Disons qu'on repère tout de suite ses yeux globuleux. Après, je dis ça mais je m'aperçois que je l'ai complètement zappée dans le Tora-san 3 (elle jouait le rôle d'une servante d'auberge).
Tora-san 9 C’est dur d’être un homme : Mon cher quartier (Otoko wa tsurai yo: Shibamata bojō) Yôji Yamada – 1972
Episode neuf… et premier avec Tatsuo Matsumura dans le rôle d’oncle Ryûzô. Forcément, après avoir côtoyé durant huit épisodes l’excellent Shin Morikawa, on est forcément un peu déçu. Manifestement, Matsumura n’a pas chercher à marcher dans les pas de son prédécesseur, sa version de l’oncle étant par exemple dénuée de cette amusante sidération qui saisissait le personnage devant les frasques de son diable de neveu. La voix nasillarde est aussi moins agréable à entendre. Après, je demande à voir comment son personnage va évoluer, ce premier film donnant aussi l’impression d’être un tour de chauffe pour Matsumura. Cela dit, on n’aura pas le temps de trop s’attacher puisqu’il ne sera là que le temps de cinq films.
Cette réserve mise à part, ce neuvième opus, doté comme le précédent d’une longueur se rapprochant des deux heures, est tout ce qu’il y a de plus agréable à regarder, surtout quand Torajirô tombe non pas sur une bijin, mais carrément sur un trio :
Utako, Midori et Mari sont trois amies qui, dans leur voyage du côté de Kanazawa, font la rencontre de Torajirô. Ça prend tellement bien entre eux que notre colporteur les accompagne dans leur périple, les faisant rire de ses facéties et faisant oublier à Utako (qui sera la madone du film) des soucis liés à un père écrivain auquel elle est attachée. On sent vraiment chez les jeunes femmes un attachement mêlé de fascination devant le personnage, et c’est finalement tout le mystère de Torajirô, capable de s’attacher l’affection de n’importe quelle femme mais incapable de la nouer en un mariage. Pour lui, s’il mariage il y a, c’est avant tout avec l’univers de ses proches. L’oncle, la tante et Sakura bien sûr, mais aussi le bon vieux Noboru que Tora retrouvera dans le film par deux fois et dont la bonne humeur agira comme un baume cicatrisant dans le cœur du colporteur, lacéré par de nouvelles déconvenues.
Sinon le film renoue avec la scène inaugurale du rêve. Personnellement, j’aimais bien les ouvertures où l’on voyait Torajirô dans un coin paumé sentant bon un Japon modeste et éternel. Mais là, le voir dans une posture de bad ass encore plus taiseux que le Clint Eastwood de la trilogie des dollars, ça m’a bien fait marrer.
En fait l'acteur apparaît dans Tora-san 3, dans le rôle du médecin pervers. Apparemment il aurait arrêté le rôle de l'oncle au bout de cinq films pour une raison médicale (il réapparaîtra ensuite au gré de rôles secondaires).
Mark Chopper a écrit:Perso, j'aime beaucoup le troisième interprète de ce rôle un peu maudit dans la saga.
Je vais le redécouvrir. Avant d'entreprendre la saga depuis le début, j'avais quand même vu deux ou trois Tora-san, et c'était avec lui. J'en garde un bon souvenir, mais je regrette quand même que le premier acteur n'ait pas continuer davantage.
Squaring the Circle (The Story OfHipgnosis) Anton Corbjin - 2023
Le documentaire retrace l’histoire d’Hipgnosis, le studio graphique anglais qui a conçu parmi les plus célèbres pochettes de vinyles, de la fin des années 60 au début des années 80.
