Contre toute espérance |
![](http://img09.cdn.cinoche.com/images/b5c03058e34c9fb8a24d1a1f1b31467a.jpg) Réalisé par Bernard Emond
Avec Guylaine Tremblay, Guy Jodoin, René-Daniel Dubois
Drame, Canada, 1h27 - 2007 |
7/10 |
Résumé : Réjeanne et Gilles viennent d’acquérir la maison de leur rêve à Beloeil lorsque ce dernier, camionneur de son métier, est victime d’un AVC, et elle, d'un licenciement économique. Au présent se déroule une enquête sur elle pour déterminer sa culpabilité sur la mort de son mari.
Dans l'un de ses entretiens, Bernard Emond explique qu'il n'a pas prémédité de trilogie, mais que
La neuvaine contenait un "reste" non questionné : que faire quand le malheur est tel qu'il n'y a en face qu'un silence lourdement opaque ? Bref, encore du lourd. D'autant que cette fois-ci, il n'y a pas de fuite du personnage principal vers un endroit tranquille, qui s'insère ici clairement dans la vie active, plus précisément dans le contexte québécois et montréalais (y résidant forcément ça me touche), et plus largement, celui de la mondialisation. Comme thèmes principaux : la maladie et la perte de travail, avec la volonté de faire le bien contre toute attente comme fil directeur de la trilogie.
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Le film alterne présent et passé, se déroulant autour d'un drame dont on devine peu à peu la portée, inspiré d'un fait réel (le licenciement des téléphonistes de Bell en 1999). Dans ce canevas classique et avec une approche non-spectaculaire (le réal' est documentariste), sont interrogés des personnages ayant à faire face à l'imprévisible. L'environnement social est finement esquissé sans trop en rajouter : ils visaient le rêve à la canadienne (belle maison avec vue imprenable), mais l'AVC de l'un, et la réalité de la loi du marché de l'autre, finissent par renverser cet "ordre normal des choses". Ne reste qu'une relation dont la fragilité est à assumer, avec un ami en renfort. La femme est forte, presque une sainte (surtout amoureuse), mais son mari a du mal à accepter son sort : comme l'héroïne d'une tragédie moderne, elle espère ainsi contre le monde. L'esthétique est simple (caméra fixe, pas de champ/contre-champ), à l'affût de ces corps et visages seuls, alternant avec grâce zones d'obscurité ou de lumière, respirations et suffocations (avec des gros plans insistants), jusqu'à un final déchirant où le cri muet de la douleur se cristallise enfin, bien présente malgré le poids d'une culpabilité levé.
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Comme
La neuvaine, les relations humaines sont au coeur. C'est beau de voir la manière dont chaque sphère sociale (travail, police, ...) est investie par cette dimension bien vivante, quoique finalement menacée par la nouvelle religion de l'offre et de la demande (édifiante l'interview sur l'homme d'affaires qui ne remet pas en question cette logique dictant les salaires et tout le reste). D'autant plus que contrairement à
La Neuvaine, Dieu ici s'est retiré complètement, renvoyant l'humain à lui-même, avec pour seuls signes divins une nature qui se fait tantôt maternelle tantôt étouffante, en harmonie avec l'état d'esprit de Gilles.
Ce film est réalisé de la même manière que le précédent : avec sobriété, et un traitement visuel qui ne maquille pas le réel. Dommage que le montage alterné entre présent et passé se révèle comme un trompe-oeil narratif, mais nécessaire pour imager la dynamique de Jeanne : d'une part une enquête dont on devine la fin, dominée par la culpabilité de l'accusée, et d'autre part la déclinaison de la chaine des causalités justifiant l'acte criminel, révélant une grande force d'espérance et de courage. Impatient de voir la suite.
Un film qui s'insère bien dans cette trilogie des vertus théologales (malgré un procédé narratif trop fonctionnel), avec pour thème central la force des relations humaines contre celle du monde et des circonstances.