Le Samouraï de Jean-Pierre Melville
(1967)
Seconde vision, et c’est toujours aussi bon. C’est encore aujourd’hui un de mes films français préférés, toutes époques confondues, et c’est aussi à mon sens le pinacle du style melvillien, où l’épure est poussé à l’extrême, encore plus que dans les films suivants du cinéaste, qui a sans doute compris qu’il avait frôlé une limite à ne pas franchir ensuite, sous peine de perdre son public. Malgré le fait de connaître le film, c’est toujours aussi étonnant de voir Melville aller autant à fond dans le minimalisme, que ce soit sur le script, la photographie, les mouvements de caméra, la direction d’acteurs, l’action, la musique (joli score de De Roubaix), tout s’inscrit dans une volonté d’enlever le moindre bout de gras pour que chaque élément soit le plus percutant possible, et le moins qu’on puisse dire c’est que ça marche, même sur un public pourtant réticent à ce genre de tentative.
Scénaristiquement, on peut difficilement dire que ça raconte un truc innovant, car sauf erreur le coup du tueur trahi par son employeur et qui va se venger tout en étant poursuivi par les flics c’est quelque chose qui avait été largement exploité au sein du cinéma américain que Melville appréciait tant, mais ici c’est tellement au service d’une ambiance et d’un personnage mutique qu’on s’en fiche pas mal de l’originalité de la trame. Forcément, on sent que le métrage a été une influence majeure pour un paquet de cinéastes du monde entier : Woo, To, Mann, Refn, et j’en passe, mais contrairement à certains films précurseurs ça reste une bobine qui a su garder son identité unique. Formellement, j’aurais du mal à dire si c’est le plus beau travail de Melville, car il y a tout de même L’armée des ombres et Le cercle rouge qui arrivent derrière, mais nul doute que c’est son travail qu’on retient le plus en termes de mise en place d’ambiance.
Mais au-delà de la réalisation, celui qui porte le film sur ses épaules, c’est évidemment Delon qui n’a jamais été aussi charismatique que dans ce rôle. Il doit avoir une dizaine de lignes de dialogue à tout casser, mais il en impose à chaque plan. Je peux pas dire que je suis le plus grand fan du bonhomme, lui trouvant souvent des limites d’acting, mais là, clairement, Melville a su exploiter ses faiblesses pour en sortir ni plus ni moins qu’un mythe de cinéma. Finalement, le seul reproche que je pourrais trouver au film, c’est peut-être le manque de consistance des autres personnages, mais d’un autre côté c’est aussi la conséquence de la note d’intention particulière. Un film important au sein du cinéma mondial, à voir au moins une fois dans sa vie.
9/10