Blade 2 de Guillermo Del Toro
(2002)
Premier blockbuster hollywoodien pour le mexicain Guillermo Del Toro qui se révélait déjà très doué pour l'exercice. Revoir
Blade 2 aujourd'hui donne une impression assez surprenante, celle de voir dès 2002 le brouillon total du futur
Hellboy 2. Que ce soit dans les thématiques qui se répètent (héros mutant qui doute de lui-même et de son futur incertain), dans la mise en scène (des combats chorégraphiés de façon magistrale) ou dans d'autres détails qui sont loin d'être des coïncidences (le bad guy des deux films joués par le même acteur, les deux personnages se ressemblant très fortement sur bien des points),
Blade 2 est véritablement un changement majeur dans la filmographie de Del Toro puisqu'il annonce en quelques sortes le tournant de son cinéma à l'aube du 21ème siècle. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film envoie du lourd après déjà dix ans d'existence. Un an avant la sortie du blockbuster ultime
Matrix Reloaded, Del Toro livrait un pur produit d'action fun et décomplexé, là où un film comme
Underworld, surfant sur la même vague fantastique, se vautrera lamentablement à force de trop se prendre au sérieux. Il est étonnant aussi de voir à quel point
Blade 2 fonctionne comme un film à part entière, se détachant assez de son prédécesseur pour exister de façon autonome, ce qui permet véritablement à Del Toro de prendre quelques libertés, que ce soit sur le design de certains personnages (les ninjas vampires auraient clairement pu voir le jour dans la saga Hellboy) ou sur la mise en scène sous stéroïdes. C'est d'ailleurs là le gros point fort du film, car
Blade 2, bien que possédant un scénario aux thématiques assez intéressantes, est bien entendu un pur film de mise en scène. Exit donc le scénario prétexte qui accumule de nombreux clichés et retournements de situations grossiers,
Blade 2 ne cherche absolument pas à paraître plus intelligent qu'il ne l'est (le film est d'ailleurs loin d'être idiot, en témoigne la séquence finale très touchante qui rappellera évidemment une scène identique de
Hellboy 2) et préfère donc véritablement être un morceau de bravoure de bout en bout.
A ce niveau là donc,
Blade 2 est un film très burné comme il serait assez difficile d'en voir un aujourd'hui. Accumulant une violence graphique à des mouvements de caméra tous aussi prodigieux les uns que les autres (les plans numériques sont d'ailleurs vraiment bien foutus en plus d'être sacrément impressionnants, en témoigne le plan où la caméra suit Blade dans une chute vertigineuse pour ensuite suivre la trajectoire d'une balle d'argent), Del Toro peut se targuer d'avoir réalisé certainement l'un des films d'action les plus stylisés de la dernière décennie. Le film a en plus l'énorme mérite d'être très généreux, ne souffrant d'aucun temps mort et surtout livrant des scènes variées, du gunfight au combat de sabre en passant par un passage renvoyant au Wu Xia Pian (cette scène est un poil trop cut d'ailleurs, dommage), il y en a clairement pour tout les goûts. Le film a néanmoins ses défauts, que ce soit dans l'impersonnalité visuelle et narrative (Del Toro ne pouvant à l'époque prendre trop de libertés vis à vis du matériau original), dans la vision de certains personnages sous-utilisés (Donnie Yen a droit a une seule scène, pas plus) ou dans l'espérance d'un script un peu plus surprenant,
Blade 2 laisse un petit goût de peut mieux faire (aujourd'hui on sait enfin que
Hellboy 2 est le film que
Blade 2 aurait pu être). La bande-son du film est très anecdotique, la séquence rap avant d'entrer dans la discothèque aurait vraiment pu être évitée tant elle est totalement hors de propos. Enfin, le casting est quand même monstrueux, Wesley Snipes EST Blade, Luke Goss est clairement un acteur qui mériterait sa chance (il a quand même sur son CV deux bad-guy très profonds niveau thématiques) et la galerie de seconds rôles est excellente (Donnie Yen et Ron Perlman dans un même film ça le fait). Si
Blade 2 est loin d'être le monument d'action que certains acclament depuis des années (faut pas chercher très loin, le véritable monument est sorti un an plus tard), il est néanmoins un divertissement d'action de grande qualité, un peu trop plombé par quelques défauts récurrents, qui trouve toute sa force dans une mise en scène lisible et inspirée. Del Toro, we need Hellboy 3 !!
NOTE : 7/10