Crying Freeman
8.5/10Emu O'Hara, une jeune peintre, se retrouve témoin d'un meurtre et sympathise avec le tueur nommé Crying Freeman qui a la particularité de verser une larme à chaque fois qu'il tue quelqu'un.
1995, je découvre au cinéma le premier long de Christophe Gans. Ce fut, dès le générique final, une véritable claque dans la gueule. A cette époque, j’étais complètement indifférent au cinéma asiatique, je n’y connaissais rien. Ma culture se limitait, tout au plus, à quelques Bruce Lee devenus, depuis, bien désuets. Ce mélange de romance naïve et de polar hyper stylisé m’avait tellement bougé que je clamais, à qui voulait l’entendre, que le Freeman était le plus grand film d’action de tous les temps. On dit beaucoup de conneries à 19 ans mais il était indéniable qu’un réalisateur à suivre venait de signer son acte de naissance.
2003, je revois le film par le biais de l’impressionnante édition DVD de Metropolitan et là je prends un pied incroyable puisqu‘entre temps, j’ai eu la très bonne idée de me frotter au cinéma de John Woo, de Tsui Hark et de tout ce qui peut cogner très fort dans la galaxie HK. Comment ne pas voir dans ce premier film un vibrant hommage au cinéma bruyant et romanesque de John Woo ? Gans a d’ailleurs eu la très bonne idée de s’offrir les services de David Wu, le monteur attitré de Woo (au passage, le mec s’est quand même fait la main sur le final de la Rage du tigre, ce qui peut poser le niveau.). Au travers du gunfight à l’entrée du palais de justice et surtout celui dans la maison de Blade, on se croirait revenu à la période béni d’Hard Boiled ou celle du Killer avec de magnifiques ralentis et une violence magnifiée comme aux plus belles heures réalisateur. Sans jamais imiter bêtement, Christophe Gans imprègne la pellicule de son culte pour Woo tout en l’alimentant de multiples autres références parfaitement assimilés. Gans est un gars qui bouffe, dors et vie cinéma, le genre de type que l’on écouterait volontiers des heures. Son cinéma est la parfaite expression de cette passion et ce premier effort en suinte par toutes les pores. Au-delà du charme Wooien de l’entreprise, on pense pèle mêle à Black Rain (l’arrivée chez Blade), au manga pur et dur (le saut du Freeman), au Samouraï (le tueur solitaire traqué, Gans ne s’en est jamais caché) et j’en passe. Je ne pourrais pas tout énumérer tant il doit y avoir des choses qui m’échappent. La richesse du film va bien au-delà de la simple étiquette « film d’arts martiaux » dont ce Crying Freeman est trop facilement et souvent affublé.
2012, je revois le dvd hier soir, 9 ans et des centaines de films ingurgités après. Le plaisir reste intact même s’il est indéniable que le temps n’a pas fait du bien au film. Certains choix artistiques sont devenus obsolètes voire ringard. Le final est toujours aussi loupé avec des explosions cheap et des répliques au raz des pâquerettes mais que dire du reste, maitrisés et soignés à l’extrême. Le flingage dans la fabrique de riz, le gunfight chez Blade et le final au sabre, Gans, non content de maitriser une multitude de codes, a une vraie science du cadre et sait clairement comment gérer un budget. Estimé à environ 5 millions de dollars, le film ne fait jamais cheap (sauf le décor final au Canda). Question acteur, le film iconise à mort un Mark Dacascos un poil dépassé par le statut du film mais se raccrochant aux wagons comme un beau diable grâce à une technique infaillible et une vraie présence sur les scènes de frappe. Sabre, couteau, pieds, poings, flingues, tout y passe. Malheureusement, il ne confirmera jamais par la suite, la faute à un empilement de DTV allant du moyen au très moisis. Le reste du cast se divise en deux catégories, d’un coté les asiatiques et pour une fois, aucun ne fait niais ou naïf et tous impose une putain de présence (les 2 Hanada et Koh). De l’autre coté, c’est plus mesuré avec une Julie Condra à l’ouest, un Tcheky un peu perdu et une Rae Dawn Chong qui a pris un putain de coup de vieux. Que le temps de Commando est loin ! Malgré les affres du temps, surtout perceptibles sur la fin, le film reste plaisant, beau et efficace délivrant de vrais perles de réalisation comme le meurtre du parrain italien ou la musique et le talent de Gans + Wu explose la rétine. C’est beau, intense et violent quoi de mieux comme cocktail pour adapter un manga en live. Encore une fois les gunfights de la fin (la maison de Riuji et dans la foret) nous rappellent, à chaque balles perdues, à chaque ralentis, la furie visuelle d’un John Woo période HK.
Premier essai d’un vrai furieux du cinéma, Crying Freeman est un authentique film d’action romantique ressuscitant à lui tout seul plusieurs pans de cinéma tout en les mixant à merveille. Christophe Gans s’était essayé au cinéma Fulcien dans son segment du Necronomicon et là il s’approprie complètement les codes du gangster romantique, ceux là même qui avait hissé John Woo au firmament avec l’excellent Syndicat du crime.