Si vous voulez comprendre...il faut que vous passiez par où je suis passé.
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J'étais suspendu...entre terre et ciel, j'étais mis au monde une seconde fois...j'étais léger...moi ! C'était limpide....
Je voyais le monde tel qu'il était et non tel que je le pensais...et nn seulement j'en faisais partie mais j'en étais la nature même...l'origine.
J'ai entrevu un monde illimité et débarrassé de toute morale...et c'était magnifique.
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Je sais que c'est la mode du moment...on pense que le mystère n'existe que pour être dissipé...on pense que tout est explicable , qu'il suffit d'aller chercher les réponses sur internet...
Mon histoire n'est pas mathématique ! Elle se résume tout entière à la collision entre le hasard et mes...obsessions...c'est pas des choses qu'on trouve sur internet !...
Et ce qui est fascinant , c'est qu'entre les deux pôles il n'y a pas trace de morale, d'éthique ou même de justice...là où vous vous réduisez à la loi, je ne me conforme qu'à la nature...
et la justice n'existe pas dans la nature !
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La boulangerie voisine soufflait un parfum sublime de viennoiseries chaudes...je connaissais cet arôme depuis trente ans. J'étais déjà différent. Pas de cette posture qu'on se choisit plus ou moins à l'adolescence. Non, la vraie. Celle avec laquelle on naît et puis on meurt sans avoir jamais connu de répit. Pour échapper aux outrages ordinaires de la meute, j'avais ma place forte. De l'autre côté de mon rempart de meulière , la rue, les parfums de boulangerie , la vie... J'ambitionnais déjà une vie différente, sans école, sans camarades, sans graisse...Je rêvais d'un mélange confus de pains au chocolat et de liberté...Je rêvais d'être grand. Je ne savais pas alors, qu'il ne suffit pas d'être grand.
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Ce fut sans doute le plus bel été de ma vie...un été à la Pagnol, éclatant, chaud et intense. Débarrassé de la proximité superflue de mes semblables , je devins ce qui m'entourait....Tour à tour insecte ,galet, rongeur , eau ,humus , fougère...Sans doute pas plus mais certainement pas moins, j'aimais la modestie de ma nouvelle condition...Elle contrastait avec la démesure de mon corps.
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L'état de nature ne connait ni morale, ni justice , ni libre arbitre , ni raison, ni valeurs, ni échéances. Ainsi, les quelques mètres carrés au bord de l'eau sont un mystère aussi impossible à se représenter que la taille de l'univers , son fonctionnement ou sa formation. N'être que spectateur de ce foisonnement insensé devient alors un soulagement.
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Anxiolytiques , antidépresseurs, barbituriques, hypnotiques....et bien d'autres dont j'ignorais la fonction mais qui étaientt si appétissants .Dans presque toutes les maisons que j'ai habitées sans y être invité, j'ai pu vérifier omniprésence de ces médicaments du mal-être... c'est étrange qu'ils soient l'apanage des sociétés dont la priorité n'est plus la survie. A croire que l'angoisse nait du confort.
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Même si un quelconque miracle de conte de fées donnait à ce corps harmonie et fermeté , ce qui m'anime en dedans ne changerait rien....je suis son à son image...je suis ce qu'il m'a fait. Je suis l'anomalie.