"Le ruban blanc" de Michael Haneke
Il est indéniable qu'avec Le ruban blanc son auteur vient de signer son œuvre la plus accomplie et la plus abouti, la plus chargée en violence, aussi, alors que, paradoxalement, son goût de la provocation frontale qui le faisait rejeter par bon nombre de spectateurs, n'est pas présent dans ce dernier opus. Ici, il est plus question de violence psychologique, verbale ou sociale. La violence physique est juste suggérée, souvent en hors champs. Haneke essaie une nouvelle fois de comprendre les mécanismes du mal et plus précisément ici la naissance du mal dans un microcosme campagnard nourri au sein du protestantisme, de rigorisme, de système de classes, d'inceste, de maltraitance et de phallocratie. D'aucuns noteront la réticence du cinéaste à parler d'origine exogène à la violence des enfants qui préfigure celle de la célébration du nazisme.
Si on aime les références, le noir et blanc, sublime, du Ruban blanc, et sa description minutieuse d'évènements se déroulant dans un petit village, juste avant 14, peuvent faire penser, l'espace d'un instant, à deux autres chefs d'oeuvre du 7ème art : Le corbeau de Clouzot et Les désarrois de l'élève Toerless de Schlöndorff. Le choix du noir et blanc accentue la noirceur et la froideur de l'histoire, Cela pour le symbolique, d'un point de vue esthétique, le noir et blanc sublime chaque plan et en fait un plaisir des yeux, un plan = une magnifique photo d'époque. Quant aux acteurs, ils sont d'une rare justesse, des aguerris aux enfants de tous âges. Dur et oppressant, Le Ruban blanc est aussi d'une formidable maîtrise et fait appel à toute l'attention du spectateur. Certains trouveront sûrement le film trop exigeant et élitiste, il est avant tout un grand moment de cinéma
La mise en scène, elle, est digne d'un Dreyer ou d'un Bergman. Mais laissons là les grands anciens, Le ruban blanc est un film unique et extraordinaire, de par ses qualités esthétiques et narratives. La tension ne fait que monter pendant 2 heures et 25 minutes, Haneke donnant à son film une densité, une intensité, bref une épaisseur à son récit qui est très rare au cinéma. Son histoire et la mise en scène qui la sert, est affûtée comme une lame, glace les sangs et est de celles qui marquent la mémoire des cinéphiles.
Une palme d'or méritée pour une œuvre majeure.
9,5/10