Mishima : Ma mort est mon chef d'oeuvre, de Patrick Weber et Li-An
En général, je ne lis pas de biographies en B.D. Il m'arrive d'en feuilleter quand je me promène chez mon fournisseur attitré, mais je les repose toujours rapidement (exemple récent : la B.D. sur Lino Ventura).
Mais voilà, Mishima est l'auteur que j'ai le plus (re)lu ces deux dernières années et, en plus d'avoir écrit des grands livres (mais aussi des textes anecdotiques, il ne faut pas se leurrer), l'homme a eu une vie (et une mort) exceptionnelles. Paul Schrader l'a prouvé au cinéma : avec Mishima, il y a de la matière.
Et on sent bien que les auteurs maîtrisent leur sujet : la grand-mère hyper-protectrice, l'amour de l'art, l'obsession pour le corps, l'amitié avec Kawabata, le succès littéraire, l'ambition démesurée, les expériences cinématographiques et, bien évidemment, cette mort délirante (coup d'Etat ? Double suicide amoureux ?) pensée comme une oeuvre d'art.... Tout y est.
La question de l'homosexualité est traitée intelligemment (c'est un peu le sujet tarte à la crème avec Mishima) et, sans être un inconditionnel de ce type de dessin, il faut avouer que certaines compositions / idées de découpage sont très inspirées (l'idée des masques notamment).
Et surtout, ce portrait de Mishima permet de peindre, en filigrane, celui du Japon de 1925 à 1970 : l'impérialisme conquérant qui mène à la guerre et à la défaite, le reconquête de l'honneur perdu via des défis économiques et le consumérisme, l'évolution des mœurs... C'est passionnant et ça donne un récit assez dense, qui ne donne jamais l'impression d'être précipité.
J'ai juste un bémol sur le traitement de Kawabata, qui me paraît parfois éloigné de la réalité (en tout cas de l'image que je m'en suis fait à travers sa correspondance avec Mishima) et finit par ressembler à un rabat-joie qui apparaît au fil des scènes comme un oiseau de malheur.
Mais dans l'ensemble, et à ma grande surprise, j'ai beaucoup aimé ce portrait d'un homme ô combien perturbé et complexe. Et je pense que ça reste accessible même pour ceux qui n'ont jamais lu Mishima... Et ça m'a donné envie de relire
Confessions d'un masque, roman à clef qui m'a laissé, plus tôt dans l'année, assez perplexe.
Voilà Angel