The Grey (Le Territoire des Loups) de Joe Carnahan
(2012)
Quand Joe Carnahan revient sur les écrans après un décevant A-Team pour un projet nettement plus personnel, on retrouve avec plaisir le réalisateur de l'excellent Narc, un réalisateur qui non seulement ose tenter des approches différentes dans des genres codifiés mais qui, en plus, y arrive de fort belle manière. On se retrouve donc ici devant un survival d'apparence tout ce qu'il y a de plus basique avec des protagonistes démunis devant un adversaire de taille (ici la nature, ni plus ni moins), mais là où Carnahan aurait pu se contenter d'offrir un spectacle à son public, il ose livrer le survival le plus profond en terme de thématiques. Ainsi, via une introduction magnifique, Carnahan pose d'emblée la vision nihiliste de son métrage, l'histoire d'un homme qui, après avoir tout perdu, n'attend que son dernier combat avant de pouvoir en finir en paix. Même si les personnages qui l'accompagnent sont très importants à leur manière, le point central du film reste clairement le personnage de Liam Neeson qui vit là à la fois le deuxième plus grand combat de sa vie (le premier étant montré furtivement par quelques flash-back) mais qui se remet aussi totalement en question, que ce soit sur sa vision de la condition humaine, de l'homme par rapport à la nature, de l'homme par rapport à la foi et tout simplement sur le but même de sa propre existence.
Ainsi, The Grey serait en quelque sorte le premier survival aux accents de psychothérapie, comme le démontre la construction scénaristique du métrage qui dévoile des traumas se rejoignant dans un final cathartique. Niveau mise en scène, le film rejoint clairement le style cinéma-vérité de Narc, avec une volonté d'approcher la caméra au plus près des protagonistes, et si la réalisation possède quelques défauts avec des attaques de loups incompréhensibles visuellement (un choix compréhensible mais qui ne fonctionne pas vraiment), on se surprend à trouver des séquences d'une puissance étonnante, en témoigne deux séquences de morts émouvantes, un crash d'avion terriblement prenant, une scène de noyade glauque et surtout un final d'une cruauté et d'une beauté sans pareil. Portant le film entier sur ses épaules, Liam Neeson trouve ici l'un de ses plus beaux rôles, aux accents presque autobiographiques (un détail pas anodin à mon sens, surtout lorsque l'on voit que Carnahan, ami de Neeson, a participé à l'écriture du scénario), et qui surtout lui permet de dévoiler une palette d'acteur qu'il ne dévoile que trop rarement, prouvant par ailleurs qu'il reste l'un des meilleurs acteurs de sa génération.
Enfin quelques mots sur la bande-son de Marc Streitenfeld (compositeur attitré de Ridley Scott depuis quelques années) en tout point magistrale, d'une simplicité pourtant toute bête mais qui arrive non seulement à donner au film une ambiance de solitude de tout les instants mais qui lui offre lors de la séquence finale un morceau d'une beauté qui rappellera à beaucoup la composition de John Murphy pour Sunshine. Sans être le survival ultime, The Grey s'impose parmi les plus belles réussites du genre et prouve encore une fois à quel point on peut compter sur Joe Carnahan pour nous offrir du cinéma comme on aimerait en voir plus souvent. Vivement son prochain projet.
EDIT 3ème vision : plus je le vois plus je l'aime. 3 ans après sa sortie, je considère le film comme un quasi chef-d’œuvre.
NOTE : 8,5/10