Le 13ème guerrier |
Réalisé par John McTiernan Avec Antonio Banderas, Omar Sharif, Vladimir Kulich, Dennis Storhoi, Tony Curran, Daniel Southern, Neil Maffin, John DeSantis
Thriller épique, USA, 1h42- 1999 |
10/10 |
Résumé : Contraint à l'exil par le calife de Bagdad, pour avoir séduit la femme d'un autre, Ahmed Ibn Fahdlan est envoyé comme ambassadeur en Asie mineure. A la suite, d’une prophétie qui le désigne comme le "13ème Guerrier", il se joint à un groupe de Vikings qui se sont réunis pour porter secours au seigneur Rothgar, dont le village est régulièrement attaqué par une horde de démons….
Je ne sais pas ce qu’aurait vraiment du être le 13ème Guerrier sans la querelle entre les producteurs et le réalisateur et peu m’importe, car dans sa version actuelle, ce film est un thriller médiéval nimbé d’un zest de fantastique absolument passionnant. Il nous plonge au cœur d’un Moyen-Âge empli de barbarie, de légendes et de superstitions, mais aussi de voyages et de rencontres mutuellement enrichissantes entre les peuples.
Il nous propose une incursion fascinante dans la culture et les rites vikings sans le sempiternel cliché sur les pillages. Ainsi, dès l’introduction, les vikings sont présentés comme des guerriers-marchands qui commercent avec l’Asie. Le rituel des funérailles du chef de clan auquel assiste le spectateur est notamment raconté dans « Voyage chez les Bulgares de la Volga » par Ibn Fadlân. La fabuleuse et mémorable scène du dragon de feu qui serpente dans la brume est une allégorie du Serpent-Monde, Jörmungand. La tribu cannibale des Wendols est en quelque sorte une réinterprétation du culte primitif de la fertilité voué à une déesse mère venue de la préhistoire associé à la légende du monstre Grendel qui dévorait chaque nuit les guerriers de Hrothgar, roi du Danemark. La prophétie du 13ème guerrier rappelle que la divination par les runes était au cœur des croyances vikings et que le nombre 13 était un symbole de chance dans la tradition nordique. En somme, un travail méticuleux de recherches historiques sur les costumes, les croyances, les coutumes et les moeurs vikings qui confère indéniablement au film, une identité culturelle. Le 13ème guerrier est parsemé de références subtiles qui nous immergent complètement dans la mythologie et la culture des peuples nordiques.
Mais bien au-delà de ce voyage à travers l’apprentissage d’une culture,
John McTiernan nous convie à découvrir un thriller épique et violent esthétiquement sublime, à l’atmosphère hypnotique et envoutante magnifiée par les décors sauvages de contrées étranges et brumeuses. Le choix audacieux d’une photographie naturelle à base de torches et de bougies, pour les décors nocturnes et intérieurs confère à l’œuvre une subtile aura fantastique qui contribue à instaurer un climax oppressant et à distiller inexorablement un sentiment de claustrophobie (scène dans les grottes). Cette photographie tant décriée par certains est indubitablement pour moi, un atout majeur, aussi bien dans sa manière de sublimer des plans virevoltants au dessus d’immenses paysages forestiers qui enivrent le spectateur, que de retranscrire le lyrisme et le souffle épique d’affrontements emplis de fureur et de violence.
Le 13ème guerrier est assurément une épopée grandiose et brutale. Palpable la tension qui submerge chaque homme lors du premier combat contre un assaillant mi-homme, mi-ours qui surgit et s’évanouit dans l’obscurité. Inoubliable, cet assaut féroce et sanguinaire où la rage de la survie se ressent dans chaque coup porté et qui débute sur la vision sublime d’un serpent de feu qui progresse au cœur de volutes de brouillard et s’achève sur un prince de l’Orient mué en
berserk.
Fascinante et étouffante cette plongée au cœur des boyaux de la Terre, dans l’antre des mangeurs de morts et de leur Mère. Saisissant et émouvant, ce poème scandinave récité d’une seule voix par ces frères d’armes, à l’aube d’un dernier assaut décisif et profondément intense. Impressionnant, ce géant du Nord qui trône impassiblement le regard fixé vers ses ancêtres.
A la virtuosité de la mise en scène répond la perfection d’un casting charismatique, des premiers rôles au dernier des figurants. Certainement l’un des plus beaux rôles d’Antonio Banderas que celui d’Ahmed Ibn Fahdlan, ce prince raffiné qui par la force du destin emprunte la voie du guerrier et se révèle un homme plein de bravoure et de courage. J’aime énormément ce passage ou simplement par l’observation et la perception des sons et des intonations, il apprend chaque soir le norrois (langue des vikings). Une ellipse narrative tout en subtilité qui illustre toute sa sagacité et ses compétences d’ambassadeur. Car le 13ème guerrier est aussi l’histoire d’une rencontre entre des hommes de deux mondes et deux cultures que tout semble opposer mais qui gagnent en connaissance et en sagesse de ce bout de chemin parcouru ensemble. J’aime beaucoup cet échange à propos de l’écriture entre Ahmed et Buliwyf, témoin d’une manière différente de concevoir son usage. Pour le prince de l’Orient, elle est l’instrument par excellence du savoir et de la connaissance, pour le chef viking, elle est le support qui permettra à ses exploits de traverser le temps et de rester dans la mémoire collective. Vladimir Kulich, Tony Curran, Dennis Storhoi et Daniel Southern sont prodigieux dans leurs rôles respectifs. Ils incarnent avec intensité, sobriété et justesse ces vikings, tout à la fois proches et éloignés de l’image d’Epinal forgée par le christianisme. Guerriers redoutables mais pas pillards assoiffés de sang ; impulsifs mais pas sans tactique et réflexion, braves mais pas sans peur… Chacun des 12 guerriers est présenté rapidement et même si l’intrigue s’attarde plus précisément sur quelque uns d’entre eux, tous ont leur identité propre et réussissent à exister à l’écran. Quant à l’actrice qui incarne la Mère des Wendols, Clare Lapinskie, elle n’apparaît que quelques instants mais irradie l’écran de l’intensité de son regard, expression même de la puissance sauvage des forces chtoniennes.
Elles sont rares les adaptations cinématographiques que je préfère au roman dont elles sont issues, Le 13ème guerrier de McTiernan réussit cet exploit. Le roman de Michael Crichton était un documentaire passionnant, le film est une œuvre captivante, immersive et viscérale.
Laissez-vous subjuguer par la beauté glaciale des immensités nordiques dénuées de soleil. Laissez-vous hypnotiser par la composition de Jerry Goldsmith parcourue de l’esprit de l’aventure. Laissez-vous emporter par la fureur des affrontements et vivez pleinement l’épopée de ces 13 guerriers dont les exploits résonnent jusqu’aux portes du Valhalla.