Les chiens de paille
9.5/1040 ans après, le bijou noir et violent de Peckinpah n'a pas perdu de sa superbe et ni de son impact.
Aménageant dans le fin fond des Cornouailles, David et sa femme Amy vont se frotter à la faune locale dans un déferlement de violence aussi soudain qu'absurde.
Sam Peckinpah fait le choix d'une montée en puissance des évènements plutot mesuré. Prenant son temps dans une première partie parfaite, il met en place ses personnages (les bouseux en prennent pour leurs grades et les femmes sont présentées comme de grosses chaudasses) et prépare petit à petit son terrain de jeu. La tension est palpable à chaque instant et le montage est suffisament bien pensé pour que le moindre fait soit susceptible de mettre le feu aux poudres. Regard inquiétant, gros plans sur les visages, toutes les scènes dans le pub, tout concoure à entretenir le spectateur dans une méfiance permanente.
Le catalyseur de tout ces comportements c'est l'arrivée de David et surtout Amy (originaire du patelin et ayant déjà gouté à l'otoctone). Délaissé par un mari poltron se cachant derrière ses travaux, la femme de David s'ennuie, traine, se frite et va meme jusqu'à aguicher(?) ses futurs agresseurs. Voici donc tout le ton du film résumé. En vraie fouteur de merde qu'il était, Peckinpah souffle le chaud et le froid présentant tour à tour Susan George comme une femme négligée par son mari, abandonnée puis aussi comme une MILF like voulant chauffer le petit personnel (la séquence du topless est à ce titre on ne peut plus claire). Et cette approche très controversée sera au centre de la scène de viol tant décrié en son temps. En effet, le viol n'est pas assumé en tant que tel, meme si l'agressseur se sert de cette menace pour pouvoir arriver à ses fins. Introduit par quelques claques, la scène est plutot semblable à une relation d'adultère entre deux amants consentant.
Le trouble est bien présent et comme pour faire taire la polémique, Peck' mettra les points sur les "i" avec une conclusion ne souffrant d'aucun double discours. Le viol sera bien jeté à la figure du spectateur (magnifique séquence alternée avec le naif Hoffman laché dans sa partie de chasse).
Mai en bon roubard qu'il est, Peck' ne fait de cette séquence le point de départ de la seconde partie. Il va entretenir un peu plus le malaise puisque Hoffman ne sera jamais au courant du viol. Voilà donc l'étiquette du "Rape and revenge" classique balayée d'un revers de la main. Peckinpah est bien trop malin pour se laisser enfermer dans le vigilante pur jus. Le film va plutot se muer en une sorte de
nuit des morts des vivants (le couple enfermé dans sa baraque, les assaillants essayant d'entrer par tous les moyens).
Et le vrai déclencheur de toute cette violence sera le pauvre David Warner auteur d'un meurtre (malgré lui? là pareil on ne saura vraiment jamais). Et encore une fois sans vouloir sombrer dans la violence gratuite à la Justicier dans la ville, Peck' se démarque en se faisant le chantre de la violence absurde. Car si les habitants du village décident d'aller se faire justice eux-memes, c'est pour désouder David Warner sans etre vraiment sur qu'il est le meurtrier (ils n'ont jamais la preuve physique de la mort de leur soeur). Si Hoffman se défend et les fracasse un par par un, ce n'est jamais pour le viol de sa femme meme si cela creve les yeux lors de la derniere confrontation dans le salon. Il se mue juste en défenseur du pauvre (role qui semble lui plaire, cf le sourire final, un nouveau départ? un nouveau David?) J'adore d'ailleurs l'interprétation de Dustin Hoffman dans cette seconde partie ou il s'apparente à un vraie métronome de la self défense. Ou comment le matheux de base applique sa logique à celle de la mise à mort.
Parlons en tiens du niveau de violence! La marque de fabrique du maitre explose littéralement avec quelques ralentis bien sentis (bien moins que dans Wild Bunch summum de sa carrière), des gros plans marquant bien les impacts (le pied du vieux! yeah!) et des flots de sang. La mort est douleureuse et certaines exécutions sont frappées du sceau de l'horreur (voir meme du slasher) avec l'utilisation de nombreux instruments (le piège à loup!) que certains boogeymen n'aurait pas reniés. Comble de l'absurde, le film se boucle sur un Dustin Hoffman pas tant ébranlé que cela poussant son role de défenseur à l'extrème. Il va clairement préférer s'occuper de David Warner plutot que de réconforter une femme choquée et ébranlée par tant de violence. Le dédain de David envers Amy est permanent dans le film et j'imagine que c'est peut etre un choix volontaire de l'acteur puisque ce dernier ne pouvait pas l'encadrer et ne voulait pas jouer avec cette actrice imposée.
Toujours est il que 40 ans après, le film de Peckinpah est un sommet ou chaque scène baigne dans un atmosphère de tension quasi permanente. Il serait donc evidemment trop réducteur de cantonner le film à du "rape and revenge", ce qu'il n'est pas de toute façon. C'est juste un pamphlet sur la violence (la mort y sera sale!) et toute l'absurdité qu'elle engendre. David se révèle certes mais il perd tout, meme son humanité. Aider Henry Niles ne sera finalement pas un acte héroique mais bien le début d'une nouvelle vie. Prison? On ne saura jamais...Juste un sourire.