TAXI DRIVER - Martin Scorsese (1976)
En voilà un film qui accuse très bien le poids des années et qui ne perd rien de son propos engagé, 35 ans après sa sortie.
C’est l’histoire de Travis Bickle, un personnage atypique et solitaire, devenu chauffeur de taxi new yorkais en revenant du Vietnam. Il est l’incarnation parfaite d’une Amérique traumatisée par cette guerre, notamment à travers une voix off obsédante qui reflète en permanence ses errances psychologiques et ses états d’âmes sans compassion. Une voix off qui est le pivot de la narration, accompagnée d'une musique jazzy et lancinante.
Incarné magistralement par l’immense Robert De Niro, Bickle est un personnage hautement ambigu, un anti héros cynique à la vision du monde totalement désenchanté, un écorché vif qui n’arrive pas à retrouver sa place dans une société qu’il ne comprend plus et qui le dégoute. Il parcourt New York la nuit à bord de son taxi, et s’aliène progressivement, sombrant de plus en plus dans la folie destructrice. Après une tentative amoureuse ratée, il se prendra d’affection pour une jeune prostituée (la très jeune mais néanmoins douée Jodie Foster) et tentera par tous les moyens de l’extirper de sa condition et de l’emprise de son mac (excellent Harvey Keitel), jusqu'au meurtre.
En rencontrant cette fille, il va croire jusqu’au bout à l’idée de rédemption, lui dont la seule aspiration est de trouver une place dans la société et d’être reconnu comme un être respectable.
Une reconnaissance qu’il trouvera dans un final ambigu, où ses actes de violences seront approuvés par les médias et le peuple, alors qu’il en sortira profondément bouleversé, tant sur le plan physique que psychologique. Le plan de cet homme au regard vide mimant un suicide vous marquera longtemps après la séance.
Coté réalisation, Scorsese prouvait déjà qu’il est un des réalisateurs majeurs du cinéma contemporain, arrivant parfaitement à faire ressentir le climat qui pouvait régner dans les rues de New York pendant les années 70. Il est aussi un grand directeur d’acteurs, capable de tirer le meilleur d’une Jodie Foster débutante, et laissant improviser un De Niro impérial (le cultissime monologue « You talkin to me » n’était pas écrit). Le scénario de Paul Schrader est un modèle du genre (écrit en 5 jours), complexe et passionnant, qui reflète à merveille les traumas d'un homme perdu.
Un très grand film que tout cinéphile devrait avoir vu, et qui en plus n’a pas volé sa Palme d’Or au festival de Cannes.
Et ça, c’est suffisamment rare pour être souligné !
9/10