En voilà une belle découverte ! D’Hipgnosis, je connaissais surtout le nom de Storm Thorgerson, mais j’ignorais celui du co-fondateur, Aubrey Powell, désormais unique rescapé depuis la mort de Thorgerson en 2013. C’est lui que l’on voit sur l’affiche et qui sera le principal interviewé. Après, le gars est en bonne compagnie puisqu’il est accompagné de David Gilmour, Roger Waters, Nick Mason, Paul McCartney, Peter Gabriel, Robert Plant et Jimmy Page, excusez du peu. On a aussi droit à Noel Gallagher qui pourtant n’avait pas sollicité le studio pour les pochettes d’Oasis mais qui, ayant fait son éducation musicale en collectionnant les vinyles, explique ce qu’a pu représenter pour lui les créations d’Hipgnosis. Il évoque aussi à un moment sa propre fille qui, un jour, lui a dit qu’elle ne comprenait pas le vilain mot qu’il avait utilisé, « artwork ». En effet, pour les générations actuelles, les pochettes ne sont plus que ces minuscules carrés dessinés qui défilent sur Itunes. Mais à une autre époque, c’était autre chose. Une affaire de fric, bien sûr (Page, mi-amusé, mi-sarcastique, laisse bien entendre que les tarifs du studio étaient quelque peu délirants), mais aussi une affaire d’art. Ces pochettes, c’était un peu l’art moderne qui, par son accessibilité, devenait un art populaire que tout un chacun pouvait mettre en valeur dans un endroit de son salon. Et art qui n’avait pas son pareil pour donner une aura supplémentaire à un album. The Dark Side Of The Moon et Wish You Were Here auraient-ils eu le même succès avec d’autres designs ? Pas facile de répondre. Une chose est sûre, Thorgerson et Powell ont été de sacrés créatifs. Des deux, le premier semble être le plus intuitif, le plus génial. Le prisme de Dark Side ? C’est lui qui en a eu l’idée. Mais comme toute personne hyper talentueuse, la personnalité en fait parfois les frais. Même Waters, qui affirme pourtant que c’était à sa manière un mec adorable, reconnaît qu’il pouvait aussi être un rien connard (et sur ce point, croyez bien que Roger s’y connaît, étant lui-même un sacré connard !). Moment malicieux aussi avec McCartney qui imite, goguenard, le phrasé de Thorgerson, avant de faire bien comprendre que l’homme pouvait être âpre et franchement gonflant. Et le documentaire se terminera sur les larmes à peine contenues de Powell qui déplorera une trahison (liée à une histoire d’argent) qui coûtera onze années de leur amitié. Après, peu importe. C’est une passionnante plongée dans la musique des 70’s que le documentaire nous propose, avec force anecdotes et documents vidéos et photographiques (je pense à ceux pris lors de la photographie qui donnera lieu à la pochette d’Animals, de Pink Floyd) et, bien sûr, une playlist qui, 1H40 durant, donne le sourire.
Meurtre dans un jardin anglais (The Draughtsman's Contract) Peter Greenaway - 1982
Angleterre, fin du XVIIe siècle. Mrs Herbert demande à Mr Neville, un peintre-paysagiste réputé, d'effectuer douze dessins des jardins du domaine de son mari – parti en voyage d’affaires. En contrepartie, elle s'engage à lui payer 8 livres par dessin et à laisser l'artiste jouir de ses faveurs selon ses désirs sans opposer de résistance…
Vu il y a une vingtaine d’années, je profite d’une rediffusion sur Arte pour m’y replonger, avec la crainte que cet OVNI des 80’s ait pris un coup de vieux. En fait, il n’en est rien. Le film est toujours irrésistible dans sa narration et brillant dans son exécution. Witty, comme diraient les Anglais. Un critique français de l’époque avait parlé de caricature de Barry Lyndon (à ne pas voir forcément comme un défaut qui aurait été pointé). Il y a un peu de cela si l’on tient compte du fardage et du perruquage outrancier, de la profusion de compositions aux lignes géométriques et du fait que le personnage principal n’est finalement rien moins qu’un aventurier qui a mis le pied dans un environnement où il est à peine toléré. Mais l’accent est mis aussi sur l’élégance du langage. Les répliques claquent, portées par une diction anglaise à côté de laquelle le phrasé des jeunes acteurs français actuels donne l’impression d’avoir été façonné à la ferme, entre une étable et une auge à porcs. Dès le générique crépusculaire mêlant dialogue et notes d’un air de Purcell, on devine que les yeux et les oreilles ne vont pas vraiment crier grâce. Et puisque je parle d’ambiance sonore, impossible de ne pas évoquer la musique de Michael Nyman, avec notamment son thème emblématique, Chasing sheep is best left to sheperds (sic). Sorte de musique néo-baroque louchant sur le minimalisme contemporain, elle fournit des thèmes entêtants, stimulants, accompagnant la réalisation des différents dessins d’Herbert dans lesquels apparaîtront des éléments insolites qui transformeront peu à peu le drame morale en intrigue policière. Un film jubilatoire qui ne donne pas forcément envie de découvrir un jour la version de trois heures que Greenaway avait d’abord tournée. Pour le coup, on peut craindre la caricature de Barry Lyndon, mais au mauvais sens du terme. Tel quel, le film apparaît vif, spitituel et vénéneux.
Je compte aussi profiter de la dispo sur Arte pour le découvrir dans les prochains jours.
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."