Ça y est, ce génie visionnaire de James Cameron a enfin lâché son dernier bébé! La campagne de promotion bien huilée ne laisse aucune chance de passer à côté de ce qui peut être considéré à raison comme l’événement ciné de l’année! Programmé depuis des années pour être la nouvelle révolution technique dont avait besoin le cinéma pour entrer dans une nouvelle ère, Avatar c’est bien cela, et plus encore… Pour l’instant le film est trop frais dans tous les esprits mais il y a bien sensation commune chez tous les spectateurs, celle d’être sorti de la salle de cinéma pendant 2h40, celle d’avoir vraiment voyagé sur Pandora!! Ainsi le « you’re not in Kansas anymore » lancé par le colonel Miles Quaritch n’est pas adressé qu’aux soldats arrivant sur cette planète mais également à nous tous avec nos grosses lunettes 3D sur le nez… car si jusque là cette technologie éternellement émergente n’était qu’un gadget ludique pas forcément utile, pas forcément agréable et largement sous-exploité, elle prend ici une toute autre ampleur. Avatar a été pensé depuis le début comme un film en 3D, elle participe à l’appréhension de l’univers. C’est simple, sans la 3D l’expérience doit être relativement fade, car le nouveau bijou de Cameron est un tout indissociable de la technique qui n’est plus un simple outil hors de notre champ de vision en tant que spectateur mais qui est bien à l’écran, et il faut sans doute même le voir en IMax pour l’aborder à 100%.
Le pire avec Avatar c’est que tout cinéphile normalement constitué, sans forcément être fan absolu du travail de Cameron (bien qu’il soit difficilement attaquable) a subi cette montée en pression depuis de nombreux mois, pression qui s’est transformée en impatience fébrile au gré des déclarations du réalisateur ou des privilégiés ayant eu la chance d’en apercevoir quelques miettes… puis ce fût le choc lors du fameux Avatar Day, 15 minutes du film présentées en 3D, 15 minutes de rêve aussi magnifiques et terriblement frustrantes mais qui balayaient d’un coup tous les doutes permis après la vision d’une bande annonce légèrement décevante. Et le film complet enfin dans les salles vient faire taire les médisants avec une aisance sidérante, Avatar est bien la révolution annoncée, une performance technique hallucinante doublée d’un récit on ne peut plus universel. On en sort avec la sensation d’avoir vécu un bouleversement dans notre vie de spectateur qui ne sera plus jamais la même.
Il ne suffit que de quelques secondes pour nous plonger dans ce qui s’apparentera plus à un long voyage qu’à un film au sens où nous avions l’habitude de le voir. La voix off nous emmène tout doucement dans cet univers inédit, on oublie déjà qu’on est dans une salle de cinéma pleine à craquer… jamais une œuvre n’aura poussé l’immersion du spectateur aussi loin, et quand nous débarquons enfin sur Pandora aux côtés de Jake Sully, on ressent la même chose que lui, on est tout simplement ébahi, à la limite de la bave aux lèvres tellement ce qui se passe à l’écran, écran qu’on ne pourra jamais quitter des yeux tellement la peur de revenir à la réalité est grande, est éblouissant. James Cameron réussit quelque chose que peu ont réussi avant lui, et pour être tout à fait honnête le seul réalisateur qui avait réussi à créer de toute pièce un univers imaginaire aussi riche, détaillé et surtout crédible c’était Georges Lucas sur Star Wars (6 films auxquels on peut s’amuser à trouver tous les défauts de la Terre c’est vrai mais grandioses et inattaquables sur ce point précis). Le travail sur la création de cette planète est hallucinant, du plus petit caillou aux arbres immenses, on y trouve un soucis du détail qui semble venir d’un esprit plus mégalomane que perfectionniste… Faune, flore, ça fourmille dans tous les sens et la 3D indissociable de cette aventure nous plonge au cœur de ce nouveau monde qu’on parcourt aux côtés des personnages. On n’en est pas encore à faire des gestes pour pousser les feuilles qui nous cachent la vue mais ce n’est plus très loin!
Mais bon, on n’est pas dans un reportage du National Geographic et Avatar n’est pas qu’une visite guidée d’un univers merveilleux. Et sur le point qui pouvait faire le plus peur au départ on est quand même vite rassurés, à savoir le scénario. Non il n’est pas niais, ni simpliste, il est d’ailleurs beaucoup moins con que celui de Titanic (oui je sais ce n’est pas difficile de faire plus complexe que Roméo et Juliette sur un bateau qui coule). Certes la révolution ne se situe pas dans le récit, qui à peu de choses près, et ce n’est plus un secret pour personne, s’apparente à une variation de Pocahontas ou Danse avec les Loups. L’avantage de ce genre d’histoire est que ça fonctionnait il y a 100 ans et que ça fonctionnera toujours dans 100 ans, et c’est ce qu’on appelle un récit tout simplement universel!
Il ne faut tout de même pas oublier que James Cameron est avant tout le roi du blockbuster, du film tous publics, c’est d’ailleurs lui qui en a fixé les règles sur quasiment chacun de ses films. Alors oui on est loin de l’ambition d’un Terminator, mais qu’importe. Car Avatar n’appartient même pas à un genre en particulier! Film d’aventure, d’action, romance, film écolo, pamphlet pacifiste, critique de notre politique contemporaine… ça ratisse tellement large qu’il est impossible de le classer dans un genre, ce serait ne pas lui rendre grâce dans tous les cas. Sur 2h40 on ne s’ennuie jamais, tour à tour assommé par des scènes d’action auxquelles on participe presque, ému par ces nuits magiques où la flore devient phosphorescente dans un ballet de couleurs beau à en pleurer, effrayé par la folie des hommes et leur cupidité… le film nous fait vivre mille tourments, nous retourne dans tous les sens pour nous laisser là en fin de projection, complètement essorés tant de matière.
Cameron trouve dans son œuvre le moyen d’y insérer ses obsessions, on retrouve des femmes très fortes (Sigourney Weaver et Michelle Rodriguez dont le personnage semble avoir subi de grosses coupes), des bad boys bien pourris (l’homme d’affaire sans scrupules Giovanni Ribisi et le G.I. assoiffé de sang Stephen Lang, brute déjà mythique terrifiante et jouissive), des images des univers mangas (les méchas déjà présents dans Aliens, le design des îles qui flottent) et une véritable sauvagerie dans les affrontements qui donne des séquences de batailles dantesques! Le film expose très justement la bêtise humaine de l’exploitation des ressources naturelles d’une terre aux dépens de la nature elle-même, ainsi qu’aux dépens des habitants, propose une belle réflexion sur le pouvoir de la nature en invoquant le mythe de Gaïa, tout en enchaînant les séquences d’actions qui deviennent parfois vertigineuses! C’est juste du grand art, peu importe ce qu’en pensent les pisse-froid.
Avec Avatar il est clair qu’une page se tourne, si cela va prendre un certain temps pour que son influence se fasse véritablement sentir, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il ouvre de nouvelles voies pour le cinéma en tant qu’art ou en tant que technique. James Cameron réussit un exploit sans précédent, rend ses personnages en image de synthèse presque plus vivants que les acteurs, c’en est presque effrayant! La démonstration technique est gigantesque, le film l’est tout autant, épique, magique, émouvant… Plus qu’un film, plus que tout ce qu’on pouvait en attendre, Avatar est un voyage initiatique que le spectateur partage avec Jake Sully, c’est une expérience de cinéma qui bouleverse les sens et nous fait entrer dans une nouvelle dimension. C’est immense et c’est le premier chef d’œuvre du cinéma moderne.