"La vie en temps de guerre" de Lucius Shepard - 1987¤¤¤
Quand on ferme le livre, on a l'impression d'avoir vécu une sorte de réalité alternative: comme si "Apocalypse Now" aurait été adapté en bouquin et qu'on y avait mis une pincée de SF et un soupçon d'hallucinogènes en plus. Descente lente et profonde dans la folie et la perte de repères, ce roman tend à sacraliser la guerre et ces soldats par un chemin de croix spirituel et corporel.
Sorte de pendant guerrier du réalisme magique, ce livre laisse de très fortes images en tête mais l'intrigue n'est qu'une excuse qui permet à l'auteur de décrire ces fameux tableaux sauvages et bouillonnants de vie et de mort.
"Hiver à Sokcho" d'Elisa Shua Dusapin - 2016¤¤¤
En arrivant à manier la langue française dans ce qu'elle a de plus sensible et poétique, la jeune Elisa Shua Dusapin inscrit une profonde mélancolie dans ses personnages, tous deux naufragés solitaires cherchant leur phare dans la nuit. C'est une belle rencontre qui est racontée avec un respect des cultures et des différences, le métissage de l'auteur profitant énormément à son écriture.
"Les hommes protégés" de Robert Merle - 1974¤¤¤
Que serait un monde où les femmes reprendraient les rênes du pouvoir à la suite d'une épidémie éradiquant la gente masculine ? Robert Merle s'amuse du cliché des phallocrates et des féministes endurcies pour délivrer sa vision d'un monde distopique où l'homme serait une espèce en voie de disparition. Brassant de multiples thèmes, qu'ils soient religieux, politique, sociologiques ou sexuels. Avec 5000 ans de civilisation patriarcale dans le rétroviseur, on comprend aisément le ressentiment de la femme au début du roman. Mais survient alors une ghettoïsation des mâles sains qui n'est pas sans rappeler les heures sombres de l'histoire. Le roman sait être léger quand il le faut, dur dans les moments importants et c'est avec un constat bien dérangeant que Merle clôture son récit, mettant le lecteur que je suis mal à l'aise face à une vision qui, avec le violent sursaut de la femme et de sa condition dans la société, tend à rendre de plus en plus proche de la réalité. Déroutant !
"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ?
- Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."