Je suis un peu décontenancé par cet ultime volet de la trilogie du Sabreur Manchot car il est assez rare de voir un réalisateur pondre un remake de l'un de ses propres films si peu de temps après la sortie du film original (moins de 4 ans en l’occurrence). En l'état, la Rage du Tigre reprend pratiquement tout ce qui constituait la réussite d'Un Seul Bras les Tua Tous, à commencer par son scénario simple mais bien développé et des personnages forts, emprunts de philosophie qui prônent des valeurs telles que le respect, le sens de l'honneur et surtout l'amitié (thématique renforcée par rapport aux deux premiers films).
Le rythme effréné du Bras de la Vengeance n'est qu'un lointain souvenir et Chang Cheh prend de nouveau son temps pour traiter les moments de doute qui habitent le personnage principal, Lei Li, qui s'est amputé volontairement suite à un combat perdu contre le Chevalier Long (le retour de Ku Feng, de sa barbiche et de son rire inimitable). Vivant dans la honte et en proie aux moqueries, il est devenu un simple serveur dans une auberge. Incité par la fille du forgeron du coin (dont il est sûrement amoureux même si ça n'est jamais clairement prouvé) à reprendre les armes, au moins pour assurer sa défense, il refuse systématiquement.
C'est finalement la rencontre avec un combattant itinérant, Feng, qui connait ses faits d'armes passés et l'agression de l'élue de son coeur qui vont changer sa destinée et lui faire de nouveau dégainer un sabre. Pendant une heure, et malgré quelques combats sympathiques entre divers sous-fifres, la Rage du tigre, tout comme le film originel, est très posé et plutôt avare en action (hormis le premier quart d'heure et sa scène d'amputation toujours aussi surprenante). Lei Li entretient son kung fu en jonglant avec des oeufs, des bols et surprend son petit monde dans sa façon de nettoyer une table (excellent) plutôt qu'en maniant le sabre.
Il faudra attendre la dernière partie du film pour voir tour à tour les deux amis aller en découdre du côté du Manoir du Tigre dans une débauche de violence qui atteint dans cet opus son point culminant. La scène finale sur le pont offre son quota faramineux de morts sanglantes et une séquence particulièrement traumatisante attend Feng au vu de tout ce que nous a proposé la trilogie jusque là . La rage du Tigre reprend l'essence des premiers volets pour proposer en quelque sorte un film somme qui se suffit à lui-même pour qui veut découvrir les pièces maîtresses de la Shaw Brothers.
Les joutes à l'arme blanche sont incontestablement les plus rythmées de la trilogie mais peut être pas les plus inspirées (je garde un meilleur souvenir des armes originales des 8 Rois dans le Bras de la Vengeance). La réalisation de Chang Cheh est toujours aussi appréciable même s'il use bien plus des ralentis, et pas toujours de manière inspirée (je ne compte même plus le nombre de scènes avec des mecs qui se roulent par terre pendant des secondes qui paraissent des minutes).
Sur un film de 90 minutes, ça fait un peu tâche et fait un peu office de remplissage. La relation ultra fraternelle entre Lei Li et Feng vire limite gay au vu de la façon dont ils se promènent bras dessus, bras dessous, oubliant au passage leur copine fraîchement agressée, qui est obligée de leur rappeler sa présence.
En conclusion, une équation très simple : la belle histoire d'Un Seul Bras les Tua Tous + les combats du Bras de la Vengeance = La rage du tigre, très bon opus Shaw Brothers, qui propose les scènes les plus marquantes de la Trilogie mais pêche malheureusement sur quelques détails, certes anodins, mais qui gâchent un peu le plaisir.
7.5/10
Au passage, j'ai revu un peu à la hausse mes notes sur les deux premiers films.