Le Sabre, de Kenji Misumi (1964) L'histoire : Kokubu est choisi comme capitaine du club de Kendo d’une université, au détriment de Kagawa, pourtant meilleur dans cette discipline. Ce choix a été dicté par le mode de vie ascétique de Kokubu, tout entier régi par des règles ancestrales de discipline et de devoir...Conclusion de la trilogie du sabre de Misumi,
Le Sabre a sûrement surpris de nombreux spectateurs : de part sa contemporanéité, qui donne dans un premier temps l'impression de malmener la cohérence de l'ensemble, après les deux films d'époque que sont
Tuer et
La Lame diabolique, et du fait du choix du cinéaste d'opter pour un noir et blanc qui renforce cette impression sur le plan formel. Pourtant, il s'agit de choix judicieux et même logiques, qui ont permis à ce troisième volet de devenir une référence du
chambara crépusculaire. Le fait d'adapter une nouvelle de Yukio Mishima permet à Kenji Misumi d'apporter une conclusion pessimiste au fil directeur de la trilogie : à savoir la crainte de la disparition des valeurs anciennes du Japon, parfois idéalisées, au profit de celles de l'Occident, synonymes de déliquescence morale.
La nouvelle de Mishima synthétise ses obsessions et oppose deux visions du Japon, à travers les personnalités antagonistes de deux étudiants pratiquant le kendo. D'un côté, nous avons Kokubu : droiture personnifiée, ce jeune homme ne vit que pour le sport et ne relâche jamais la pression, ne s'autorisant aucune légèreté, tel un samouraï des temps modernes. De l'autre, Kagawa : tout aussi doué en pratique, mais qui n'hésite pas à bafouer les règles par égoïsme. Le premier souffre de ne plus être en phase avec son époque, un temps où les préceptes du Hagakure semblent passéistes et inadaptés aux réalités, et le second, malgré ses plaisirs simples, ne peut s'empêcher d'admirer la pureté de son rival. Pessimiste, Misumi se démarque de l'auteur qu'il adapte en ne privilégiant aucune voie : l'avenir l'inquiète, mais il ne semble pas penser, contrairement à Mishima, qu'un retour au passé pourrait constituer une solution.
Et c'est là que le choix du noir et blanc semble justifié : Kenji Misumi, toujours aussi précis dans sa composition de plans, met en scène ses idées à travers des jeux d'ombre et de lumière. Son héros, d'abord aveuglé par le soleil et un idéal de puissance, finira par s'effacer, telle une ombre au crépuscule.
Note : 8/10