Les Implacables (The Tall Men), Raoul Walsh, 1955
Premier des trois westerns que Raoul Walsh réalisera avec Clark Gable,
Les Implacables est un film qui arrive assez tardivement dans la filmographie de Walsh puisqu'en 1955, la cinéaste a déjà plus de quarante ans de carrière derrière lui. Il y aurait beaucoup à dire sur Walsh, il fait partie des légendes d'Hollywood qui, comme John Ford, ont commencé leur carrière dans le cinéma muet et ont réussi avec succès leur transition au parlant. Réalisateur éclectique, il abordera à peu près tous les genres, parfois avec beaucoup de réussite, livrant quelques grands classiques du cinéma (
Les Fantastiques Années 20,
L'Enfer est à Lui,
La Charge Fantastique). Personnellement, je n'ai pas vu beaucoup de ses westerns, seulement
La Charge Fantastique que j'ai beaucoup aimé (mais qui ne fait pas très western, du moins dans sa première partie) et
La Rivière d'Argent qui par contre m'a ennuyé.
Les Implacables se situe entre les deux, c'est un film qui ne manque pas de qualités mais qui souffre malheureusement de gros problèmes de rythmes.
Le principal reproche que je ferais au film de Walsh, c'est qu'il se repose quasi uniquement sur la relation amoureuse entre Clark Gable et Jane Russell et sur le pseudo triangle amoureux qui se tisse avec Robert Ryan. Du coup, on se tape une première partie pas très intéressante car consacrée en grande partie à la relation Gable/Russell, avec de looooonnngues scènes de romance dans une cabane. Ça parle beaucoup, c'est traité de façon pas spécialement subtile ("moi j'ai un grand rêve et toi un petit rêve, on peut pas s'entendre"), et il faut attendre la moitié du film pour que cette interminable exposition prenne fin et qu'on rentre dans le vif du sujet. C'est dommage car cette première partie est visuellement très intéressante, avec de magnifiques plans du Montana enneigé (j'ai toujours aimé les westerns dans la neige, mention spéciale évidemment à
La Chevauchée des Bannis et
Le Grand Silence).
La deuxième partie est plus intéressante (pas difficile cela dit
) mais malheureusement toujours parasitée par ces scènes de romance sur un ton pseudo comique, mais qui se révèlent tout simplement pesantes (quand Russell chante à plusieurs reprises pour provoquer Gable, lui dire que sa région c'est de la merde, c'est juste lourd). Cette deuxième partie du film, où les personnages charrient un troupeau de 5000 têtes de bétail du Texas au Montana, n'est pas sans rappeler
Red River. Sauf que le voyage se révèle moins passionnant que dans le chef d’œuvre de Hawks, car moins riche en péripéties et moins chargé d'enjeux dramatiques. On a l'impression que Walsh s'intéresse plus à l'évolution de la romance entre Gable et Russell qu'au parcours du convoi, c'est assez flagrant dans le manque d'intensité de la confrontation entre Ryan et le frère cadet de Gable, ou encore quand ce frère cadet meurt, on s'en fiche complètement tant c'est expédié n'importe comment. Il faut dire que Walsh cadre ses personnages de très loin, même pour les scènes intimistes sa caméra se rapproche peu des persos, jamais de gros plans ou de plans américains, ce qui n'aide évidemment pas à faire transparaitre les émotions des acteurs. En revanche, son utilisation du scope est autrement plus convaincante dès qu'il s'agit de filmer les paysages, et c'est tout simplement splendide, les décors du Texas et du Montana sont magnifiés, et les nombreux plans de troupeaux, avec des milliers de bêtes à l'écran, sont carrément impressionnants. Visuellement, il y a peu de choses à reprocher, c'est vraiment du haut de gamme, la photographie est superbe et les paysages sont variés (de la neige du Montana aux déserts du Texas, en passant par des fleuves, des canyons, etc).
Côté casting, on retrouve un Clark Gable vieillissant mais toujours à l'aise dans le rôle du séducteur. Le personnage est sensé être un ancien outlaw (de la bande à Quantrill), ce qui ne se ressent pas du tout vu que Gable le campe comme n'importe quel gentil. Jane Russell je la trouve souvent irritante dans ce film, faut dire elle n'est pas aidée par son rôle et la façon dont sa romance est traitée, mais tout de même elle en rajoute un peu trop, sa posture sur l'affiche du film illustre bien l'attitude du personnage pendant tout le film, toujours à débarquer avec ses gros sabots (ou plutôt ses bottes, d'ailleurs enlever les bottes de Jane Russell c'est un peu le gimmick qui revient tout le temps dans le film) quand on pense qu'il va y avoir des choses plus intéressantes. Robert Ryan est le plus convaincant des trois, déjà j'adore cet acteur, ensuite ici même s'il n'est pas mis en valeur par le scénario, il arrive à imposer sa présence à l'écran par une interprétation nuancée, qui ne le cantonne pas au simple méchant de service mais en fait un personnage ambigu et résolument plus intéressant que le reste du groupe.
En conclusion, un western bien réalisé et visuellement superbe, mais déséquilibré par un scénario faisant trop de place à la relation amoureuse, au détriment de tout le reste. Assez décevant dans l'ensemble, mais pas mauvais pour autant.
6/10