Silent Hill de Christophe Gans
(2006)
Autant le dire tout de suite, je n'aurais jamais pensé aimer à tel point Silent Hill. Les différents essais d'adaptation cinématographique d'une œuvre vidéoludique ont appris que l'acte est extrêmement difficile tant le ressenti d'un joueur est différent de celui d'un spectateur. Toutefois, je dois bien l'avouer aujourd'hui, Silent Hill est ni plus ni moins qu'une petite claque qui prouve enfin que le jeu vidéo et le cinéma peuvent être mélangés avec brio.
Car Christophe Gans, en tant que fan sincère du jeu et de l'univers de Silent Hill, comprend que les codes des deux genres peuvent être mêlés. Ainsi, non seulement le scénario est constitué de façon à ce que le point de vue principal soit subjectif mais, et c'est la grande réussite de Silent Hill, le long-métrage entier est ponctué de petits détails que seul un joueur du jeu vidéo pourra comprendre : la carte à apprendre par cœur, les mouvements de caméra qui dévoilent le chemin de l'héroïne au fur et a mesure tout en laissant une grande part de mystère, les indices écrits sur un mur, etc... C'est peu de choses mais c'est avec cela que Gans rend crédible son film puisqu'il le rapproche le plus possible de l'expérience vidéoludique. Bien sur, cela ne plaira pas à tout le monde, mais force est de constater que Silent Hill est l'un des rares films d'épouvante à être en phase avec son époque. On est bien loin du ratage total de la saga Resident Evil (alors que, là aussi, le potentiel était énorme) et encore plus loin des (trop) nombreux films de Uwe Boll. Prenant un peu des quatre premiers jeux (mais pas assez du second opus à mon goût, car le film aurait pu être bien plus orienté sur la psychologie des personnages et sur leurs démons), Gans donne aussi à Silent Hill une homogénéité à son script qui le rend encore plus intéressant que s'il avait bêtement transposer le scénario d'un des jeux à l'écran.
A y réfléchir, le scénario a d'ailleurs très peu de défauts majeurs. En effet, hormis celui d'instaurer en parallèle de l'histoire principale une quête secondaire suivant le mari de l'héroïne, le reste est surtout affaire de goût. On peut trouver alors le final un peu grandiloquent. Pour ma part, la totalité du film est très bien passée, ce qui est rare pour un film du genre. Pour revenir à la quête secondaire, celle-ci n'a que deux atouts pour elle : celle de nous faire voir Sean Bean, juste comme toujours, et celui de mieux amener la fin grâce à un montage parallèle intéressant. Sinon, il faut bien avouer que cette histoire secondaire sent la demande de producteur à plein nez afin d'éviter le casting presque totalement féminin (dommage car cela aurait été une autre grande force du film). Selon moi, c'est cet ajout qui empêche le film de postuler au rang de quasi chef-d'œuvre. D'autant que l'ambiance en pâtit dans certaines scènes, comme celle de l'école, où le spectateur est forcé à sortir des enfers de Silent Hill pour y rentrer à nouveau deux minutes plus tard. Dommage donc même si le film arrive à atteindre un très haut niveau d'écriture malgré ce fardeau.
Enfin, je viens au gros point fort du film, c'est à dire son ambiance. Le jeu était d'ailleurs très innovant de ce point de vue puisque l'on se retrouvait face à une solitude qui faisait ressurgir nos démons. Le point de vue subjectif permet au film de se rapprocher au maximum de cette impression que laissait le jeu (pas de sursauts ni de peurs soudaines, seulement une ambiance qui laisse présager le pire à chaque instant), le meilleur exemple étant les moments où la sirène retentit : le spectateur ressent exactement le même désarroi (ou la même panique selon les moments du film) que l'héroïne. Dire que le film est réussi en terme d'immersion serait encore trop faible, car il faut bien l'avouer, Gans nous plonge totalement dans son univers de Silent Hill. D'autant que l'ambiance sonore est, elle aussi, particulièrement réussie. La musique ne paraît jamais de trop et le travail sur les bruitages est exceptionnel. Le tout sur une mise en scène inspirée. On est clairement là devant l'un des meilleurs films US d'un français, si ce n'est le meilleur.
Et encore, je n'ai pas parlé de la direction artistique, qui est l'une des plus aboutie qu'il m'ait été donné de visionner sur un écran. Décors, effets spéciaux, tout est réussi. Le meilleur venant du bestiaire tout simplement grandiose puisque Patrick Tatopoulos (qui signe là son meilleur travail depuis Stargate) rend chaque apparition des créatures unique. La scène des infirmières est appelée à devenir un modèle du genre mais c'est surtout le monstrueux Pyramid Head qui reste en mémoire, devenant à la fois source de fascination et de terreur. Il est toutefois dommage de constater que non seulement certaines créatures sont sous-utilisées (surement pour les intégrer à une suite réalisée par Gans qui ne verra jamais le jour) mais aussi que certaines incohérences apparaissent comme le fait que Pyramid Head est normalement une représentation de la femme du héros du second jeu. Rien qui n'empêche que le film soit visible sans aucun problème mais il est clair que le film de Gans est fait pour amener quelque chose de bien plus gros grâce à d'éventuelles suites.
Très bonne surprise donc que ce Silent Hill dont je n'attendais pas grand chose. Après ça, il est clair que certains projets de Gans, comme l'adaptation d'Onimusha, a de quoi laisser rêveur puisqu'il doit être l'un des seuls réalisateurs à avoir compris comment s'approprier un univers qui ne lui appartient pas. Silent Hill est tout simplement la meilleure adaptation cinématographique d'une œuvre vidéoludique doublé d'un des meilleurs films d'horreur/épouvante de ces dernières années.
8,5/10