Croix de Fer Sam Peckinpah - 1977
Steiner... is a myth. Men like him are our last hope... and in that sense, he is a truly dangerous man.
Quand tu t'es tapé un film de Kechiche faut vite revenir au valeur sure et pour ça y a pas mieux que Peckinpah.
Ici c'est son dernier chef d'oeuvre, à l'époque il sortait du très moyen (en étant gentil)
Tueur d'Elite et qui du fait de ses problèmes de drogues et d'alcool était devenu un paria à Hollywood, alors quand il annonce qu'il veut faire un film de guerre sur le front Russe sans aucun personnage américain il ne trouve tout simplement aucun financement, il est donc obligé d'aller en Europe et il tournera en Yougoslavie, un tournage qui sera encore plus difficile que d'habitude vu les penchants auto destructeur de Peckinpah, ce sera d'ailleurs son dernier film, les 2 suivants vaut mieux faire comme si ils existaient pas.
Le film se trouve doublement original car faire un film sur le front Russe ( et ici c'est la fuite suite à la défaite de Stalingrad ) c'est déjà pas fréquent ( les exemples se bouscule pas on a
Requiem pour un Massacre et
Stalingrad ) mais quand en plus le film prend le point de vue Allemand c'est presque du jamais vu ( à part Walkyrie, le dernier film de Sturges et
La Chute et encore sur tout les films que j'ai cité 2 seulement sont réalisé par des Americains ), pour que son film se fasse Peckinpah a quand même pris des acteurs US ( et anglais ) et tant qu'a faire il a pas pris n'importe qui, du coup ça parle anglais mais au moins on a pas d'accent à la con.
Le générique d'ouverture pose l'ambiance du film, une chanson avec des choeurs enfantin chantant des paroles guerrières nous montre les jeunesses hitlérienne avec des photos d'archive puis une explosion annonce le "Directed By Sam Peckinpah", d'emblée on est dans le ton du film, Peckinpah a toujours aimé montrer les enfants face à la guerre et c'est ici qu'il ira le plus loin non seulement en montrant des corps d'enfants mais aussi en en tuant un plein champs.
Peckinpah livre une oeuvre guerrière complétement antimilitariste ( et oue ce tocard de Mendes a rien compris ) et le film rappelle énormément le
Attaque de Aldrich ( dont il reprend ici la caméra à l'épaule, gimmick qui avait un peu disparu de ce genre de film ) mais autre époque oblige le ton ici est bien plus sombre et nihiliste, d'ailleurs c'est clairement le film le plus nihiliste de Peckinpah et pourtant il avait posé la barre haute avec
Alfredo Garcia.
En plus d'être antimilitariste ce film c'est aussi la lutte des classes ( et le traitement des rapports sociaux est plutôt réussit ) et le combat de 2 hommes ( thématique récurrente du cinéaste ) avec un soldat ( Coburn ) pour qui ses hommes est sa seule raison de vivre ( et qui même profondément humaniste ) et un officier aristocrate ( qui n'est pas SS, détail important ce qui rend le film pas si manichéen que ça, ici on ne se bat pas pour des idées nazis mais on se bat pour la Werhmacht ce qui est complétement différent ) pour qui avoir la Croix de Fer est le seul but mais pas de chance c'est un officier pour qui la guerre est complétement inconnu et qui va vite se rendre compte que le front Russe c'est pas Biarritz et du coup il sera prêt à tout les coups bas pour avoir sa médaille même si pour cela elle doit être tâchée du sang de ses hommes, la parabole sur l'absurdité de la guerre n'est certes pas subtile elle n'en reste pas moins pertinente, ici il n'y a pas de héros, tout le monde est de la chaire à canon.
Le climax finale est une idée de génie, ça commence comme un western puis ça prend une drôle de direction avec un film qui se clôt sur le rire de Coburn, fin assez osée je trouve ( mais complétement raccord avec le personnage de Coburn ).
Parmi l'autre originalité du film c'est l'absence de peur, rarement film de guerre réaliste n'aura proposé une telle vision, ici le thème n'est jamais abordé pour la simple et bonne raison que tout le monde est ici déjà mort ( et même les morts meurent plusieurs fois ainsi on voit pleins de corps se faire rouler dessus ou bien exploser suite à un obus comme si la mort ne suffisait Peckinpah en rajoute une couche en "violant" leurs cadavres ), chaque personnage est un mort en suspend, et Steiner le dit clairement a quoi bon survivre après cette guerre avec tout ce qu'on a fait et puis il ne se fait aucune illusion sur l'issue du conflit, pour lui la guerre est perdue et tout ce qu'il fait avec son unité c'est de la survie et il a un gout évident pour l'autodestruction.
