Outrage Beyond, de Takeshi Kitano (2012) L'histoire : La police déclenche une guerre entre les deux clans yakuzas les plus puissants de Tokyo et d'Osaka. Sorti de prison, Otomo va se retrouver au coeur de ce conflit...En revenant au
yakuza eiga avec
Outrage, Takeshi Kitano avait retrouvé le succès commercial qui lui échappait depuis longtemps. Il faut dire que sa trilogie introspective (
Takeshis',
Glory to the Filmmaker ! et
Achille et la Tortue) sur la figure de l'artiste avait laissé plus d'un fan sur le carreau, lassé par tant de nombrilisme et d'hermétisme. Toutefois, il ne s'agissait pas d'un retour en arrière, puisque le résultat ne ressemblait en rien, ou presque, à la poésie d'un
Sonatine ou d'un
Hana-bi : plus proche de l'esprit des films signés par Kinji Fukasaku dans les années 1970, il tentait moins de détourner le genre que de livrer une radiographie du monde yakuza dans les années 2000. Mais aussi de communiquer, à travers lui, une vision du Japon. L'idée de le retrouver à la tête de cette suite a de quoi interroger... Opportunisme commercial ? Confirmation d'une perte d'inspiration ? Ou a-t-il quelque chose à exprimer sur la longueur d'une saga, à l'image de Fukasaku avant lui ? Un peu des trois, c'est une évidence.
En toute logique (ou presque : son personnage laissé pour mort ressuscitant pour l'occasion), Takeshi Kitano reprend les choses là où il les avait laissées à l'issue du premier film. Le monde yakuza de Tokyo a bien évolué : les traîtres d'hier ont atteint des postes importants et la promotion à l'ancienneté de ceux qui respectent les anciennes valeurs a cédé sa place à la méritocratie. Seul celui qui rapporte de l'argent gagnera ses galons. Les réunions de clans ressemblent à des conseils d'administration déshumanisés et les collusions avec le monde politique sont de plus en plus fréquentes. Mais, suite à un débordement, la police décide d'agir en coulisses... Non pas en suivant les règles du système (auxquelles les yakuzas, marginaux par définition, échappent la plupart du temps), mais en jouant avec le feu. Un policier corrompu va déclencher une guerre de clans en jouant la carte de la manipulation et en précipitant le personnage de Takeshi Kitano au milieu des loups.
Son personnage a évolué et la lassitude l'a gagné : aucune envie de se pavaner avec des gardes du corps ou de profiter d'une jeune femme offerte. Sans parler de reconstituer un clan. Se venger ? Oui, certainement. Et faire payer ceux qui ont bafoué le code d'honneur qu'il a respecté toute sa vie. Dans le premier
Outrage, les exécutions, inventives au-delà de tout réalisme, ressemblaient à un gimmick de
torture porn. Ici, à quelques originalités près, on se contente de sortir les flingues et de tirer dans le tas. Mais avant, les yakuzas bavardent. Ou crient, le plus souvent. De longues plages de dialogues confuses qui risquent de lasser et d'endormir un spectateur aussi fatigué que le personnage d'Otomo. Il faut faire le deuil de l'ancien Kitano, celui qui a régénéré le genre dans les années 1990. La poésie a disparu, la hache de guerre avec Joe Hisaishi n'a pas été enterrée : nous sommes en présence d'un film de genre, assez classique. Inférieur aux chefs-d'oeuvre passés mais supérieur au reste de la production locale.
Kitano corrige ici les erreurs de son précédent film (les dérives
torture porn et le personnage gênant de l'ambassadeur africain) et abandonne le cynisme au profit d'un ton désabusé. A découvrir toutefois l'esprit alerte...
Note : 7/10