jeu très subtil de dedans/dehors et il brouille volontairement les pistes de ce qui est intérieur et extérieur au personnage principal. Le tueur est un être profondément contemporain : seul et enfermé dans ses propres certitudes, dans son système de pensée proche du solipsisme. Comme toujours, rien n'est anodin chez Fincher. Ni la BO exclusivement dédiée aux Smiths (comme Morrissey, la voix off plonge dans les méandres de la psyché auto-centré du marginal un poil romantique) dont les thématiques (solitude, dépression) collent parfaitement au propos du film. Ni le générique, faussement baclé, mais à mon avis calibré sur la façon dont se consomme un clip, ce que le générique est, c'est à dire en mode "reel" Instagram, aussi tôt vu aussi tôt oublié. On dirait un enchainement de mini-clips promotionnels d'une série policière des années 90. Et je pense que ça a été construit avec le plus grand soin. Et la caractérisation de ce tueur, complètement vide, qui avance comme une I.A. de manière, oui, programmatique, rempli par un système de pensée impossible à remettre en question, comme téléguidé, mais dont les moments de vie sont complètement vides. Je veux dire, Fincher prend de longs moments à montrer le vide de sa vie. Il y a beaucoup de minutes dans ce film dédiées au "rien". Il fait rien ce gars là, en dehors de ses coups d'éclat meurtriers. Il fait pas plus que nous qui glandons sur notre canapé à zapper, ou à scroller, plutôt. On remplit nos vies de rien, c'est ça le miroir que nous tend Fincher. On est tous un peu ce gars là, à programmer nos vies, persuadés qu'on est dans notre bon droit et remplis de certitudes impossibles à contredire. Le tueur le dit à la fin, lui et nous, ou nous et lui, on est pareils. On se fait croire que non, mais nos vies sont vidées de sens par la programmation systématique de nos vies. Et à mon sens c'est ça le sujet du film. Fincher le fait avec un minimalisme matérialiste qui peut surprendre venant de lui. En effet, ça ressemble beaucoup à du Soderberg, et notamment à Haywire (2011) que j'avais beaucoup aimé aussi à l'époque et déjà avec Fassbender, d'ailleurs. Mais je trouve qu'au contraire de ce que j'entends depuis sa sortie, c'est loin d'être un film mineur de sa filmo. Pour moi il va se ranger en dessous de ses chefs d'oeuvre mais il prouve une nouvelle fois qu'il garde un oeil acéré sur son époque, tout en renouvelant subtilement son approche en tant que metteur en scène.