100 dollars pour un shérif |
Réalisé par Henry Hathaway Avec John Wayne, Kim Darby, Glen Campbell, Robert Duvall Western, USA, 2h08- 1969 |
5/10 |
True Grit |
Réalisé par Ethan et Joel Coen Avec Jeff Bridges, Hailee Steinfeld, Matt Damon, Josh Brolin Western, USA, 1h50- 2010 |
9,5/10 |
Résumé : Mattie Ross, 14 ans, réclame justice pour la mort de son père, abattu de sang-froid par le lâche Tom Chaney. Ce dernier s'est enfui en territoire indien avec une bande de hors-la-loi menée par Lucky Ned Pepper. Puisque la justice ne semble pas s'en préoccuper, Mattie engage Rooster Cogburn, un U.S. Marshal alcoolique, réputé pour avoir la gâchette facile. Mais Chaney est déjà recherché par LaBoeuf, un Texas Ranger qui veut le capturer contre une belle récompense…
Deux films à l’ambiance radicalement différente pourtant inspirés du même roman de Charles Potis.
Introduction
100 dollars pour un shérif est un western familial qui commence par une chanson country gnangnan à souhait. Sérieusement, pendant quelques minutes j’ai cru que j’étais dans un épisode de "La petite maison dans la prairie". Henry Hathaway choisit de débuter son films dans la ferme familiale par une scène entre Mattie et son père, dans laquelle on comprend, qu’elle gère les affaires d’un père quelque peu lunaire. Le réalisateur insiste également sur la lâcheté du meurtre, puisque Tom Chaney tire sur un homme sans arme. Cette introduction à pour objectif de montrer l’affection entre le père et la fille et surtout de justifier auprès du public, le désir de justice et de vengeance de Mattie. Le spectateur qui a été témoin de la scène du meurtre, sait à quel point la quête de Mattie est juste, tant Chaney apparaît comme un être vil et pleutre.
True Grit est une plongée dans l’Ouest américain qui oscille entre classicisme et modernisme. Dans la forme, les frères Coen réalisent un western plutôt traditionnel, mais sur le fond, ils nous livrent un western atypique et bourré de leur humour si particulier qui sied finalement très bien au vieil Ouest. Pas de préambule, Juste la voix off de Mattie qui nous raconte la mort injuste de son père et sa quête pour obtenir que son meurtrier soit puni. On comprend immédiatement que l’histoire sera racontée du point de vue de la jeune fille dont le caractère bien trempé transparait dès ce monologue d’introduction. Le spectateur ne peut s’appuyer que sur l’opinion de Mattie, pour savoir si sa quête de vengeance est justifiée, puisqu’il n’ pas été témoin de la scène du meurtre.
Thématique
Les deux films adoptent un rythme assez lent pour bien mettre en place l’histoire et les personnages et restent fidèles au roman reprenant toutes les scènes clés : pendaison, procès, vente des chevaux, passage de la rivière, poursuite en territoire indien…jusqu’à la conclusion, seul véritable point de divergence entre les deux films. Cependant Henry Hathaway et les frères Coen filment cette histoire de vengeance atypique d’une toute jeune fille, de manière très différente.
Si Mattie est le fil conducteur du film d’Hathaway, son véritable personnage central, c’est Rooster Cogburn : « the man of True Grit ». John Wayne est l’homme qui a du cran et un vrai courage. Hathaway veut en partie encrer son film dans cet âge d’or du western, où la loi l’emporte, tout en montrant un héros fatigué, hargneux et alcoolique. Malheureusement, si l’histoire de vengeance pouvait paraître atypique, il ne réussit à livrer qu’un film plein de bons sentiments. Certes, sa Mattie à un caractère de cochon et elle est pleine de détermination, mais elle a aussi le cœur sur la main et son Marshal Cogburn est beaucoup trop « paternaliste » malgré son côté rustre. Du coup, cette impression édulcore totalement le thème de la vengeance.
Par ailleurs, la réalisation est un peu trop plan-plan et je me suis parfois ennuyée. Ce n’est pas la musique sans originalité de Elmer Bernstein qui relèvera le niveau tant on a l’impression de l’avoir entendu mille fois dans d’autres westerns.
Reste une scène vraiment excellente et certainement emprunte d’un certain réalisme, celle de la pendaison peinte comme une sortie familiale autour d’un pique nique où les enfants jouent à la balançoire et les parents chantent un chant religieux avant de se délecter du spectacle de la mort.
On retiendra également le superbe technicolor au ton sépia, qui donne des couleurs flamboyantes et chatoyantes aux paysages automnaux.
