Réalisé peu après l'anniversaire de la réunification des deux "Allemagne", force est de constater que
Good Bye, Lenin ! perd de sa force au fil des années malgré ses bonnes intentions de départ. L'idée est simple, ouverte à de nombreuses possibilités, à savoir contenir l'illusion que la RDA perdure aux yeux d'une mère pro-Est qui risque des complications de santé si elle a connaissance de la vérité (quoique dans sa forme "pure", le mensonge comme falsification de la réalité est une idée largement exploitée au cinéma, comme dans
La vie est belle entre un père juif et son fils en camp de concentration, autrement plus poignant et osé, ou sur un plan apolitique, dans
Truman-Show). Cette dernière, après le départ de son mari, se réfugie paradoxalement dans l'unité que représente le socialisme tandis que sa famille connaît au contraire une crise sans précédent. D'un côté du mur comme de l'autre, l'idéologie fleurit, essentiellement la liberté et le capitalisme froid et compétitif pour l'Ouest, et le socialisme avec de fortes valeurs humanistes étriquées et imposées de force pour l'Est. Mais après sa "chute", les deux enfants se jettent à coeur joie au milieu des nouveautés de l'Ouest. Or, ce qui est intéressant sur le papier lors de l'entreprise folle du fils, c'est cette idée d'avoir perdu au moment de la "chute du mur" quelque chose du passé contenu dans cette idéologie (son humanisme), qui doit s'exprimer dans la modernité du présent, et qui se redécouvre paradoxalement dans l'idéalisation ou la parodie de ce même courant désormais révolu.
Cependant, au niveau de la mise en scène, mis à part une bonne reconstitution graphique et mentale de cette période transitoire majeure de l'histoire ("on s'y croirait", avec la découverte du porno, du libre-échange, ...), et la réalisation plus vraie que nature de faux journaux télévisuels pour la mère, douce satire du socialisme allemand et des valeurs véhiculées, ça demeure un peu trop consensuel et paresseux à mon goût, "surfant" sur la voie de la mélancolie du passé (au sens large) au détriment d'un fond véritablement consistant. Malgré tous les efforts produits, le seul moment réellement émouvant pour moi est cette scène où la mère est sur le point de découvrir la vérité en se levant du lit en prenant exemple sur sa petite-fille. Il s'agit cependant d'une bonne entrée pour les novices de cette époque, mais aux angles trop arrondis pour en avoir une idée totalement objective (les véritables problèmes ne sont qu'effleurés, comme la Stasi, le chômage, ...) sauf peut-être la manipulation des médias ou de l'image, d'habitude instrument politique absolument nocif des deux côtés du mur, est assumée ici à contre-courant comme pseudo-thérapie. D'ailleurs la musique d'
Amélie Poulain, plus discrète que dans mes souvenirs (excepté au début), assure une drôle de filiation entre ces deux films qui sont tous les deux "à fleur de peau", et qui rendent également compte de la chute de valeurs ou d'idéaux familiaux. Cette dimension-là se double ici d'une déliquescence des valeurs politiques d'antan. Autrement dit, il s'agit d'un
drame familial affrontant le changement du climat politique, comme l'atteste le dénouement démontrant que le mensonge le plus grave n'est pas politique mais d'ordre familial. Bref, le grand bienfait du film est de ramener la politique à des dimensions plus humaines. Elle se situe là la beauté et l'intelligence du film : montrer que peu importe le contexte, l'unité "réelle" prévaut au reste. Au niveau du casting, les acteurs s'en sortent bien et portent le film à tous les niveaux.