Fils de pharmacien, Claude Chabrol tient un ciné-club dans la Creuse pendant la guerre. De retour à Paris, il suit des études de droit et de lettres, mais fréquente surtout assidument les cinémas de la ville. Il y côtoie de jeunes passionnés avec qui il participe à l'aventure des Cahiers du cinéma de 1952 à 1957, et rencontre romancier Paul Gégauff, dont l'influence le détourne de son éducation bourgeoise. Attaché de presse à la Fox, il profite d'un héritage de son épouse pour produire Le Coup du berger (1957) de Rivette et réaliser Le Beau Serge (1958), son premier long métrage. En grande partie autobiographique, ce film-clé de la Nouvelle vague, prix Jean Vigo, est un beau succès public et critique.
Le destin du cinéaste est alors lié à ceux de Gégauff, fidèle coscénariste, et de Stéphane Audran qu'il épouse en secondes noces et dirigera à 23 reprises. Remportant l'Ours d'or à Berlin en 1959 pour son deuxième opus, Les Cousins, il rencontre des succès divers avec ses films suivants : Les Bonnes Femmes (1960) et L'Oeil du malin déconcertent les spectateurs, plus séduits par Landru (1962) ou le parodique Le Tigre aime la chair fraîche. A la fin de la décennie, sa collaboration avec le producteur André Génovès lui permet de revenir à des oeuvres plus personnelles, comme La Femme infidèle, Le Boucher ou Que la bête meure (1969). Le cinéaste y règle ses comptes avec la bourgeoisie de province et ses faux-semblants à travers des récits de crimes et d'adultères.
Bénéficiant de la présence de Belmondo, le satirique Docteur Popaul est, en 1972, l'un des plus gros succès publics du réalisateur, qui tente à la même époque des incursions dans le thriller politique (Nada) et le fantastique (Alice ou la Derniere fugue). Mais Chabrol est plus à son affaire lorsqu'il adapte des romans policiers ou s'inspire de faits divers, comme pour Violette Noziere, qui, en 1978, marque le début d'une fructueuse collaboration avec Isabelle Huppert. Dans les années 80, le réalisateur tourne une série de polars aux allures de jeux de massacre, et signe ainsi, avec le concours de grands comédiens, une savoureuse galerie de portraits : Serrault en assassin méthodique dans Les Fantômes du chapelier, Poiret en inspecteur gourmet dans Poulet au vinaigre, ou encore Noiret en vedette de télé cynique dans Masques.
Par la suite, c'est pourtant avec de grands personnages de femmes que le cinéma de Chabrol trouve un nouveau souffle. Si le réalisateur offre à Marie Trintignant son plus beau rôle dans Betty (d'après Simenon, 1992), c'est Isabelle Huppert qui incarne le plus souvent ces héroïnes, tantôt victimes d'une société oppressante (Une affaire de femmes en 1988, Madame Bovary en 1991) tantôt criminelles perverses (Merci pour le chocolat) ou femme à la fois manipulatrice et manipulée (L'Ivresse du pouvoir). En 1995, La Cérémonie, adaptation d'un polar de Ruth Rendell, constitue un sommet de l'art chabrolien, entre peinture sociale et étude de cas clinique.
Le maître s'intéresse ensuite à la jeunesse, faisant appel à Benoît Magimel pour La Fleur du mal (2003), La Demoiselle d'honneur et La Fille coupée en deux, dans lequel figure aussi Ludivine Sagnier. Ignoré par les Césars mais chéri par la critique, le malicieux Chabrol est devenu au fil des ans un personnage médiatique paradoxal, affichant sur les plateaux de télévision une bonhomie qui n'a d'égale que la noirceur de ses films. En 2008, alors qu'il fête ses 50 ans de carrière, il tourne pour la première fois avec un autre monument du cinéma français, Gérard Depardieu (Bellamy).
Filmographie :
1958 : Le Beau Serge
1959 : Les Cousins
1959 : À double tour
1960 : Les Bonnes Femmes
1961 : Les Godelureaux
1962 : Les Sept Péchés capitaux, segment L'Avarice
1962 : L'Œil du Malin
1963 : Ophélia
1963 : Landru
1964 : Les Plus Belles Escroqueries du monde, segment L'Homme qui vendit la tour Eiffel
1964 : Le Tigre aime la chair fraîche
1965 : Paris vu par…, segment La Muette
1965 : Marie-Chantal contre docteur Kha
1965 : Le Tigre se parfume à la dynamite
1966 : La Ligne de démarcation
1967 : Le Scandale
1967 : La Route de Corinthe
1968 : Les Biches
1969 : La Femme infidèle
1969 : Que la bête meure
1970 : Le Boucher
1970 : La Rupture
1971 : Juste avant la nuit
1971 : La Décade prodigieuse
1972 : Docteur Popaul
1973 : Les Noces rouges
1974 : Nada
1975 : Une partie de plaisir
1975 : Les Innocents aux mains sales
1976 : Les Magiciens
1976 : Folies bourgeoises
1977 : Alice ou la Dernière Fugue
1978 : Les Liens de sang
1978 : Violette Nozière
1980 : Le Cheval d'orgueil
1982 : Les Fantômes du chapelier
1984 : Le Sang des autres
1985 : Poulet au vinaigre
1986 : Inspecteur Lavardin
1987 : Masques
1988 : Le Cri du hibou
1988 : Une affaire de femmes
1990 : Jours tranquilles à Clichy
1990 : Docteur M
1991 : Madame Bovary
1992 : Betty
1993 : L'Œil de Vichy
1994 : L'Enfer
1995 : La Cérémonie
1997 : Rien ne va plus
1999 : Au cœur du mensonge
2000 : Merci pour le chocolat
2002 : La Fleur du mal
2004 : La Demoiselle d'honneur
2006 : L'Ivresse du pouvoir
2007 : La Fille coupée en deux
2009 : Bellamy