par Scalp » Lun 30 Avr 2012, 20:39
8.5/10
Clockers de Spike Lee - 1995
"You even glance in the direction of that little kid Tyrone, and I'm a fuck you up so bad you're gonna wish I had killed you."
Définitivement dans mon top 3 Spike Lee avec la 25ème Heure et Summer of Sam, un film à l'origine prévu pour Scorsese mais prit par Casino il se contentera de le produire et par là même Spike Lee réalisera son premier film de genre et prouvera que quand il fait du cinéma au lieu de pleurer sur le sort de sa communauté il peut être un très très bon réal. Bon bien entendu il ne délaisse pas pour autant le social et ici il en profite pour à la manière d'un The Wire de dresser un état des lieux des victimes du trafique de drogue dans les cités et le message est clairement moralisateur (le coté The Wire est logique car à l'origine c'est un bouquin d'un des scénaristes de The Wire : Richard Price).
Si j'étais un connard, je dirais que c'est le premier vrai bon film de Spike Lee, mais vu que je suis un gros troll je vais dire que ça fait du bien de le voir délaisser les films chiants pour un vrai bon film et de genre, car Spike Lee a toujours voulu se prendre pour le sauveur du ghetto mais le fait est que son truc c'est le film de genre et la suite de sa carrière le prouvera.
Mais bon Clockers ça reste avant tout un vrai polar avec ces flics ( Keitel et Turturro ) qui enquêtent sur le meurtre d'un dealer, un homme est arrêté mais Keitel ne croit pas en sa culpabilité, c'est le bon black bien intégré qui a 2 job, son frère dealer est le coupable idéal, et il ne lâchera pas le morceau.
L'enquête sert de fil rouge ( de plus on ne connait pas l'identité du coupable, le meurtre étant traité en ellipse, ce n'est pas qu'un choix scénaristique c'est aussi un choix de ne pas rendre la violence spectaculaire) et Lee va un peu jouer avec nous, la révélation finale se révélant pour le moins surprenante.
Ce qui intéresse Lee avant tout c'est le portrait de son personnage principal et comment la criminalité est devenu le quotidien de tout ces jeunes. On suit donc un clockers ( dealer ) qui malgré un coté antipathique se révèlera assez attachant, et on suit sa petite vie dans sa cité et son trafic de drogue, bon c'est pas encore le niveau de réalisme de The Wire mais ça ne fait pas toc pour autant et les dialogues 100% bitumes sont bien sympa, en fait on peut dire que ça sert de banc d'essai à Price qui bossera donc plus tard sur The Wire. Et petit bonus perso ça parle de rap, ça c'est du rajout par rapport à au roman de Price (amha toussa), un Price dont la carrière est quand même bizarre car à coté de la Couleur de l'argent et ce Clockers il a bossé quasiment que sur des mauvais films (et pour avoir lu ses livres, c'est pas ouf).
On dit toujours pour que le film soit bon il faut que le méchant soit réussi, bon ici ça va plus loin qu'un perso de méchant mais Delroy Lindo (qui a des airs de LeBron James) campe un bon gros badmotherfucker qu'il faut pas faire chier.
"Huh? You think I'm one of these crew-niggas sitting on the project"
J'aime beaucoup aussi la sorte de filiation qui va se faire entre Phifer et le gamin, et c'est ce qui rend rapidement le perso intéressant à suivre, un perso tiraillé entre 2 pères de substitution : Le flic et le dealer, ce personnage est assez unique même, il a des trucs assez originaux pour ce genre de perso : son ulcère à l'estomac (pour quelqu'un de son âge) et sa passion pour les trains, ce qui le rend plus vulnérable qu'un perso comme Bodie dans The Wire avec qui on peut l'associer.
On pourrait reprocher le coté rédemption et bon sentiment de la fin mais c'est bien amené ( ça sort pas de nul part quoi ) et puis la fin est même un peu surprenante pour le genre : le gros bad guy s'en tire, et le coté cyclique de cette fin est très sympa, par contre Spike Lee n'hésite pas a y aller à fond et le traitement peut paraître un peu lourd ( le générique de début et le passage où les flics "s'amusent" avec le cadavre ). Car bon ça reste un film où un gosse va se retrouver à tuer de sang froid un mec. Et personne ne gagne à la fin, il n'y a que des perdants.
La mise en scène c'est du pur Spike Lee avec notamment ses travellings gimmick qu'on retrouve dans tout ses films. Par moment le film prend vraiment des allures de démonstration de talent avec Spike Lee qui s'amuse avec les figures de style ( les éclairages lors des interrogatoire sont vraiment beaux et l'interrogatoire du gamin est un grand moment de cinéma inventif ), on sent que le fait d'être produit par Scorsese lui donne des ailes et il en fait des tonnes mais bon visuellement le film a de la gueule et la mise en scène frôle la virtuosité ( un peu gratuite quand même ) et Brooklyn a rarement été aussi bien filmé. L'intro est d'ailleurs super classe, chaque perso du film est introduit via un ralenti puant le savoir faire.
Le casting du film est vraiment bon, Harvey Keitel joue à merveille ce flic dur à cuir qui se révèlera être un bon mec malgré tout ( et c'est à cause de lui si il arrive pleins de merde par la suite ) une nouvelle fois il a plusieurs scènes de pur acting où il fait éclater tout son talent, Mekhi Phifer prouve qu'avant de perdre son temps dans Urgence il était un acteur prometteur, Delroy Lindo en chef de gang en impose, on sent bien qu'il faut pas le faire chier ( et son bras droit fait encore plus peur ), John Turturro a un rôle secondaire mais ça l'empêche pas d'avoir sa verve habituelle, Isaiah Washington lui aussi avant de perdre son temps dans une série à la con était un acteur prometteur, et on a même ce bon vieux Keith David dans un rôle de flic de quartier qui hésite pas à rentrer dans le lard des dealers, un chouette perso, dans les autres têtes connues on a la tête vicelarde de Stinky Vingaz, Michael Imperioli et Freddo Starr (si tu connais pas tant pis pour toi).
Quelque soit la qualité des films de Spike Lee, y a un truc qu'on peut définitivement pas lui enlever c'est les choix musicaux, ici entre Seal, Des'Ree, Chaka Khan et du bon vieux rap old school (l'utilisation de Return of the Crooklyn Dogers est une tuerie, la prod de Primo dans un tel film c'est ultime) on est gâté et une fois de plus à la BO on retrouve Blanchard qui signe une composition très douce et agréable.
Du très bon Spike Lee, et un film qui reste à ce jour un des meilleurs polars urbain des 90's, quand Spike Lee se prend pour Scorsese, c'est cool, bon le film n'atteint pas le niveau des films des frères Hughes mais c'est bien meilleur que Boyz in the hood, même si c'est pas tout à fait le même sujet, revoir les polars de 90's c'est se dire que le genre est vraiment quasi mort aujourd'hui (enfin au cinéma).
"Who the fuck is Rosa Parks?"
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