: Un expert en arts martiaux, désireux de prendre sa retraite, se retrouve traqué par un détective et son ancien maître.
La dernière décennie n'est peut-être pas très fournie dans le
Wu Xia Pian, mais elle comporte quelques perles dont
Wu Xia fait sans doute partie (avec notamment
Detective Dee et
Trois royaumes). L'une de ses plus grandes réussites, hormis son cachet visuel indéniable, est l'originalité d'un récit qui, tout en faisant référence aux codes classiques du genre, parvient à captiver l'attention du spectateur en le baladant entre enjeux variés et rebondissements palpitants. Sur la base d'une enquête policière aux allures fantastiques à la Chu Yuan (mais en beaucoup plus simple à suivre) et proche de
History of violence, cette histoire porte sur la capacité pour un homme de changer, tant pour le détective (l'humanité est-elle plus forte que la loi ?) que celui qu'il traque (peut-on effacer son passé ?), apparemment simple fabriquant de papier.
Or, la grande force du récit est de nous faire douter constamment de l'identité de ce dernier (même si la présence de Donnie Yen nous met la puce à l'oreille), en reprenant le concept du montage alterné de
Rashomon. L'enquêteur aura donc à user de toute sa perspicacité pour éplucher les différentes couches de l'affaire, en nous faisant découvrir toute la finesse des arts-martiaux (par sa connaissance des aiguilles), la pratique devant être voilée pour masquer la réelle identité de son pratiquant. A cette fin, la mise en scène est brillamment pensée (avec des CGI parfaitement intégrés à la narration), faisant revivre au spectateur certaines séquences selon deux angles différents, transformant celui-ci en témoin oculaire (via la version du fabriquant) et psychique (via l'imagination et l'observation de l'enquêteur), avec au passage quelques leçons sur les arts-martiaux (portés par une caméra subjective nous conduisant vers les points vitaux). Ainsi, ce film est très dynamique, alternant enquête, combats, et différents ressorts émotionnels en parcourant le passé de chaque protagoniste principal.
L'une des autres forces du film est donc sa maîtrise de la rupture de ton, puisque les scènes comiques (Donnie Yen se faisant passer pour un idiot bien chanceux) alternent avec d'autres plus sérieuses, particulièrement lorsque les enjeux se rejoignent (un complexe oedipien pour le fabriquant, la peur d'être abandonnée pour la femme de ce dernier, et le choix cornélien entre la loi et l'empathie pour l'enquêteur), sans que jamais le récit ne soit surchargé. Et le casting est bien servi, avec en tête Donnie Yen qui nous montre, à la manière de Jet Li dans
Fearless, qu'il peut être aussi un bon acteur en faisant part d'une palette de jeu que je n'avais jamais vu chez lui, aussi efficace dans les scènes de combat, le comique, et le tragique. D'autre part, Takeshi Kaneshiro est toujours aussi convainquant, ici dans un rôle à la Sherlock Homes (son look très classe aidant dans ce sens), tandis que la mignonne Tang Wei, révélatrice de l'humanité du fabriquant, est un petit atout-charme indéniable.
Enfin, les scènes de combat, bien que rares (et c'est pour le mieux, car ils servent à chaque fois les personnages et l'histoire), sont vraiment bien foutus et parfaitement lisibles. Après la première très originale qu'on revoit sous un angle différent, il y a de sacrés morceaux, dont un qui fera plaisir à ceux qui ont vu
Le sabreur manchot avec comme principal
bad guy nul autre que Jimmy Wang, ancien interprète de la saga éponyme. Son personnage n'est peut-être pas aussi bien écrit et interprété (il en fait même parfois des caisses en méchant de service) que le duo central, mais ça fait plaisir de le revoir après 15 ans d'absence. Bref, un film d'enquête/arts martiaux qui commence de manière très originale (dans son script et sa mise en scène), et termine de façon plus classique et référentielle. A découvrir absolument (tant pour les néophytes que pour les plus aguerris) ! Seul petit point noir, peut-être son dénouement qui manque un peu de panache.
Un must-see pour tous les amateurs du genre, jamais ennuyeux, doté à la fois d'une histoire classique mais racontée avec originalité, de combats nerveux et bien chorégraphiés, et de nombreuses références à la pratique des arts-martiaux.