La plus belle période du cinéma américain restera à jamais le fameux "âge d’or", période de laquelle naitront des chefs d’œuvres intemporels tel que
Laura,
Le Port de l’Angoisse ou encore
La Dame de Shanghaï. Cette ère mythique fût possible grâce notamment à des films comme Casablanca. Produit rapidement par la Warner en 1942, il fût l’un des premiers films de propagande tourné par les Etats-Unis, pourtant totalement neutres par volonté du président Roosevelt de rester en dehors événements extérieurs. Mais l’attaque de Pearl Harbour fait changer d’avis les autorités américaines, et le film de propagande devient rapidement une arme à l’image de ce que produisent les autres pays engagés dans ce conflit (Russie, Japon, Allemagne principalement). Si ce genre verra naitre des films totalement rocambolesques et oubliables, certains resteront dans les annales, dont ce Casablanca. Un budget minime, un tournage rapide, un scénario finit sur le plateau et adapté d’une pièce de théâtre réputée comme médiocre, de quoi rester perplexe. Et pourtant…
![Image](http://img41.imageshack.us/img41/6344/journalnn.jpg)
A Casablanca, pendant la Seconde Guerre mondiale, le night-club le plus couru de la ville est tenu par Rick Blaine, un Américain en exil. Mais l'établissement sert également de refuge à ceux qui voudraient se procurer les papiers nécessaires pour quitter le pays. Lorsque Rick voit débarquer un soir le dissident politique Victor Laszlo et son épouse Ilsa, quelle n'est pas sa surprise de retrouver dans ces circonstances le grand amour de sa vie...Première réussite, l’introduction. Cette mappemonde géante présentant les pays durant la 2nde Guerre Mondiale et cette entrée en vue panoramique dans les rues de Casablanca dans lesquelles deux personnes se font assassiner sous le regard d’une affiche Pétain fait son effet. Cependant, le reste du film ne sera pas de l’acabit de cette scène digne d’un grand film d’aventure. Car le reste ne sera pas action, mais émotion, pour un résultat tout aussi saisissant, avec en vedette un couple phare de l’époque.
![Image](http://img163.imageshack.us/img163/1448/fuite.jpg)
Deuxième réussite donc, avec ce duo Ingrid Bergman / Humphrey Bogart, et du casting en général. Ils forment avec le talent qui leur est connu un couple que la guerre a rapproché avant de les éloigner, puis de se retrouver à nouveau dans cette ville, toujours sous fond de conflit mondial. Ingrid Bergman toujours aussi magnifique incarne une Ilsa Lund avec la splendeur qui a fait sa réputation. Humphrey Bogart trouve en Rick Baine un des ses rôles les plus mythiques dont l’égocentrisme et le cynisme le caractérisent. Entre ces deux Stars vient se glisser Victor Laszlo, interprété très justement par Paul Henreid, le symbole de la bonne Cause, l’homme juste et sa mission, qui vaut à lui seul tout les sacrifices, même celui ultime de l’amour. Un triangle amoureux auquel il est difficile de ne pas s’identifier, notamment par le fait qu’a aucun moment on ne peut être certain de son aboutissement. Les acteurs non plus ne savaient pas dans quelle direction il allait, car Curtiz leur délivrait le scénario au jour le jour.
A ce trio il convient d’ajouter quelques rôles secondaires d’importance. Je pense notamment à Sam (Dooley Wilson), le fameux pianiste qui jalonne la route de Rick et Ilsa de Paris à Casablanca. Ou encore le Capitaine Renault (Claude Rains), chef de la police d’un opportunisme sans nom.
Troisième réussite, la symbiose parfaite de trois éléments : mise en scène, photo et musique.
La mise en scène classique mais élégante de Curtiz colle parfaitement au récit. Ici, pas d’esbroufe, seule l’intro nous en met plein la vue. Le talent de Curtiz fait le reste : une réalisation précise, au service du film, sans artifice. Cette mise en scène, a priori plutôt simple, sert avant tout à magnifier la photo de Arthur Edeson. Ce N&B est remarquable en tout point de vue, rarement on aura vu un film aussi travaillé sur l’atmosphère et les éclairages, nous offrant des plans somptueux. Une majorité du film se passe en intérieur, au Rick’s Café Americain, et certaines séquences nocturnes y sont saisissantes de beauté. La musique de Max Steiner est dans la parfaite lignée de cet élément, en agrémentant l’œuvre de partitions venant de divers horizons. Un musique en particulier reste en tête, le fameux As Time Goes By, reprise plusieurs fois par Sam et Ilsa, d’où cette réplique devenue culte : "
Play It, Sam". Le film est d’ailleurs parsemé de répliques mémorables, fruit du travail consciencieux des frères Epstein.
Deux scènes en particulier illustrent bien cette harmonie entre ces éléments :
- La scène du quai de la gare à Paris, durant laquelle Rick lit une lettre d’Ilsa dont les mots s’effacent avec la pluie. Ou quand la photo et la musique magnifient encore plus un moment d’émotion pure.
- Ou encore la scène des hymnes, lorsque les clients du café reprennent en cœur "La Marseillaise" pour étouffer les nazis chantant "Die Wacht Am Rhein". Ou quand la musique donne de la puissance à une scène déjà forte.
Casablanca, c’est ca : une somme d’éléments qui font de ce film engagé un classique hollywoodien, qui traverse les âges sans prendre une ride. Un retour dans les années 40 comme on aimerait en voir plus souvent.