Waves de Trey Edward Shults
(2019)
Seconde vision, et même si l’effet de surprise n’est plus là (j’avais vraiment découvert le film sur le simple nom du réal, vierge de toute autre info), ça confirme tout le bien que j’en pensais il y a trois ans. Alors déjà, coup de gueule contre la visibilité de ce film en France : toujours aucune édition vidéo, même pas un simple dvd, et il aura fallu une dispo de quelques mois sur Netflix pour que je puisse profiter d’une revision. Pour un film produit par A24 et distribué par Universal, ça la fout mal. Cette seconde vision m’aura permis un nouveau regard sur le métrage, un regard plus analytique, et là où j’avais vraiment pris le film dans la tronche au cinéma, ici j’ai pu comprendre des choix narratifs et visuels qui m’avaient échappé à la découverte, autant dire que j’ai redécouvert en partie ce Waves.
Toute la construction en palindrome m’était passé au-dessus, construction d’une part narrative (tout le but du récit est de retrouver l’innocence et la joie de vivre du début) mais aussi visuelle puisque des mouvements de caméra spécifiques (le panoramique qui ouvre et termine le métrage), des façons différentes de mettre en scène (caméra dynamique au début et à la fin, et une réalisation plus posée au milieu) ou des choix de format pour épouser l’état d’esprit des personnages (1:85/2.66/1.33/2.66/1.85), autant d’éléments qui trouvent une véritable cohérence dans un film aux sujets compliqués : comment une personne peut gâcher sa vie en quelques choix malheureux, puis comment retrouver la normalité de la vie après un drame qui chamboule tout ? Alors clairement, c’est un film qui a son propre rythme, et tout le côté tranche de vie pourra probablement en agacer certains (je m’en suis bien rendu compte avec Madame qui me demandait après une demi-heure de film ce que ça cherchait à raconter), mais c’est aussi un aspect qui est nécessaire au sein du récit : impossible d’avoir une descente aux enfers, puis une remontée vers la lumière, si on ne montre pas au spectateur tout la joie qui précède ces moments.
C’est d’autant plus vrai que toute l’ambition du film est dans sa volonté d’opposer deux personnages d’une même famille, l’un qui subit les problèmes et qui va être stoppé net dans sa vie, et l’autre qui doit les résoudre pour avancer dans la sienne, et dans ce sens il est nécessaire de s’attarder sur des éléments du quotidien pour illustrer les relations, qu’elles soient paternelles, maternelles ou amoureuses. Le film marche vraiment très bien émotionnellement, même à la revision, et même si je trouve qu’il y a quelques longueurs, chacune d’entre elles finissent par se justifier par un pay off qui peut être une scène toute bête, mais qui fonctionne narrativement (la scène de dialogue au bord du lac avec le père, la conclusion de tout l’arc cancer, etc…). Formellement, Trey Edward Shults confirme tout le bien que je pensais de lui après la vision de It comes at night, et même si, sur ce film, son style peut paraître tape à l'œil au premier abord, avec des mouvements de caméra très visibles, et une photographie faisant la part belle à des couleurs extrêmes, il y a quasiment toujours une raison à ces effets de style. Enfin, gros big up au casting où tout le monde est bon, au point que je me demande pourquoi certains n’ont pas percé plus que ça. Genre Sterling K. Brown c’est un putain d’acteur dans ce film, mais quand tu vois le reste de sa filmo, c’est chaud. Un très chouette film donc, malheureusement trop méconnu, et qui crée une attente certaine concernant les futurs projets de ce réal.
7,5/10