Il était une fois en chine
10/10Aie, aie, aie, 10 ans que je ne l'avais pas revu et c'est toujours autant ce qui se fait de mieux dans le genre très balisé des arts martiaux. Le film de Tsui hark est un petit miracle cinématographique mêlant l'excellence des combats, la folie des chorégraphies à un contexte historique très fort.
Pourtant, ce n’était pas gagné puisque le film démarre sur tout ce que je peux détester avec des prémices plus que poussés de la comédie cantonaise. Ca surjoue à mort, c’est niais et la fraicheur de l’humour chinois a plutôt tendance à me foutre en rogne. Mais Tsui Hark délaisse rapidement cet aspect pour se concentrer sur la richesse historique de son propos. On suit donc Wong Fei Hung dans sa difficulté à se frotter au modernisme et à l’américanisation de la Chine. Là où Hark se démarque du classicisme des arts martiaux c’est dans sa faculté à soigner autant le cadre et les protagonistes que les séquences purement martiales. Les enjeux politiques sont exposés de façon limpide tout en maintenant un niveau très élevé de bastonnades. Ainsi au milieu de ce propos incroyablement dense, le réalisateur dégaine des scènes de combat dévastatrices tout en maintenant une certaine classe, propre au flegme de Wong Fei Hung. La caméra virevolte, toujours idéalement placée, magnifiant les chorégraphies du maitre Woo Ping. Finalement, les combats ne sont pas si nombreux mais l’originalité déployée finit d’achever un spectateur mis à genoux par tant de virtuosité.
Ce qui est également appréciable, c’est le lent glissement du film vers une dramaturgie très appuyée. Cela correspond à la vraie cassure du film où l’on passe du statut de film historique à un pur affrontement entre deux maitres dans la tradition des meilleurs Shaw Brothers. La transition est intelligemment amenée et l’on retrouve les vrais codes du film d’arts martiaux. Tout en maintenant la tension historique, Hark se plait à orchestrer un duel westernien (on ne compte plus les plans nocturnes de la ville emprunté au western) entre les deux maitres. Ce contexte donne lieu à deux combats esthétiquement merveilleux. Le premier, sous la pluie, rappelle l’ambiance des westerns Léonien tout en magnifiant des prestations martiales de très haute volée (le coup du bâton putain !). Le second rendez-vous entre les deux nous offre le fameux duel des échelles ou la somme des talents explose à l’écran. Hark orchestre un long combat (sur plusieurs axes) jamais vu ou se mêle le sang, le fantastique, le dramatique et la violence primaire tranchant nettement avec la fraicheur tant redoutée du début. Passé un bon gros quart d’heure de pur plaisir martial, Tsui Hark rend hommage au maitre déchu en lui offrant un final poignant, touchant ou sa mort est magnifiée malgré l’horreur du moment. Et ce plan résume à lui tout seul la qualité de ce premier volet. Quelque soit les desseins des autres et des autres, aucun ne laisse ne laisse indifférent et c’est aussi là le tour de force de Hark presque tout autant que le travail de Woo Ping. J’adore le fait qu’en 120 minutes Hark délivre ce qui se fait de mieux en combats tout en relatant de façon limpide une période sensible de la Chine sans jamais négliger ses nombreux personnages.
Premier volet d’une longue série, Il était une fois en chine marque immédiatement, au fer rouge, le genre et le cinéma des arts martiaux ne sera plus jamais le même. Jet Li, Yuen Woo Ping et bien sur Tsui Hark sont les grands artisans de ce succès renvoyant à l’âge de pierre tout ce qui a pu exister auparavant. Je suis extrême mais comment ne pas l’être lorsque que l’on sort évincé de ces 120 minutes de spectacle hors norme. La conclusion la plus simple en soit serait de bombarder directement le film de Tsui Hark comme maitre étalon du genre (et aussi un vrai chef d’œuvre au-delà de sa simple étiquette) à jamais imbattable à l’image de son Wong Fei Hung inoxydable.