LA NUIT NOUS APPARTIENTD'entrée de jeu c'est puissant et on devine aisément que l'on va avoir à faire avec une putain de tragédie/polar noir:
Images d'archives de la police de New-York en noir et blanc donc. On voit beaucoup de perquisitions, de junkies, de seringues...On est dedans. Le combat entre la Police et la drogue. Boum stoppe et enchainement sur Phoenix le regard bourré de désir sur fond de Blondie (
Heart of Glass). Que regarde t-il? Une sublime Portoricaine allongée sur un canapé très classe, en petite tenue, le tout sous une photographie bien chaude et sombre que l'on retrouvera sur pas mal de scènes avec Mendes dont ce court passage où elle marche dans un couloir étroit (d'ailleurs je reviendrais aux couloirs) d'une rare élégance :
Puis l'histoire commence : Phoenix "Bobby" le gérant d'une grande boîte de nuit à l'ancienne (fin des années 80) gigantesque. Jeune, Libre, très demandé, épanoui, amoureux, ambitieux, possédant beaucoup de relations.
Le spectateur sait dès le départ qu'il se passe quelque chose avec ce lieu : le petit "salut" de la main à un personnage physiquement encré dans le style "mafieux", inquiétant ou encore le "vieux" qui considère Bobby comme un fils et qui se révèle être le patron, celui qui possède la boîte. Parlons affaire et bla bla et Bobby ne voit rien, ne sait rien, et malgré sa liberté, son ambition et ses relations, il n'aura finalement été qu'un pion, un type aveuglé par ce qu'on lui tendait et ce qu'il avait déjà. Un type qui, tout jeune déjà (comme le révélera plus tard le perso de Wahlberg) il était libre, il faisait ce qu'il voulait contrairement à son frère qui faisait ce que le père dictait. Le Bobby lui, s'émancipait. S'éloignait de la carrière familiale à laquelle le père dirigeait ses gosses. Ses deux fils. Tout ça joue sur son aveuglement de départ. Tel qu'il prend de la drogue mais ne réfléchit pas à la source même.
Bobby est en fait l'adulte qui n'a pas grandit et ne se rend pas compte des difficultés du métier de son père et frère.
ON le voit d'ailleurs bien quand il amène Mendes les rencontrer : Ils s'en vont elle et lui et pendant que son père et frère prononcent un discours sur leur carrière et leurs collègues tués sur le terrain, Phoenix embrasse goulument sa nana dans le couloir... Ou son comportement puéril lors de la soirée dont je parle plus haut : on est face à des mecs drogués, faisant les cons dans un appartement pendant que les flics taffent de nuit, prennent des balles, pendant que les mafieux montent leurs coups etc....
Bref, pour en revenir aux couloirs, très souvent, concernant Bobby (à part dans la boîte de nuit) il se trouve dans des lieux très étroits, comme des couloirs spartiates, la cellule de garde à vue, l'appartement de départ qui parait pas bien grand, la photographie toujours assez sombre (même très) etc...je trouve que ça renforce que dit un moment Mendes "...l'impression d'être dans un étau". Les personnages de Mendes et Bobby sont enfermés, sous pression, sous la peur. Ils n'échapperont pas au milieu qu'ils fréquentent ni à leur destinée.
Tandis que la Police est toujours (quasiment) montrée comme une grande famille et/ou dans des lieux spacieux :
Le père, important policier, déçu du fils qui choisit de s'en aller, retourner à ses affaires dans un milieu louche au lieu d'ouvrir les yeux, de renoncer à sa liberté pour accomplir son devoir (familial,civil,moral). La connotation religieuse ici est assez subtil (d'ailleurs je vois bien une autre connotation théologique tiens ..yen a peut-être plusieurs en fait je sais pas trop mais je pense que ya un truc à tirer)mais le message passe mal pour moi. J'ai pas pris énormément de captures mais yen a un paquet à prendre pourtant. ON peut aussi voir que plus le film avance plus les lieux où BObby se trouve s'élargissent (je me fais peut-être des illusions mais je l'ai perçu comme tel à l'oeil mais ça concerne pas TOUT le métrage juste des moments où je l'ai pris comme ça).
A noter d'urgence deux séquences qui resteront dans les annales des meilleurs performances d'ambiance à TOUS les niveaux :
La première :
La séquence où Bobby va voir et "tester" la marchandise de Vadim et là ça donne une photographie inquiétante, des petits couloirs étroits au fond noir d'où sortent ou entrent des démons
, une ambiance musicale angoissante sur une note (le compo inconnu pour moi : Wojciech Kilar qui signe d'ailleurs ici un des plus beaux score que j'ai entendu : intense, court, puissant,
SOLENNEL pas de meilleur mot), la peur de Bobby, la tension qui grimpe à mort...Du génie.
Puis la poursuite en voiture, qui est très courte et c'est dommage parce que, visuellement, c'est d'un réalisme bluffant, sans trop en faire, avec une ambiance funèbre totalement prenante et hypnotisante à partir du moment où le père meurt (le compositeur n'y est pas pour rien) et une caméra à l'épaule toujours aussi bandante dans ce genre de séquence :
Puis ne pas oublier les relations familiales bien au centre du film :
la paternité, la fraternité, le sens du devoir et tout ça au prix de nombreuses pertes : l'amour pour Bobby. La vie pour le père. Pour Walhberg : la confiance en lui.
Dernier plan du film. "Je t'aime" "Moi aussi'. Mais j'ai un souci d'interprétation parce que la déclaration de Wahlberg est sincère dans le ton mais pas trop celle venant de Phoenix qui d'ailleurs 20 sec avant croit voir Mendes dans le public face à eux et se rend compte qu'il a confondu avec une fille lui ressemblant.
Bref, un chef d'oeuvre du polar noir, tragique et solennel. Je ne lui vois aucun défaut. Le scénariste a du mérite. EDIT (James Gray himself + réalisateur le même doué quoi).
BOn après ce qui sort du film c'est quoi?
L'apologie de la police? De la carrière familiale? Du travail? De la maturité qui induit une prise de conscience donc des responsabilités et un sens du devoir? J'accroche pas trop à ça mais je suis encore dedans pour le moment. Je laisse murir mes idées on verra dans un an, au revisionnage numéro 3.
10/10.