Il s'agit d'un film qui bénéficie d'une très bonne réputation, récompensé par un Lion d'or au Festival de Venise en son temps, et donc je l'ai regardé avant tout par curiosité. Mon sentiment est en fait assez mitigé. Le script est très bon et bien écrit, puis montrer le code du samouraï perpétué à travers les âges, je n'ai jamais vu ça au cinéma. Mais pendant à peu près 1h20, le contenu et la forme du film ne changent guère. Durant toute la période du Moyen-Age, nous avons droit au même cycle infernal, sans grande variation en terme de contenu, de forme, ou de rythme : le Seigneur ordonne, son serviteur obéit par loyauté, sans avoir le droit de faire autrement. Cet ordre n'est pas toujours direct, mais provient parfois de la subjectivité de l'obligé, ce qui constitue à mon sens l'unique intérêt de la première partie du film : dans l'obligation, se distinguent le donneur d'ordre et l'obligé, mais la valeur qui fait le lien, la loyauté, est ce qui donne un sens à tout ça, le véritable esclavage (dès le premier sacrifice, le doute est posé : est-ce que le suicide rituel est réalisé par loyauté ou par altruisme ?). Les réactions du serviteur sont ainsi sensiblement différentes, orientées vers deux directions strictement opposées, obéissant en harmonie ou pas avec lui-même. Bien souvent les ordres sont cruels, injustes (surtout en relation avec la sexualité, même l'homosexualité forcée y passe !), et la palme revient à la troisième génération, celle qui précède 1850 (annonçant un grand changement de régime politique avec la fin de l'ère des samouraïs), où les drames s'enchaînent : la jeune fille du samouraï appelée à être femme du Seigneur, sa femme menacée d'être abusée et qui se suicide, le samouraï envoyé en prison car bien sûr son Seigneur est furieux de la situation. Une petite perle en termes de mélodrame bien surligné comme il faut, avec des violons en guise de musique d'accompagnement. La scène qui clôt cette période est d'ailleurs la seule à être vraiment marquante dans cette partie du film, lorsque le samouraï, pour prouver son allégeance, accepte de tuer deux soit-disant traîtres les yeux bandés, et qu'il s'aperçoit qu'il s'agit de deux proches : on atteint ici bien sûr le paroxysme de l'obéissance aveugle.
Malheureusement, avant cette scène-pivot, bien que la réalisation ne soit pas mauvaise, et que l'histoire se suit avec beaucoup de facilité (deux acteurs jouent d'ailleurs tous les descendants, permettant ainsi de s'y retrouver, mais aussi pour insister sûrement sur la fatalité qui pèsent sur les personnages), il faut s'accrocher pour tenir jusqu'au bout. La dénonciation du système féodal est une bonne chose en soi, mais elle a été traitée de manière bien plus intéressante dans des films de la même époque (
13 tueurs, et surtout
Harakiri, pour ne citer qu'eux). En effet, la mise en scène est plate (presque toujours les mêmes intérieurs, un rythme souvent au plus bas, la tension dramatique des situations peu mise en valeur : peut-être est-ce pour figurer la fatalité et l'absence de changement, ce qui me paraît quand même léger.), le travail du cadre n'est pas transcendant (j'ai vu mieux par exemple avec Eeicho Kudo, réalisateur du premier film cité), je n'ai pas éprouvé d'empathie pour les personnages jouant de plus de la même manière entre les différentes générations (il faut quand même signaler que culturellement, l'absence de sentiments dont ils font preuve est caractéristique de toute cette époque, mais les acteurs manquent tout simplement de charisme), et enfin, je n'ai pas eu l'impression de changer de période historique. Ce point est un gros problème, car j'aurais aimé, à défaut de mieux représenter le cycle infernal à travers les générations (bien qu'on montre bien que le sentiment de loyauté est aussi une affaire de transmission : je parle ici en termes de mise en scène qui n'exprime pas suffisamment ce mouvement de fatalité inter-générationnel), qu'il y ait une mise en évidence des rapports entre l'environnement culturel et les comportements.
Cependant, à partir de la fameuse scène-pivot, sûrement la meilleure séquence du film qui résume à elle seule ce dernier, la suite est plus intéressante, car enfin, la différence de contexte apporte un changement majeur. Les personnages deviennent aussi plus attachants. Nous arrivons donc dans les années 1850, et l'allégeance change non pas de nature, mais de maître, l'Empereur. Malgré tout, le nouveau descendant de la famille préserve les traditions bien qu'il n'y soit pas obligé, et mieux encore : il le fait par affection. Mais lorsque son maître lui demandera de nouveau l'insupportable, la loyauté prendra le dessus sur les sentiments, comme avant. La génération suivante est malheureusement à peine traitée (la seconde guerre mondiale avec les kamikazes) bien qu'assez intéressante (l'ambiguïté entre le sacrifice demandé et l'attention personnelle allouée à chacun), et enfin nous arrivons à la période contemporaine où les enjeux changent de nouveau, en fonction de l'environnement social : l'ambition, l'ascension sociale, l'individualisme, face à l'amour et aux sentiments. Dommage que ce qui a précédé n'ait pas été traité de la même manière. En tous cas, cette dernière petite partie a rehaussé mon jugement vis à vis à du film.