LE GRAND BLEU----------------------------------------------------
Luc Besson | 1988 |
9/10 Film générationnel s'il en est, Le Grand Bleu à sa sortie fut un raz de marée auprès des adolescents, redonnant aussi au cinéma français une ambition internationale. Car tourné aux 4 coins du monde, en langue anglaise, avec des acteurs étrangers et un budget conséquent, Le Grand Bleu est peut-être l'un des premiers blockbusters à la française. D'autant plus surprenant que son réal (le gros Luc pour ne pas le citer) n'en était qu'à son 3e film et n'avait pas encore 30 ans. Un succès retentissant en terme d'entrées, moins en terme de réception critique. Mais pourtant, ayant connu à l'époque cette folie Grand Bleu, le film reste pour moi une magnifique madeleine pour plusieurs raisons.
Naïf le film l'est évidemment, distillant une leçon de vie à base d'élément marin, de dauphins et de musique éthérée à la Serra. Mais il serait injuste de nier justement la beauté qui transparait de cette ode à la mer, l'amitié et la liberté. Beauté des images et des décors (inégalés en terme d'environnement aquatique), beauté de cette BO culte, beauté des sentiments (l'amour impossible pour l'homme poisson, novateur à l'époque alors que l'écologie n'était pas encore à la mode) et beauté d'un duo d'acteurs qui ne fera jamais aussi bien par la suite : Barr dans le rôle de l'autiste passionné irradie l'écran (on imagine mal maintenant les pressentis Lambert et Rourke dans ce rôle) et son contrepoint beaucoup plus humain, terre-à-terre et Sicilien, prend la trogne et la gouaille d'un Jean Reno exceptionnel. Une complicité et une complémentarité qui font mouche, la fraîcheur de 2 acteurs inconnus donnant alors à Besson les mains libres pour son buddy movie à base de comédie, de drame, d'aventure, de passage à l'âge adulte et d'épicurisme.
Un mélange facile certes, mais équilibré, il fonctionne, encore aujourd'hui, et prouve que les jeunes peuvent s'émouvoir d'un film beau, émouvant, portant sur des sujets de vie un peu plus adultes. Un film en tout cas autre que la traditionnelle rom-com de teenagers hypersexués et d'autant plus une gageure qu'il s'agit d'une œuvre qu'on pourrait simplifier en mélo zen et abscons, sans même un happy-end pour contenter les foules. Besson en touchant ce public faisait très fort, car son succès retentissant fut aussi bien total qu'inattendu, même si Subway avait aussi su tirer son épingle du jeu auprès d'un jeune public cinéphile, mais restreint.
Et en cela son titre de blockbuster est mérité, et pour moi non péjoratif, car le film possède une identité encore novatrice et il transmet des valeurs et des images simples et belles. Car aussi le film de Besson peut être considéré comme un film sportif, où la compétition et la rivalité servent de fil conducteur, réussissant ainsi à compenser des phases contemplatives par un rythme et une énergie sans cesse relancée. Un film qui a sans doute lancé des générations de nageurs amateurs (en même temps d'encourager le tourisme et la baignade dans les Cyclades...)
Bref un film qui fit couler beaucoup d'encre, à juste titre, un vrai phénomène qui propulsa son jeune réalisateur au firmament d'un cinéma français capable de toucher le large public adolescent. Certes en terme de qualité, le Spielberg français comme on le surnomme abusivement a très vite flanché par la suite, sombrant malheureusement dans une facilité abyssale d'où on peut penser qu'il ne reviendra plus.
Mais malgré tout, le Grand Bleu reste pour moi un film culte de mon enfance, une œuvre sensorielle baignée d'images et de persos lumineux, d'une langueur certes naïve mais d'un très touchant et fascinant carpe diem. Et un film culte qui me fait replonger avec un plaisir non coupable dans mes rêves bleutés d'adolescent.