Love Exposure - Sono Sion ( 2008 )
Bon, je vais essayer de dire quelques mots sur le film sans trop dévoiler les éléments de l'intrigue car je pense qu'il est préférable d'en savoir le moins possible pour mieux se prendre la chose en pleine gueule ( et surtout, en plein coeur!... ). Perso j'avais aucune idée de ce que j'allai voir en insérant la galette dans le lecteur et la claque n'en fut que plus grosse.
Film fleuve, d'une densité incroyable, nous faisant évoluer dans un milieu socioculturel japonais, utilisant comme thème central les religions ( refuges faciles pour les âmes en perditions et donc vulnérables, aux apports malheureusement parfois bien plus dévastateurs que bénéfiques ), tissant dans un premier temps sa toile dans différentes directions pour finalement mieux les relier par l'assemblage des parcours respectifs de ses persos, traités à l'écran par un bon gros mélange des genres aussi surprenant que cohérent, dont la narration, très littéraire dans son approche va à la manière d'un livre chapitrer son récit, lequel sera traversé par toutes sortes d'émotions, prenant tour à tour les traits de chronique familiale, parcours initiateur d'un enfant devenant jeune homme et surtout love story aux multiples facettes, particulièrement touchante et pourtant tellement destructrice. Ainsi, au fil des quatre heures de métrages, de nombreux liens d'amour se crées à l'écran, certains fantasmés ( un personnage étant ici souvent vu à travers le regard de l'autre, lequel préférant par l'imaginaire le modeler à son image plutôt que d'en accepter la vraie nature, donnant donc ici à un triangle amoureux une dimension hautement complexe ), d'autres bien réels.
Quatre heures c'est très long. Un rythme mal géré ainsi que de mauvais choix de narration peuvent donc rapidement faire basculer le visionnage en véritable torture, et pourtant, tout en prenant son temps ( le film se paye l'audace d'afficher son titre à l'écran après une longue heure d'exposition, celle-ci se déroulant sous l'allure d'un décompte temporel menant à la scène clé, dite du "miracle") le film réussi l'exploit de passionner dès ses premières minutes, grâce à la richesse de son scénario donc, mais également pour sa galerie de personnages aux destins chaotiques ( interprétés par des acteurs tous plus convainquant les uns que les autres ), remarquablement traduit à l'écran par un réal qui, en utilisant des techniques de mise en scène très variées, ( narration éclatée, fausses images d'archives, split screens, jump-cut ) va donner à son film un rythme très pop particulièrement agréable à suivre, celui-ci étant en plus soutenu par une superbe bande son au musiques pop rock délicieusement percutantes.
D'un chapitre à l'autre ( et même d'une scène à l'autre, tout simplement ) il est presque impossible de prévoir quelle direction va prendre le métrage et surtout, quel ton celui-ci va adopter. La première partie du film, bien que parfois teintée d'éléments très sombres et cruels, étant dans l'ensemble plutôt légère, régulièrement ponctuée de scènes hilarantes et parfois-même traversée de passages plus fantaisiste ( dont quelques incursions plus typées cinoche de genre, notamment lorsque l'écran est animé par de généreux jets de sang qu'on penserait tout droit sorties de l'époque bis du chambara ) alors qu'à coté de ça et sans que l'on si attende, une noirceur insoupçonnée peut venir pointer le bout de son nez, contaminant l'écran d'un souffle tragique dévastateur qui, tel un bon gros uppercut dans la gueule, vient sonner le spectateur.
Et c'est vraiment là où le film est puissant et qu'il représente à mon sens un véritable tour de force, c'est dans sa capacité à amener le spectateur où il veut et ce, tout au long ses quatre heures. Personnellement je sais que, une fois que j'avais mordu à l'hameçon, Sono Sion pouvait faire ce qu'il voulait avec moi, celui-ci devenant maître de mes émotions, mais ce, de façon toujours légitime car au final justifié par le récit. Ce n'est pas un jeux de manipulation s'amusant gratuitement à lancer de fausses pistes juste pour le plaisir de surprendre le spectateur. Non, mine de rien, le déroulement de l'intrigue, aussi sombre puisse-t-il être par moments, sonne très juste, car oui, de mauvais choix de vie, empruntés lors de moments de faiblesses ainsi que de mauvaises rencontres, peuvent mener à la dégradation totale de celle-ci.
C'est une véritable fresque que Sono Sion dresse ici, un maelstrom d'émotions, certes, souvent cruel mais également d'une beauté renversante et malgré tout conservant toujours une part espoir.
Un très grand film et en ce qui me concerne, certainement une de mes plus grandes expérience de cinéma.
10/10