ALIEN de Ridley Scott
Je ne vais pas reprendre l'histoire du film, tout le monde la connait. Mais alors pourquoi Alien est un des films les plus marquants des 30 dernières années ?
Alien, c'est d'abord le design d'une créature, signé H.R Giger, génie du dessin à l'univers glauque et cauchemardesque, et dont la puissance évocatrice a été copiée de nombreuses fois, sans jamais atteindre celle de la créature d'origine (on ne compte plus les monstres qui ressemblent plus ou moins à l'Alien).
C'est aussi le film qui révéla au public le talent de réalisateur de Ridley Scott, son premier film, n'ayant pas connu un grand succés.Visuellement superbe, Alien est un film où le visuel et l'atmosphère compte beaucoup plus que les dialogues ou les personnages. La force de son scénario réside dans son minimalisme, chaque dialogue et chaque situation étant toujours essentiel au déroulement du récit.
On peut clairement divisé le film en deux parties :la mise en place de la situation, où Scott se rapproche de l'ambiance de 2001, en choisissant une mise en scène ample et contemplative, et où le montage est très calme, avec de longs plans. La seconde partie, beaucoup plus rythmée, puisque la menace est maintenant à bord du vaisseau, va changer la donne et provoquer chez le spectateur une tension continue.
Pour celà, Scott utilise plusieurs effets visuels ou sonores : le battement de coeur des protagonistes en danger, le bruit des alarmes, les lumières stroboscopiques. Le montage est aussi plus resséré, et l'ampleur du début de métrage se transforme vite en huis clos anxiogène.
Esthétiquement, Alien est le plus beau film (avec Blade Runner) de la carrière de Scott.
Alien est aussi une sorte de précurseur, pour la mise en place de codes qui seront repris dans la plupart des survivals et autres films d'horreur des années 80 et 90 : un groupe coincé dans un environnement confiné et sur lequel pèse une menace extérieure, un ennemi quasi invisible et surtout l'utilisation d'un personnage féminin comme pivot du récit, et même comme héroïne d'un film dont la cible principale est majoritairement des hommes.
Ce rôle, c'est Sigourney Weaver qui en hérite, et elle trouve en Ellen Ripley le rôle de sa vie (qu'elle endossera trois autres fois). Une femme forte, déterminée et courageuse (qui se transformera en une sorte de Valkyrie dans Aliens) qui verra tous ses collégues mourrir mais qui aura tout de même le courage d'affronter la bête. Le reste du casting est impeccable, de John Hurt à Ian Holm, en passant par Harry Dean Stanton. Chaque personnage est bien écrit, sans être trop développé ( ce que les critiques reprochèrent à Scott lors de la sortie) mais il ne faut pas oublier qu'Alien est avant tout une pure série B.
La musique, signé Jerry Goldsmith, est magistrale, et influencera beaucoup les autres compositions de films de SF. Atmosphérique, trés symphonique mais aussi terrifiante par moment, c'est l'antithèse du score de 2001, clinquant et opératique.
Les thématiques du film sont elles aussi assez surprenantes, surtout au sein d'un survival dans l'espace. Comment ne pas voir dans Alien de multiples métaphores, sexuelles ou cauchemardesques. La façon dont le Facehugger "féconde" ses victimes qu'on peut facilement rapprocher d'un viol, "l'accouchement" de Kane qui symbolise la peur de l'homme vis à vis de la grossesse et de la paternité, ou encore la forme ouvertement phallique de l'organe avec lequel tue l'Alien.
Tous ces éléments font d'Alien un classique incontournable de la SF/horreur, et plus généralement du cinéma, car il a su malgré les années conserver son efficacité, et prouve encore aujourd'hui qu'aucune copie ne vaut l'original.
Une chose que Cameron a parfaitement saisi avec Aliens, où il utilisera l'imagerie et les codes mis en place dans le premier film, tout en réinventant la mise en scène et en donnant une place plus importante à l'action, pour un résultat totalement différent mais tout aussi jouissif.
9,5/10