Issu de l’univers du clip avec, entre autres, des collaborations avec
Nine Inch Nails,
Lenny Kravitz ou encore
Madonna,
Mark Romanek en est à son deuxième coup d’essai après le déjà réussi
Photo obsession. Grand ami de
David Fincher, c’est en toute logique qu’on le retrouve à faire du cinéma. Et cette fois-ci, il revient avec un film d’anticipation adapté d’un roman de
Kazuo Ishiguro avec l’aide d’
Alex Garland (le scénariste attitré de
Danny Boyle).
Never let me go suit le destin de 3 enfants qui ont grandis dans un orphelinat et qui vont s’apercevoir progressivement qu’ils ont été conçus dans un but bien précis. Malgré une vie dont ils n’ont pas la maîtrise, ils vont tenter de se construire comme ils peuvent : amour, amitié, avenir, tout sera lié à leur destin de donneurs …
Le réalisateur opte pour une narration en flashs-back en se servant de la voix off de son personnage principal Kathy. Grâce à cela, il met tout de suite en place les relations entre les 3 enfants de façon à créer une empathie chez le spectateur. De plus, ce cadre d’un orphelinat isolé crée tout de suite un microcosme qui rappelle un peu le film
Cracks de
Jordan Scott.
Niveau structure, le film se compose en 3 parties qui permettent de mieux cerner l’évolution des personnages :
>>> Hailsham - 1978 - le temps de l’innocence où ces enfants rêvent d’un avenir radieux. Les adultes leur cachent la vérité et seule l’une de leur institutrice aura le courage de leur révéler leur destin.
>>> Les cottages - 1985 - le temps de la prise de conscience où ces adolescents vont devoir faire des choix plus ou moins égoïstes pour trouver un sens à leur vie.
>>> Completion - 1994 - le temps de la remise en question et des regrets où, face à leur destin irrémédiable, ces jeunes adultes s’efforcent à garder un peu d’espoir.
Ce qui est particulièrement réussi, c’est que le réalisateur plonge son histoire dans le présent en la rendant parfaitement crédible. Par cet effet, il happe le spectateur qui a l’impression que ces évènements pourraient réellement exister. Et le problème éthique lié à l’évolution de la science devient le sujet de réflexion central. Ici, on est loin de l’univers proche de la science-fiction d’un
The island ou d’un
Repo men. Par son réalisme saisissant, on ne peut être que touché par le sujet.
Mais au-delà de cette réflexion sur l’éthique, le film se veut poétique et laisse une place suffisante à ce triangle amoureux. Loin du mélodrame larmoyant, le film traite de l’amour, de l’amitié et du destin avec une grande justesse et cette histoire d’amour, bien que pressée par le temps, n’est pas si différente de celles qu’on voit habituellement. Il est intéressant de voir l’évolution de chacun des personnages en fonction de caractère : Kathy est plutôt lucide et opte pour un sacrifice moral alors que Ruth et Tommy ont tendance à être plus rêveurs et ils le paieront par un sacrifice physique.
Côté interprétation,
Carey Mulligan est tout simplement parfaite dans le rôle principal. Après avoir été révélée dans
Une éducation, elle confirme tout son potentiel ici et elle envahit l’écran de son aura.
Andrew Garfield s’en sort bien aussi en jeune homme introverti aux excès de rage. En revanche, j’émettrai quelques doutes sur
Keira Knightley que j’aime de moins en moins tant elle manque de variance dans son jeu. Néanmoins, elle a le physique idéal pour jouer la jeune femme malade dont la vie semble avoir déjà quitté son corps. Quant aux 3 gamins qui jouent les personnages jeunes, on le les voit pas beaucoup mais ils assurent leur part du travail.
Je finirai cette critique sur l’aspect esthétique du film.
Mark Romanek arrive à créer ici une vraie ambiance grâce une photographie très soignée d’
Adam Kimmel (je ne suis d’ailleurs pas étonné de voir que c’est également lui qui a fait celle du dernier court-métrage de
Spike Jonze :
I’m here). Niveau mise en scène, il reste sobre et soigne ses cadres pour un rendu fort réussi. Enfin, j’ai bien accroché à la musique de
Rachel Portman qui sait souligner les passages dramatiques avec justesse.
Au final,
Mark Romanek nous livre un bien joli drame qui arrive à trouver un juste équilibre entre le questionnement éthique sur la science et le traitement plus spirituel sur l’amour et la vie en général. Après seulement 2 films, le réalisateur prouve qu’il faudra compter sur lui dans les années à venir.