Dans True Grit, Mattie est l’héroïne, le personnage central, celle qui a vraiment du cran et du courage pour se lancer dans une telle aventure. Le film des frères Coen est bercé d’une certaine mélancolie souligné par la beauté des paysages hivernaux du territoire indien et la sublime musique de Carter Burwell. Une histoire de vengeance au ton amer, finalement très proche des westerns crépusculaires qui alterne dialogues savoureux, cynisme et humour grinçant.
Malgré un rythme lancinant, On ne s’ennuie pas un seul instant et le film paraît même trop court, tant les personnages sont passionnants.
Interprétation
Dans 100 dollars pour un shérif, seule Kim Darby se montre à la hauteur. Elle interprète une Matty convaincante avec sa coupe à la garçonne, déterminée, entêtée, téméraire, plutôt pingre, très posée, intelligente mais aussi parfois très émouvante, lorsqu’elle pleure la mort de son père.
John Wayne interprète le marshal Rooster Cogburn et fait du John Wayne typique. Le problème avec cet immense acteur de westerns, c’est qu’il en a tant interprété, qu’on a l’impression de le voir toujours dans le même rôle. J’ai toujours l’impression qu’il interprète le propre rôle de John Wayne et pas celui d’un personnage. Du coup, on a John Wayne à l’écran, juste un peu plus ronchon qu’à l’accoutumé et légèrement imbibé avec un bandeau sur l’œil. On lui colle une gamine qu’il doit trimbaler pendant tout le film et comme il ne comprend pas pourquoi elle joue son rôle de manière très sérieuse et adulte (dixit le documentaire de l’édition Blu Ray), il adopte le ton de la figure protectrice et paternelle. Cette chevauchée de Cogburn , le mors entre les dents, droit comme un I sur son cheval, sa manque cruellement d’intensité et de punch. Un aspect est cependant réussi dans l’interprétation de John Wayne qui joue Cogburn sur le mode humoristique. Il a probablement très bien compris, qu’Hathaway voulait que le marshal ressemble à une satire de John Wayne, la légende de l’Ouest.
LaBoeuf interprété par Glen Campbell, censé être un Texas rangers redoutable, ressemble plutôt au gendre idéal affublé d’un brushing risible. Un personnage qu’on ne peut prendre au sérieux, tant tout sonne faux dans l’interprétation de Campbell il n’y a que sur la fin qu’il devient crédible. Une sorte de sideckick légèrement comique bien que ce soit involontaire.
On notera la présence de Robert Duvall qui apporte son charisme au rôle de Ned Pepper et le débutant Dennis Hopper dans le rôle de Moon.
Le casting parfait de True Grit enfonce complètement la version de 1969. Hailee Steinfeld irradie l’écran. Du haut de ses 13 ans, elle s’impose dans le rôle de Mattie, à la fois touchante, agaçante, audacieuse et menant tout ces rustres à la baguette. Ses nattes à la « Laura Ingalls » sont trompeuses, elles lui donnent un air de petite fille sage, alors qu’elle est une jeune fille quasiment tyrannique. Probablement un petit clin d’œil volontaire et humoristique des réalisateurs. Jeff Bridges est magistral entre humour, marmonnement, mauvaise foie, alcoolisme, panache et talent de tireur d’élite. La scène du procès, un sommet d’humour, sa chevauchée, une mémorable épopée, la course finale, un pur moment d’intensité dramatique. Il est juste dans le ton et parfait pour le rôle. Matt Damon offre une composition étonnante et géniale dans le rôle de LaBoeuf. Il campe un texan plus vrai que nature. Bien que son rôle soit moins étoffé que dans la version d’ Hathaway, chacune de ses apparitions emporte l’adhésion. Josh Brolin, quoique peu présent est comme toujours excellent.
Conclusion
Dans 100 dollars pour un shérif, la fin du roman a été modifiée, pour s’intégrer au mieux dans un western qui se veut familial.
Tout concoure à faire de 100 dollars pour un shérif, un western sympathique mais médiocre , plein d’humanisme qui s’achève sur l’icône vieillissante de l’Ouest.
True Grit propose une fin quasi identique à celle du roman.
Une fin mélancolique et amère, d’autant plus que la vengeance a un prix qui se paie lourdement pour ceux qui suivent sa voie. Mattie est une demoiselle entêtée, qui ne s’en laisse pas conter, mais qui perd une vie de bonheur pour avoir voulu sa justice et devient une vieille fille aigrie.
Le film des frères Coen est une merveille de désenchantement et d’humour.