Swordsmen, de Peter Chan (2011) L'histoire : En 1917, un paysan chinois tue, en grande partie par accident, deux dangereux criminels. Il devient un héros, mais un détective le soupçonne de dissimuler un passé d'assassin...Le cinéma hongkongais a perdu de sa superbe depuis la rétrocession de l'ex-colonie anglaise à la Chine : malgré tout, il continue de livrer, de temps à autre, un film de genre qui explose la concurrence. Pour quelle raison ? Parce qu'il se permet tout. Peu lui importe les conventions d'un genre : ainsi, avec
Wu Xia (titre que je préfère à ceux choisis pour l'exploitation française ou américaine), Peter Chan, qu'on n'attendait pas à un tel niveau, peut enchaîner des scènes naturalistes sur la paysannerie et d'autres qui donnent l'impression que
Les Experts se sont invités dans la Chine du début du siècle dernier. De la récolte de riz en plein brouillard à la vision des organes internes de victimes en CGI : il n'y a qu'un pas. Mieux encore : il parvient à trouver l'équilibre entre l'hommage aux productions Shaw Brothers et l'oeuvre idéale pour dépuceler les néophytes.
Car ce film qui débute comme un
History of Violence à la sauce chinoise bifurque en cours de route pour offrir une vision modernisée du Sabreur Manchot : pas une mauvaise chose en soi, tant le film de David Cronenberg s'effondrait quelque peu dans son dernier acte et ne pouvait servir de modèle sur la longueur (rester fidèle au roman graphique qu'il adaptait aurait été plus judicieux). Mais revenons au personnage de Donnie Yen, qui prouve une fois de plus qu'il a franchi un cap depuis
Ip Man : exit les tics de
bogossitude, il se montre ici tout autant crédible en humble paysan qu'en tueur sanguinaire repenti. Et la relation qu'il noue avec l'enquêteur interprété par l'excellent Takeshi Kaneshiro, mix réussi de Sherlock Holmes et de Gil Grissom, donne tout son sel à la première heure du métrage : il faut voir ce dernier s'attaquer à plusieurs reprises au premier, dans l'espoir de le voir révéler sa nature d'assassin. L'humour est au rendez-vous et si l'action est rare, elle est de premier choix.
J'irai même jusqu'à dire que le combat revu sous un angle différent, une merveille de mise en scène, s'impose comme ce que j'ai vu de plus inventif dans le genre depuis longtemps. La rupture de ton qui suit l'affrontement entre Donnie Yen et Kara Hui laissera peut-être quelques spectateurs sur le carreau, mais elle permet de ressortir une légende de sa maison de retraite : Jimmy Wang Yu, le sabreur manchot originel, première superstar du cinéma d'arts martiaux hongkongais. Si l'on peut déplorer une moins bonne gestion du rythme dans ce dernier acte, il rend hommage à tout un pan de cinéma aujourd'hui révolu. A une époque où les
wu xia pians manquent d'énergie et/ou d'ampleur, ce retour aux sources se présente comme salutaire : d'autant plus qu'il ne se contente pas de singer le passé, ne serait-ce qu'à travers sa mise en scène riche en effets
next gen, plus jouissifs qu'agaçants (voir le travelling sur Donnie Yen, lorsque sa véritable identité s'impose à tous).
A la fois référentiel et original, tourné vers le passé sans pour autant oublier le présent,
Wu Xia s'impose comme le meilleur film du genre de ces dernières années. Les Donnie Yen
haters peuvent garder le silence : il est bel et bien l'homme fort de HK.
Note : 8/10