Greystoke, la légende de Tarzan (Greystoke: The Legend of Tarzan, Lord of the Apes), Hugh Hudson, 1984
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec ce film : du réalisateur, Hugh Hudson, je n'avais vu que
Les Chariots de feu, qui m'avait passablement ennuyé ; de plus, voir Christophe Lambert à l'affiche d'un film, ça rend toujours méfiant. Et bien j'ai été agréablement surpris,
Greystoke est un très beau film qui traite admirablement la question de l'identité et la confrontation entre deux mondes.
De Tarzan, je ne connais pratiquement que les lieux-communs (son cri, Cheetta, le "moi Tarzan, toi Jane") et le DA de Disney, mais je n'ai ni lu le roman d'Edgar Rice Burroughs, ni vu les films des années '30 (par contre j'ai le coffret métal Warner depuis un moment, ça m'a donné envie de les voir!). Donc je ne sais pas où se situe le film de Hudson par rapport à ces œuvres antérieures, mais apparemment il s'attache à être plus fidèle au livre que les films précédents. Le film est divisé en deux parties bien distinctes : la première concerne la naissance de Tarzan (à noter qu'on ne l'appelle jamais comme ça dans le film, et bien que le titre mentionne pourtant ce nom. Mais comme c'est plus simple, je le nommerai ainsi dans ma critique) dans la jungle et relate sa vie auprès des singes jusqu'à sa rencontre avec un explorateur belge (Ian Holm) qui lui fera découvrir qui il est ; tandis que la seconde partie aborde le retour de Tarzan au château de sa famille, où il devra apprendre à s'adapter à la civilisation.
La première partie ne comporte -fort logiquement- que très peu de dialogues et se rapproche du documentaire animalier dans son approche : on suit différentes étapes de la jeunesse de Tarzan, découvrant comment il apprends à survivre dans un environnement hostile et comment il arrivera à se faire accepter et respecter auprès des singes. Ces derniers sont campés par des acteurs déguisés, ce qui malheureusement se voit très fort, en dépit de la qualité des costumes et des maquillages, mais bon il aurait été impossible d'opter pour de vrais singes, et c'est toujours mieux que les merdes en CGI d'aujourd'hui. La mise en scène de Hudson est classique, mais dans le bon sens du terme : dès le début, on retrouve le souffle des grandes production d'antan, d'ailleurs signe qui ne trompe pas, le film commence par une "Ouverture", comme les films épiques de David Lean. La photographie de John Alcott (chef-op' de Kubrick notamment sur
Barry Lyndon et
Shining) est splendide et capte bien l'atmosphère de la jungle, tout en nous livrant de temps à autres de superbes plans des paysages d'Afrique. Plusieurs acteurs campent Tarzan dans cette partie du film, tous excepté Lambert sont totalement nus pour plus de crédibilité, on comprend que la bienséance n'aurait pas permis de montrer un homme adulte à poil dans un film grand public mais du coup on peut se demander comment le personnage a eu la présence d'esprit de porter un slip en peau de bête une fois adulte.
La deuxième partie est très différente de la première, lorgnant plutôt vers le drame et le film historique. Tarzan doit à présent s'adapter aux exigences du monde humain, et qui plus est assumer son statut de noble, ce qui ne sera pas une mince affaire pour quelqu'un qui a toujours vécu comme un animal. Le film réussit à montrer cette ambiguïté du personnage (il répond aux questions des nobles et assiste à des cours de latin, tout en continuant par moment à sautiller comme un singe en poussant de petits cris) sans sombrer dans le ridicule, et il faut bien admettre que le mérite en revient en grande partie à Christophe Lambert. Aussi surprenant que ça puisse paraitre, Totof livre ici une prestation remarquable, parvenant à merveille à restituer le côté sauvage, animal, de son personnage tout en le rendant vraiment attachant. Les mauvaises langues diront que ce n'est pas tellement difficile dans un rôle où il a si peu de dialogues, mais personnellement je trouve au contraire que ce genre de rôle est particulièrement difficile à appréhender, ce qui rend sa performance vraiment impressionnante. Face à lui, on retrouve un Ian Holm toujours irréprochable, par contre j'ai eu le malheur de regarder le film en VF, et on lui a collé un accent bruxellois à couper au couteau, ce qui est plus risible qu'autre chose. Dans le rôle de Jane, la toute jeune Andie McDowell est ravissante mais a peu le temps de s'exprimer à l'écran. Enfin, Ralph Richardson incarne le grand-père de Tarzan, un personnage très touchant par l'authentique amour qu'il affiche pour son petit-fils, en dépit de son statut hybride mi-homme, mi-animal. Un excellent film.
8/10