Star Wars : The Empire Strikes Back (Star Wars : L'Empire contre-attaque) de Irvin Kershner
(1980)
Après l'énorme succès planétaire de Star Wars, George Lucas commençait à toucher du doigt ses rêves d'ambition. Et autant la sortie d'une suite à son film trois ans après n'avait rien d'une surprise (Lucas ayant écrit une véritable mythologie autour de son univers, la perspective d'une double trilogie commençant déjà à mûrir dans son esprit), autant le fait de s'éloigner du poste de réalisateur avait clairement de quoi étonner. Un choix qui annonçait hélas le début d'un revirement total pour le réalisateur qui préférait s'en tenir au poste de producteur, scénariste et consultant. Irvin Kershner, ancien professeur de Lucas, est alors appelé pour réaliser le film au scénario volontairement plus sombre et plus poussé sur la tragédie que le précédent. Un choix étonnant, mais qui va finalement donner ni plus ni moins que le meilleur film de la saga, qui possède alors un budget nettement plus confortable (trois fois plus que le film précédent) et qui va finalement imposer l'univers Star Wars comme un indispensable de la culture populaire mondiale.
Tout commence avec une idée toute simple, là où Star Wars premier du nom était un simple film d'aventures spatiales, The Empire Strikes Back allait tout simplement aborder l'univers d'une toute autre manière, et notamment en développant à la fois sa mythologie, ses personnages et surtout les relations qui les unie, le tout sur une ambiance clairement plus pessimiste puisque, comme son titre l'indique, l'heure est à la revanche de l'Empire Galactique, mené par Dark Vador, placé au centre du métrage comme la figure ultime du Mal. Scénario plus étoffé, protagonistes divisés, personnages qui commencent à douter de leur capacité à terminer cette rébellion vivants, humour distillé de façon moins oppressante et violence plus visuelle, tout est là pour aborder le conflit spatial de façon plus adulte. Alors certes, on reste tout de même dans du cinéma d'aventure via notamment une séquence trépidante dans un champ d'astéroïdes, mais le fait est que l'on est face à des situations qui sont bien plus que des simples rebondissements. Entre chasseurs de primes engagés par l'Empire, traîtres au sein de mondes libres, une vision rapide de l'Empereur ou encore l'ombre d'un certain Jabba qui se veut de plus en plus grande, tout est là pour placer le spectateur dans un univers peu rassurant et qui fait donc craindre pour ses héros, notamment dans un final sur Bespin qui est certainement le passage le plus sombre de toute la saga.
Tout a déjà été dit sur le script du film, avec un travail sur la Force plus approfondi via le personnage de Yoda et l'apparition fantôme de feu Obi-Wan Kenobi (c'est d'ailleurs dans cet épisode que l'on fait connaissance avec le côté obscur), le sort surprenant de Han Solo ou encore tout simplement le fabuleux twist final qui a du en choquer plus d'un à l'époque et qui provoque encore son petit effet, mais force est de constater que le tout vieillit admirablement bien et ce, même si l'on connaît par cœur le moindre passage du métrage. De plus, avec un budget beaucoup plus fourni, Lucas et Kershner livrent des effets spéciaux franchement sublimes pour l'époque et toujours bluffants aujourd'hui (la séquence des astéroïdes est, à ce titre, une séquence particulièrement impressionnante) et qui sont toujours utilisés de façon à plonger le spectateur dans un univers auquel il va croire, détail qui sera hélas quelque peu oublié dans la conception de la prélogie.
En terme de mise en scène, The Empire Strikes Back s'impose clairement comme l'épisode le mieux travaillé sur la longueur. Contrairement à Lucas et le style particulièrement fixe qu'il a imposé à la saga, Kershner profite de son budget pour proposer un maximum de travail visuel au sein de décors réussis. Alors certes, on est loin d'être devant un film aux compositions de plans toujours pensés au maximum, mais en l'état la réalisation fait fonctionner le récit de manière fluide et particulièrement agréable. L'attaque impériale sur Hoth avec les changements de points de vue est ultra efficace, de même que le duel final sur Bespin (l'un des meilleurs de la saga), avec un style de combat fortement emprunté au film de sabre japonais.
Les personnages sont vraiment approfondis dans cette suite qui dévoile au spectateur des faces particulièrement sombres de protagonistes pourtant attachants. Luke Skywalker devient un personnage trop impatient et impulsif face à un maître Yoda qui tente de l'éloigner du côté obscur (la scène du X-Wing immergé est d'une puissance sans nom), Han Solo montre ses faiblesses face à Leïa qui gagne en profondeur avec notamment une séquence rapide qui préfigure un des twists de l'opus suivants. Même Dark Vador est travaillé via une volonté sans bornes qui cache un noir secret, et son entretien avec l'Empereur donne déjà les bases d'un rapport de domination qui sera un élément important par la suite. Enfin, John Williams signe là l'une de ses compositions majeures. Si l'on retrouve les thèmes géniaux du premier opus (on ne le dira jamais assez, le thème de la Force est l'une des plus belles musiques jamais créées), on se retrouve avec la fameuse Marche Impériale cultissime ou encore un thème très mélancolique pour Yoda. The Empire Strikes Back, le meilleur épisode de la saga Star Wars en plus d'être un pilier essentiel du space-opera cinématographique.
NOTE : 9/10