Visuellement bein c'est du Peckinpah donc c'est travaillé avec notamment une photo qui donne un ton encore plus poisseux au film et où on a vraiment l'impression que la mort est là bien présente, d'ailleurs je trouve que c'est le Peckinpah le plus beau au niveau de la photo ( c'est dire le niveau ), faut voir comment certaines couleurs ressortent ( le vert en particulier ) c'est vraiment beau, et Peckinpah a fait le bon choix en n'optant pas pour un scope, il n'iconise pas la guerre et ce choix s'avère judicieux pour tout les plans dans les bunker où on ressent vraiment l'enfermement et la puanteur ambiante ( un des hommes ne se lave même plus ).
Et puis on a bien entendu le ralenti, l'art du ralenti de Peckinpah poussé ici à son paroxysme, et je trouve que c'est ce film qui fait le plus penser à du John Woo via quelques petits plans ou idées qu'il n'y avait pas forcément dans les autres Peckinpah, je pense notamment ici a un des premiers plans du film qui voit Coburn jeté son chargeur au ralenti, ça c'est typique du ciné de Woo
Le film est bourré de séquences marquantes : la mort du gamin, le passage avec les femmes russes, les face à face Steiner/Stransky, Coburn pour sa seule scène face à l'immense James Mason, l'attaque des chars, l'intro, le passage à l'hopital ( à la fois glauque et onirique et où Peckinpah se lâche vraiment avec un montage surprenant où tout se mélange ), enfin quasiment tout le film est marquant ^^
Les scènes de guerre chaotique sont une grosse réussite, comme à son habitude depuis la Horde Sauvage, Peckinpah utilise son style si spécial et ici le chaos est bien retranscrit, le champ/contre champ du tireur/tué est ici banni, ici on a des plans qui se succèdent dans un ordre bordélique ( on peut suivre jusqu'à 5 points de vue différent en l'espace de 10 secondes ) et il utilise très bien la caméra portée ( une première pour lui sauf erreur ), y a réellement 2 seule scène d'action lisible dans le film, la première qui est une séquence d'infiltration que Peckinpah film en plan large et long pour qu'on apprécie bien la chose et la mort de l'escouade de Steiner tuée par les balles amis, mais ensuite c'est la guerre, la vraie, celle où ça bombarde, celle où ça tire dans le tas et où le but premier est de sauver sa peau et une nouvelle fois Peckinpah prouve que mieux que personne il rentabilise chaque centimes de son budget tant les scènes sont ici réellement impressionnante.
James Coburn restera toujours un de mes acteurs favoris, le genre de mec qu'on ne voit plus, je le trouve jamais mauvais donc forcément ici je le trouve génial mais il réussit l'exploit d'être encore meilleur ici que dans
Pat Garrett où pourtant il bouffait l'écran, ici il est génial en soldat bouffé par la guerre, qui avance sans but, il est un homme complètement désabusé qui n'a plus de patrie, il se bat pour le lien de fraternité qui le relie à ses hommes ( c'est ça qui le pousse à partir de sa retraite dorée et une nouvelle fois la camaraderie est très bien retranscrit, c'est vraiment un thème que Peckinpah maitrise ), son visage émacié marqué par le temps, son regard hiératique, sa démarche presque féline tout ça n'a jamais été aussi bien mis en valeur que dans ce film ( bon par contre c'est vrai qu'il a pas trop une tronche d'allemand mais c'est pas grave ) et il arrive bien à retranscrite la dualité de son personnage avec attraction/répulsion de la guerre ( et là on peut faire le parallèle avec Peckinpah vis à vis de la violence ), Maximilian Schell lui fait carrément plus allemand et il est très bon dans son rôle d'officier prêt à tout, il a la prestance qu'il faut pour nous faire croire au coté aristocrate du personnage et le coté peureux et pas débrouillard ( incapable de charger une arme ) du personnage est bien campé. James Mason ( acteur de génie, toujours utile de le rappeler ) en colonel fatigué par la guerre est très bon et lui aussi est un produit de la Wermatch et non pas un nazi ( d'ailleurs le seul nazi du film aura un sort peu enviable ), David Warner en officier Allemand c'est clairement pas réaliste mais bon il fait le boulot, le reste du casting est composé d'acteur européen ( pour essayer d'amener un cachet plus réaliste au film ).
Pour finir un petit sur le parallèle entre Milius et Peckinpah, alors si clairement Bloody Sam est une influence, leurs films ne véhiculent pas les mêmes idées, pour Milius la guerre et les armes c'est vivre, pour Peckinpah c'est juste la mort.
Croix de Fer c'est quoi ? bein le meilleur film de guerre de l'histoire, tout simplement et Peckinpah c'est qui ? bein le plus grand réalisateur ricain de l'histoire. Après si on veut on peut essayer de trouver des qualités au dernier film de Nolan, mais on appelle juste ça des gouts de merde.
Bullets. Mortar fire, artillery, heavy salvos, bad luck, terminal syphilis, the usual things, Captain.
10/10