Bah quoi dire à part que , à l'instar d'un City of Life and death, War Horse raconte une histoire vue par plusieurs personnages qui ne sont que des "rencontres" sur le chemin du cheval et que chacun veut le garder, s'en occuper et l'aider, le sauver mais tout leur échappe à chaque fois: de sa première amitié (amour ? car au final, là où ce genre d'histoire est propice à tisser des love story courantes et classiques, le scénario met de côté la seule jeune femme charmée par le jeune agriculteur et son cheval pour se concentrer sur la relation au centre du film entre l'animal et son dresseur). Eastwood avait réalité un dyptique qui confrontait deux traitement radicalement opposées (et certainement du jamais vu dans l'histoire du cinéma) et avec War Horse, on est sensiblement dans le même concept: le cheval passe d'un camp à un autre et il y croise des êtres devenus froids et insensibles, des jeunes idéalistes généreux et altruistes, des vieux sages vivants paisiblement à la campagne et dissimulant au plus profond d'eux-mêmes un lourd passé et une petite fille têtue mais lucide et rêveuse...Le cheval suit son cours et fait de son mieux tout en courant après sa liberté et rien ne lui est épargné: War Horse est un pur parcours initiatique où la guerre n'est pas la toile de fond mais aussi la vie champêtre et le commerce. 14-18 est là pour surligner évidement le côté passage à l'âge adulte (du cheval et du garçon). Forcément le film dresse le classique bilan du courage, de la loyauté, d'amitié etc...mais Spielberg n’hésite pas à instaurer un subtil fossé entre la niaiserie inhérente à ce genre de projet qu'il balaye par la guerre et des petits atouts techniques subtilement placés (le moulin qui censure les deux ados fusillés mais c'est tellement bien pensé et si bien shooté qu'on s'en tape royalement de ce petit tour : après le film est tout public et c'est par ce genre de plans que Spielberg dénonce son talent immense : comme la scène de la charge sur le camp : une fois dans les bois et leurs mitraillettes armées, les Allemands tirent sur les cavaliers et c’est par quelques plans furtifs que l'on comprend que le second maitre du cheval est mort puisque l'on voit Joey galoper selle nue dans les bois ou encore la fin et le grand-père qui répond à la question "Où est votre petite fille? " La guerre prend tout"..). la violence est bien présente au niveau du traitement infligé aux chevaux : tout est tellement criant de vérité (merci les animaux live et le dressage incroyable évidement couplé à un sens de la mise en scène et du montage très savant) qu'on a parfois la larme à l’œil et la chair de poules (les sabots qui raclent le sol sous l'effort de l'artillerie lourde que Joey tracte le long d'un dénivelé boueux, le cheval en prise aux barbelés, la mort du cheval noir... ). Ce n'est pas sanguinolent mais l'aspect, la réalisation et les suggestions sont frappantes. Spielberg use encore du hors-champ à plusieurs moments : la talent monstre derrière la caméra permet de laisser passer autant d’émotions que si les scènes charnières étaient plein champ.
