Barry Lyndon de Stanley Kubrick
(1975)
Seconde vision personnelle du film, dans me souvenirs c'était juste un très bon film et il est clair que je revois mon avis fortement à la hausse. Non seulement
Barry Lyndon est le meilleur film de Stanley Kubrick avec
2001 A Space Odyssey mais il est en plus un chef-d’œuvre total et intemporel qui se doit d'être vu par toute personne appréciant de près ou de loin le format cinématographique. Tout d'abord, il faut bien avouer que le film vieillit d'une façon admirable, jamais le spectateur n'a l'impression de se retrouver devant un film de 1975 tant
Barry Lyndon était, sur le plan technique, une avancée considérable. L'utilisation de la comparaison entre l'art picturale et l'art cinématographique n'a jamais aussi vrai que sur ce métrage, Kubrick s'inspirant directement des toiles du dix-septième siècle pour composer ses plans et donner vie à une époque révolue. De plus, le récit raconté est, comme souvent chez Kubrick, toujours d'actualité puisqu'il s'intéresse directement aux contradictions de la condition humaine, révélant à la fois ses plus beaux atouts tout en dévoilant le pathétisme récurrent des sentiments et actes humains. Ainsi, le récit conte le destin de Raymond Barry, composé d'une ascension sur plusieurs années où, de paysan vierge et sans volonté, il deviendra un homme puissant disposant de grandes richesses et de femmes à foison, ainsi que d'une descente aux enfers brutale provoquée par sa propre transformation psychologique. La grande force du film, c'est bien entendu sa construction en deux parties, l'une nous faisant apprécier cet anti-héros qui peine à convaincre, et l'autre nous le faisant détester tant il détruit peu à peu tout ce qu'il touche tout en le comprenant néanmoins dans ses actes, motivés par ce qu'il était auparavant ainsi que par sa position de jouet de la fortune. Cette première partie, qui a clairement de quoi démotiver au premier abord, se veut longue et posée puisqu'elle créera au final la puissance de la seconde. Ainsi, on suit avec curiosité les aventures du jeune homme et ce, avec un intérêt relancé sans cesse par la voix-off du film, certainement l'une des plus intelligentes jamais utilisées puisqu'elle garde toujours une longueur d'avance sur la connaissance du spectateur, dévoilant ainsi des malheurs à venir dans des séquences heureuses que l'on regrette déjà, ce qui renforce clairement la position du personnage en tant que pantin d'un destin tout tracé.
Dès l'arrivée de la seconde moitié du film, à partir du moment où Lady Lyndon (certainement l'un des personnages féminins les plus intéressants qu'il m'ait été donné de voir à l'écran)rentre en scène, le film gagne alors une puissance toute autre qui prend très souvent à contre-pied le spectateur. Les relations entre personnages qui ne se parlent presque jamais sont alors au centre du récit et
Barry Lyndon, jusque là film d'aventure, se transforme alors en drame sur l'incommunicabilité d'êtres tout aussi pitoyables les uns que les autres mais auxquels on s'attache pourtant, espérant une once d'humanité dans chacun d'entre eux lors de séquences décisives. La mise en scène de Kubrick, comme toujours, est d'une rigueur étonnante et si le gimmick du dé-zoom passant d'un gros plan à un plan d'ensemble pourra paraître à certains comme un manque d'originalité, il ne faut pas oublier que cette technique particulière s'inscrit parfaitement dans l'intention du métrage, à savoir placer l'homme au centre du récit tout en rappelant au spectateur qu'il reste un détail infime du monde qui ne contrôle pas une once de son destin. Comme dit précédemment, le film est d'une puissance visuelle sans égale pour l'époque, les plans nocturnes éclairés à la bougie sont du plus bel effet et les séquences en extérieur, magnifiés par les sublimes recompositions de chefs-d’œuvre de la musique classique (la Sarabande de Haendel ou encore le trio pour piano et cordes de Schubert), prouvent à quel point Kubrick n'avait pas son pareil pour livrer des métrages toujours plus travaillés sur le fond ou la forme. Ryan O'Neal trouve là le rôle de sa vie et s'impose comme un excellent acteur, permettant par son mutisme apparent de donner une grande profondeur à son personnage, idem pour Marisa Berenson qui incarne certainement le personnage le plus intéressant du film. Si
Barry Lyndon n'est pas forcément mon Kubrick favori, il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas se rendre compte à quel point le film mérite sans aucun doute son statut de chef-d’œuvre indétrônable, en avance sur son temps et procurant encore aujourd'hui un effet dévastateur.
"It was in the reign of King George III that the aforesaid personages lived and quarreled ; good or bad, handsome or ugly, rich or poor, they are all equal now."
NOTE : 9/10