Vous reprendrez bien une petite cuisse ?
Killer JoeJe ne sais pas ce que vaut la pièce de théâtre mais je mettrais ma main au feu que Friedkin a un peu trop forcé la dose côté violence. Comme à son habitude, le réalisateur frôle le carton rouge auprès de la censure. Mais bien que ses films dérangent la morale proprette d’autres œuvres indépendantes, Friedkin ne courbe jamais l’échine et passe en force, accouchant d’une œuvre aussi bien choquante que perturbante. Brassant son thème préférée (l’Amérique pour tout vous dire), il continue de pointer du doigt la bêtise crasse de tout un chacun et l’individualisme qui s’empare de nous lorsqu’on est dans la merde jusqu’au cou.
Emile Hirsh joue un bouseux hors pair, sans jamais caricaturer l’image du Texan.
Car ce qui revient dans toute sa filmographie, c’est cet amour immodéré pour les personnages de parias, déglingués et désespérés, qui se retrouvent dans des sables mouvants d’immoralité et d’emmerdes. Et se débattre ne fait que les enfoncer davantage et créer des dommages collatéraux qui vont entraîner d’autres personnes. Un cercle vicieux qui ne peut être stoppé que d’une seule façon: la rédemption ou la mort. En bon pessimiste, il faut au réalisateur un brin d’humour afin de faire passer la pilule. Car le film est tellement amoral que le spectateur, s’il ne reçoit pas des électrochocs par le biais de l’humour, ne peut qu’adhérer au réalisme de l’ensemble et être choqué de ce qu’il voit avant de comprendre, grâce au générique, qu’il ne s’agissait que d’une fiction.
Killer Joe a beau être cliché par son accoutrement, ça ne l’empêche pas d’être terrifiant à souhait !
Alors que certains cherchent à s’en sortir par des moyens détournés et illégaux, d’autres cherchent à croire qu’ils peuvent vivre une vie simple et stable. Le simple fait que Joe accepte une caution (et de ce fait modifie ses habitudes) montre un état d’esprit fertile au changement. Ce qui est appuyé par l’intégralité de la scène finale (mais surtout la réplique) qui, aussi théâtrale et burlesque soit-elle, n’en reste pas moins d’une violence inouïe ! Comme si Joe cherchait, par cette explosion de violence, à se défaire de ses chaînes et de son aura maléfique afin d’atteindre une sérénité qu’il n’a jamais connu.
Le point névralgique du film est sans contexte Dottie et tout ce que son personnage représente.
Malgré tout, Killer Joe n’atteint pas la force de persuasion d’un Cruising ou d’un French Connection. Mais même s’il n’est pas encore l’ombre de lui même (comparé à de nombreux autres réalisateurs de sa génération), William Friedkin s’abaisse à une violence trop outrancière pour être honnête. Et le scénario, beaucoup moins étoffé que ses précédents, ne lui permet jamais de nous livrer une lecture intéressante de l’Amérique profonde et de ses décalages. Mais ne t’inquiète pas Will, tu reste l’un des survivants d’un 7ème art oublié dans une ère de la consommation de masse.
6,5/10