La photographie du film devrait logiquement rafler un Oscar tant elle est d'une richesse imparable : des pâturages verdoyants découpés sur ciels d'un bleu pur magnifique, le film s'enfonce de plus en plus dans les teintes boueuses de la guerre et les plans sont souvent somptueux : Spielberg abuse même des mouvements de caméras assez amples qui finissent souvent en contre-plongées...Comme toujours la chorégraphie des figurants est toujours top et les trois gros morceaux de bravoures du film sont à tomber: le cheval véloce galopant avec rage à travers le No man's land des tranchées est très court mais c'est d'une intensité et d'une maitrise cinématographique qui frôle la perfection tout comme la charge des soldats britanniques dans ces mêmes tranchées (les effets sonores sont énormes). La charge de cavalerie est encore une fois une scène relativement courte mais c'est tellement puissant
Le background 14-18 n'est pas développé et c'est tant mieux: tout le monde le connait et ce n'est pas le but de cette histoire. Les humains rencontrés par le cheval ne sont que de passage dans sa vie mais qui ont une vraie importance car si tout se délie, tout se relie par la suite pour en arriver au final et les retrouvailles des deux amis : le destin est scellé - et même la fin est picturalement un peu trop forcée au niveau des couleurs, des contrastes et de l'émotion -c'est très beau de voir ce cheval regarder au loin , contemplant pourquoi pas le chemin qu'il a parcourut après tout se foutoir , dans lequel il était, de par sa nature, dans l’incapacité de juger, de blâmer ou de se venger d'un camp ou de l'autre: des hommes l'ont aimés et l'ont protégés et cela suffit à accepter le reste comme un contrepoids forgeant l'être dans son entier et c'est en cela que les dernières images ne doivent pas être mal interprétées : ici, Spielberg veut surligner au maximum ce fameux retour à la maison, aux origines et à la paix originelle de l'enfant devenu adulte malgré lui. Forcément, le film n'a pas d'acteurs principaux marquants car aucun n'a plus de 15-20 min à l'écran mais le casting est tout de même excellent. John Williams ne signe pas sa meilleure composition mais certains morceaux sont mémorables de par leur utilisation (la course effrénée du cheval). 2h25 incroyablement faste où Spielberg met en scène un nouveau grand film d'aventure, humaniste et épique sans sombrer dans les SFX à outrance (dé mémoire il y a très peu d'animatronique et une seule scène avec un trucage SFX (le saut raté par-dessus la tranchée et peut-être le saut par-dessus le tank : 2 plans). Techniquement à ranger dans le top 5 Spielberg, War Horse réussit ce tour de force d'être une adaptation fidèle du roman pourtant moyen tout en se permettent une véritable noirceur , plus subtile et profonde qu'on ne peut le penser au départ : après tout, la guerre arrive jusque dans un paysage d’apparence très paisible mais , avant même que la guerre n'atteigne le cœur des hommes , ceux-ci se chamaillent déjà à propos de terre et de chevaux dans des enchères pitoyables où chacun surenchérit bien plus pour "gagner" que par désir réel de ce qui se trouve au centre (on peut y voir de l'ironie et une petite critique de l'argent et de la notion de propriété, celle-là même qui déclenchent les dites guerres). Certes, le fond et même l’histoire sont très classiques, vu set revus mais Spielberg leur donne , pour le genre et la destination "tout public" prévus, un souffle épique grandiose et une émotion qui touche droit au cœur sans pour autant tomber dans la facilité : le cheval et ses réactions en disent bien assez : comme quoi même les animaux peuvent être compris sans paroles mais juste avec l'aide de la fameuse théorie "Koulechoff" (encore heureux que le réalisateur n'a pas choisit de les faire parler ou de nous faire entendre leurs pensées
). Après L'Ours de Jean-jacques Annaud, peut-être que War Horse peut devenir un des fleurons du film animalier.
A noter une scène assez chargée d'émotions (si on s'attache à ces personnages) : la dialogue grand-père/petite fille de nuit avec la guerre au loin, hors-champ , se reflétant sur leurs visages suite aux explosions éblouissants des obus.
Heatmann parlait de film "Costnerien" et c'est assez vrai.
On retrouve aussi pas mal de thèmes chers à Spielberg (l'enfance, la figure du père, le passage à l'âge adulte, la guerre et encore une fois les vrais héros ne sont pas des élites ou des spécialistes ou des pros mais des gens au rang social le plus faible ou presque, ici issus du milieu rural).
On pourra reprocher ce manque de profondeur des personnages et cet excellent casting sous-exploité mais au-delà de tout ça c'est un grand film faussement tout public mais porteur d'espoir, comme toujours chez Spielberg qui n'oublie pas de nous laisser un goût amer vu la route empruntée par ses personnages pour en arrivée au coucher de soleil final. (à noter la mort du meilleur ami du héros vite zappée et sur laquelle le cinéaste n’insiste pas brillante idée, bonne discrétion qui permet de ne pas se taper le genre de scène lourde et vu 15 000 fois avant : de plus le coup du gaz en tue un et rend l'autre aveugle : le fait de ne pas voir la suite est logique puisque cela colle avec la cécité momentanée du personnage).