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SPOILERS |
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Un Scorsese auquel je n’accroche pas outre-mesure.
J'aime beaucoup le concept de ce type ordinaire qui va vivre un véritable cauchemar éveillé alors qu’il voulait uniquement passer une nuit en agréable compagnie, mais le film ne m'a pas fait ressentir la descente aux enfers de son personnage.
After Hours apporte régulièrement la preuve de la maîtrise par Scorsese du medium cinéma. Lors de l’introduction, il lui faut juste deux minutes pour nous dire tout ce qu’il y a à savoir sur son personnage principal: les plans subjectifs de Paul (Griffin Dunne) observant ses collègues alors qu'on lui parle et celui le montrant devant l'immense grille à l'extérieur de son bureau avec du Bach en fond sonore nous révèlent son inadéquation dans son milieu professionnel et sa solitude dans le privé. Scorsese filme ça avec une concision qui force le respect.
Le film est émaillé de mouvements de caméra ou de plans qui viennent appuyer les sentiments ou les sensations de son protagoniste, notamment les nombreux travellings rapides ou travellings circulaires qui accentuent l’aspect insolite de la plupart des situations.
Le réalisateur utilise parfois sa mise en scène pour nous leurrer, comme avec le plan de Paul en train de masser Kiki, pendant lequel on croit que Kiki s'abandonne lascivement à lui, alors qu’en fait elle est en train de s'endormir en écoutant l'histoire qu'il lui raconte.
La façon dont il filme Soho la nuit, on s'y croirait.
La BO, qui marie Bach et musique punk n'est pas la plus spectaculaire de sa filmographie, mais j'aime beaucoup l'utilisation de la chanson pendant la scène de danse entre Griffin Dunne et Vera Bloom, qui renforce l'aspect tendre et apaisant de cette scène et qui contraste avec les événements délirants du reste de cette soirée.
Le film contient un bon nombre d’idées farfelues: le dialogue avec le videur de la boîte de nuit (apparemment tiré de Kafka), l’échange avec le caissier du métro, les pièges à rats disposés autour lit Teri Garr, l’écriteau "Dead person" que Paul accroche pour indiquer la présence du corps de Marcy, la description de la foule qui va casser du criminel, Teri Garr qui conduit un camion de glaces, le type moustachu qui croit que Paul veut coucher avec lui alors qu'il veut simplement utiliser son téléphone…
Griffin Dunne est parfait dans son rôle de monsieur-tout-le-monde, restituant à la fois sa solitude, son côté sympa mais aussi sa goujaterie, par exemple lorsqu'il abandonne Marcy parce qu'il croit qu'elle a le corps brûlé ou quand on le sent prêt à coucher avec la colocataire de Marcy alors qu'ils attendent cette dernière.
Comment interpréter le moment où, quand il retrouve le corps inanimé de Marcy, il veut vérifier s'il est brulé: simple curiosité? Veut-il savoir si la mort de Marcy a été précipitée par des présomptions erronées? Savoir s'il est passé d'un bon coup?
Ce personnage paraît assez imbu de lui-même car il est convaincu que la mort de Marcy a été provoquée uniquement par son comportement alors qu'il paraît évident que c’est une jeune femme psychologiquement perturbée.
Dunne est particulièrement drôle dans la scène où il raconte se déboires au moustachu. L’idée de le faire évoluer physiquement au fil du récit est bien vue: on le verra se dégrader progressivement pour finir complètement couvert de plâtre…à l’endroit exact où on l’avait rencontré pour la première fois!
Rosanna Arquette est, elle aussi, très bien, restituant à la fois la candeur, le sex appeal et le déséquilibre psychologique sous-jacent de Marcy. Elle s'en tire particulièrement bien dans la scène du diner où, en racontant sa nuit de noces, elle ne peut s'empêcher de répéter encore et encore la même phrase.
Je pourrais citer tous les acteurs tant le reste du casting ne démérite pas, campant pour la plupart des personnages secondaires hauts en couleur.
Malgré toutes ces qualités, After Hours n'a pas réussi à m'embarquer dans son délire. Les plans de Griffin Dunne en contre-plongée courant dans les rues, dans la dernière partie, sont symptomatiques: Scorsese arrive parfaitement à symboliser la folie à l'image, mais pas à la faire
ressentir.
Contrairement à ce que j’ai pu lire sur le rythme du film, je ne l’ai pas trouvé si "speedé" que ça. Il prend quand même une petite heure à présenter ses multiples personnages et c'est à partir de ce moment là vraiment que le rythme va s'emballer.
Bien que satisfaisant à de nombreux égard (c'est sur ses petits films que Scorsese ose parfois le plus), After Hours n'atteint pas le niveau des meilleurs travaux du cinéaste et ne m'a que partiellement emballé.