Un réalisateur jeune et inconnu, un genre propice à la résurrection devenu culte par ses derniers aficionados et un casting plutôt surprenant font de Blackthorn une grosse surprise avant tout visuelle (la photographie proche du style de Roger Deakins et surtout très similaire à True Grit des frères Coen tout en exploitant des paysages très différents) plutôt que dramaturgique. En effet, il est difficile d'accrocher à l'histoire et ses personnages puisque le cinéaste jongles avec quelques flashbacks assez mal imbriqués dans le scénario : Butch et sa troupe sont survolés lors de quelques retours en arrière transparents pas forcément efficaces ni pertinents malgré une volonté de dresser des portraits légendaires de l'Ouest dont la base même du scénario voudrait débarrasser les clichés des hors la loi à la tronche cramée venus simplement braquer des banques et des trains.
En cela , Blackthorn nage un peu à contre-courant en s'aidant d'un style proche du cinéma d'auteur : le film est lent, académique, profond et le concept se rapproche fortement d'Unforgiven de Clint Eastwood dont l'écriture était bien plus littéraire et soutenue que le film de Mateo Gil.La caractérisation des protagonistes est réussie mais les enjeux sont vraiment moyens voir presque absent. Son long-métrage possède tout d'un grand western pourtant : l'environnement superbement exploité, la composition des plans fabuleuse, les couleurs éclatantes, le bleu du ciel qui se découpé sur le sable d'un blanc immaculé du Salar de Uyuni, les crépuscules bleus profonds etc...Picturalement, c'est du haut niveau et on sent clairement l’influence qu'à peu avoir True Grit sur Blackthorn (notamment certains de cavaliers au loin et de profil sous une nuit onirique et pure) tout comme on perçoit la volonté de "caser" l’image du western spaghetti poussiéreux, moite et granuleuse en l'aseptisant totalement par une image très nette et en exploitant les paysages avec une précision photographique envoutante. Techniquement c'est donc mémorable pour la beauté de l'image mais ça reste du western "pépére".
Sam Shepard demeure impérial même si passer après Clint dans le costume du vieux bandit repentit c'est pas facile mais l'acteur s'en sort assez bien. Le reste du casting est deux crans en arrière , trop peu développés et utilisés mais Stephen Rea possède tout de même un bon perosnnage qu'il campe honnêtement. Peut-être même son meilleur rôle. Eduardo Noriega toujours impeccable mais c'est vraiment dommage de ne pas le voir plus car le bonhomme est clairement talentueux (le rôle de sa vie est surement passé avec l’Échine du Diable) puis pour le reste, les trois acolytes du temps jadis, c'est tellement minable de les voir parler sérieusement tandis que qu'on ne les voient concrètement même pas 10 minutes en tout... du temps perdu pour pas grand-chose : déjà que le film prend énormément son temps alors ces flackbacks desservent le film plutôt qu'ils ne l'enrichissent.
Tout aurait pu rester purement nostalgie et non-dits ou histoires racontées au coin du feu mais non : le choix fut de mettre en scène ces moments peu marquant. On comprend qui est qui, qui fait quoi et pourquoi et le mythe "Butch Cassidy" perd énormément de background mais le reste est assez poignant, lent mais pas chiant, contemplatif mais pas poétique , on surf entre la fin de Seraphim Falls pour la meilleure su scène du film dans le désert blanc, Impitoyable (pour le concept de la vieille légende hors-la-loi sur le déclin et retraité et la musique) et Jesse James/True Grit (pour la photo Deakins's style). Le fond reste commun pour du western crépusculaire mais c'est plus gentillet que le reste, plus posé, enivrant mais jamais vraiment passionnant.
La fin tombe comme un cheveux sur la soupe malgré le revirement de situation: les valeurs des anciens n'ont plus lieue d’exister, les nouveaux bandits volent même les pauvres et les travailleurs, les poursuivants ne sont donc pas des hors-la-loi sans foi ni loi, Rea qui voulait arrêter Butch se retrouve à désirer la paix dans le même pays que son ennemi juré à qui il laisse la vie par manque de motivation et d’énergie qui vont le trahir et le conduire à la mort pour avoir aider "Blackthorn" pendant que celui-ci fouille sa mémoire avec nostalgie : l'ensemble demeure mal équilibré et surement un peu trop "doux". Un régal pour les yeux au fond malheureusement présent mais trop distant certainement justifié par le temps qui passe, la vieillesse du personnage, sa solitude d'exilé, sa fausse mort qui transforme sa vie en non-existence qui lui échappe peu à peu etc...mais le manque d'émotions ne laisse pas le film perdre sa force directrice dont le propos est prétexte à réaliser un western atypique qui,sans révolutionner le genre, le nourrit indéniablement par sa véritable personnalité qui ne s'encombre pas de clins d’œils, hommages ou copiés-collés bidons et faciles pour dégager sa propre aura. A la place des vachers nous avons les mineurs, à la place des bandits nous avons les mineurs, à la place du héros nous avons un ex-hors la loi qui a le mal du pays et le personnage faible devient le plus immoral tandis que le justicier démotivé pardonne à son ennemi et le laisse aller en en payant le prix à sa place...